Le nourrisson de 18 jours né prématuré de deux mois avait disparu de la maternité du centre hospitalier Robert-Ballanger à Aulnay-sous-Bois (93) le 21 octobre dernier. Alors que ses parents sont accusés...
Le salariat va-t-il disparaître ? Cela fait des années, désormais, que la question se pose, à en croire certains observateurs du monde économique français. Récemment encore, c’est Capital qui soulevait cette sempiternelle interrogation ; non sans estimer qu’il ne s’agirait pas nécessairement d’une "aubaine" pour les entreprises du pays. Mais pourquoi tenir un pareil discours aujourd’hui ? Une fois encore, c’est là le fait de la crise sanitaire qui a poussé - et parfois même contraint - un nombre croissant d’anciens salariés à opter pour un nouveau régime de travail : le fameux "freelance". Ils étaient des millions, affirment nos confrères, a changer du tout au tout leur environnement professionnel. "La période qui se clôt a suscité des vocations", insiste d’ailleurs le mensuel spécialisé en économie.
Faut-il, dès lors, s’attendre à l’émergence d’un "salariat mutant" ? Quelles seraient les ramifications exactes d’une telle situation qui impacterait assez mécaniquement - entre autres - le niveau de vie des retraités ; actuels ou à venir ? La lecture des faits appelle parfois à un peu plus de nuance, expliquent certains des experts contactés par nos confrères. Ainsi, il serait "prématuré" de sonner le glas du salariat, souligne Sophie Bernard, professeur à l’université Paris-Dauphine. Un avis que rejoint Philippe Crevel, économiste d’inclinaison libérale et spécialisé sur les thématiques de l’emploi ainsi que des retraites.
Le salariat va-t-il disparaître ?
"Aujourd’hui, le régime du salariat est ultra dominant en France. Rappelons en effet que 80 % des actifs de l’Hexagone sont des salariés. Il ne faut donc pas s’attendre à une disparition soudaine de ce statut ; d’autant plus que le CDI reste le contrat type pour les trois quarts de la population active", affirme-t-il sans hésiter. "Ceci étant dit, force est de reconnaître que la dynamique est à la progression du statut indépendant, qui concerne aujourd’hui 12% des actifs du pays", tempère-t-il ensuite, non sans souligner que "la digitalisation et le développement massif du télétravail pourraient provoquer une inflexion du rapport à l’emploi des Français".
"Parler de la fin du salariat, c'est prolonger des courbes. Aujourd'hui, on constate effectivement que c'est un statut qui a tendance à changer et que moins de gens l'exercent. De plus en plus de travailleurs et de travailleuses s'éloignent effectivement du statut traditionnel. En prolongeant les courbes, on peut alors y penser, mais c'est pousser une hypothèse à l'extrême et, à mon sens, aller un peu vite en besogne", estime pour sa part Alexandre Delaigue, professeur agrégé d'économie-gestion à l'économie de Lille 1. "Poser sérieusement la question de la fin du salariat, c'est en poser deux autres :est-ce vraiment ce que souhaitent les travailleurs et est-ce vraiment ce dont on besoin les employeurs ?", poursuit-il.
"Si c'est une tendance contrainte et non ce que souhaitent les travailleurs, alors le développement du statut indépendant ne peut qu'être temporaire. Aujourd'hui, il apparaît évident que certains le souhaitent et d'autre non. Certains travailleurs aspirent à l'autonomie qui va de paire avec le statut d'indépendant tandis que d'autres lui préfèrent les protections qui vont avec le salariat", indique l'économiste qui a aussi enseigné à Saint-Cyr Coetquidan. "Du reste, si le remplacement du salariat s'envisage dans certains secteurs professionnels qui ont beaucoup recours à l'externalisation, il est difficile de l'envisager dans d'autres domaines. Une disparition complète du salariat apparaît donc peu probable", juge-t-il encore.
Cela ne signifie pas qu'il ne pourrait pas devenir minoritaire. Or, souligne Philippe Crevel , le modèle de retraite français repose sur le salariat. Qu’adviendrait-il de lui si ce régime était relegué au second plan ?
Retraite : quel serait l’impact d’une disparition du salariat ?
La disparition du salariat, si tant est qu’elle ait effectivement lieu, ne se solderait pas par un vide étrange. "Un nouveau statut prendrait évidemment sa place", rappelle Philippe Crevel, non sans rappeler que "plusieurs scénarios apparaissent plausibles", mais que c’est la nature même de ce nouveau statut qui compte pour identifier l’impact réel sur notre système de retraite.
"Si le salariat reculait fortement et soudainement au profit du micro-entreprenariat, la situation pourrait devenir inquiétante compte tenu du peu de cotisations que payent les micro-entrepreneurs. Cela signifierait, à condition bien sûr que leur taux de cotisation demeure le même, un accroissement du déficit de la Sécurité sociale, faute de rentrées. Dans un scénario pareil, il y a matière à craindre pour les pensions de retraites actuelles, qu’il deviendrait encore plus difficile de soutenir", juge le directeur du Cercle de l'Epargne.
Pour autant, estime-t-il, il y a toutes les raisons de penser que les responsables politiques reverraient à la hausse le montant des cotisations que paient les micro-entrepreneurs.
"La situation de ceux qui ne sont pas encore retraités n’est pas moins inquiétante : parce qu’ils paient peu de cotisations et qu’ils ne gagnent pas toujours des milles et des cents, leur pension pourrait être moins importante. Si rien ne change, nous irions vers la paupérisation des retraités", analyse-t-il encore.
"C'est une manière de transférer le risque vieillesse sur les individus plutôt que sur les systèmes sociaux traditionnelles. D'un certain point de vue, cela fait partie de l'attrait de ce nouveau statut, qui permet de tout faire peser sur les salariés", ajoute Alexandre Delaigue. Et lui de poursuivre : "La réduction drastique du nombre de salariés, au profit du statut d'indépendants, va dans le sens d'un système à l'américaine dans lequel les travailleurs n'ont droit qu'à un filet minimum et doivent donc avoir recurs à une épargne personnelle... quitte à travailler beaucoup plus longtemps que ne l'impose la loi".
Salariat : par quoi serait-il remplacé ?
Deux grands scénarios se détachent, estime Philippe Crevel. "Le premier consiste en la création d’un nouveau statut qui mélangerait les formes de travail salariées et indépendantes. Très concrètement, cela signifierait que le travailleur ne serait plus relié à son entreprise, mais à son activité professionnelle. Les juristes qui se sont penchés sur la question évoquent un passage du statut de l’emploi au statut de l’activité. Dans cette hypothèse, les droits sont attachés à la personne, souvent de façon plus forte que pour le salariat simple", observe le spécialiste.
"L’autre scénario, c’est la création d’un statut indépendant plus proche de ce que l’on connaît aujourd’hui et proposant un niveau de protection sociale moins important. Fondamentalement, cela serait un nivellement par le bas", poursuit l’expert, qui pense tout de même que la réalité se situe probablement dans une variante un brin hybride de ces deux possibles.