La pension de réversion permet aux Françaises et aux Français dont le conjoint est décédé de toucher une partie de la retraite à laquelle celui ou celle-ci aurait théoriquement pu prétendre. Le montant versé dépend de certains critères.
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Elles sont plusieurs millions à en dépendre. En 2018, informe Capital, près de 2,8 millions d’hommes et surtout de femmes bénéficiaient d’une pension de réversion issue du régime général. Un chiffre globalement stable par rapport à 2017 puisque le nombre de nouvelles personnes à profiter d’un tel dispositif passait de 170 000 à 170 660 de la première année à la seconde respectivement.

Une information d’autant plus importante que les inégalités de revenus persistent encore entre les femmes et les hommes après la cessation d’activité, comme l’expliquait l’économiste Florence Legros dans nos colonnes. La pension de réversion permet précisément de minimiser la réalité de telles situations, informe-t-elle.

Dès lors, il apparaît important de comprendre le fonctionnement de ce dispositif qui profite essentiellement aux femmes. En 2021, souligne Notre Temps, elles représentaient 88% des bénéficiaires de la réversion. Mais qui, au juste, peut encore y prétendre aujourd’hui ? Comment est calculé son montant ? Le nombre d’années de vie commune joue-t-il un rôle ? Les réponses de Dominique Prévert, associé du cabinet spécialisé Optimaretraite.

Pension de réversion : qui peut théoriquement y prétendre ?

Qui peut prétendre à la pension de réversion ? La réponse est claire, nette et précise, rappelle d’entrée de jeu le spécialiste. “Tout conjoint survivant peut prétendre à la pension de réversion”, explique-t-il, non sans souligner qu’il est ici question du conjoint tel que défini par le Code civil. Il est donc question d’un époux ou d’une épouse qui aurait survécu à son partenaire. “Les pacsés et les concubins sont exclus de la réversion”, confirme-t-il.

“Dès lors que le conjoint décédé a généré des droits personnels à la retraite, c’est-à-dire si il ou elle a déjà travaillé et donc cotisé, il a aussi généré des droits pour son conjoint survivant”, explique Dominique Prévert.

Deux points importants doivent tout de même être précisés, poursuit le spécialiste. “Rappelons d’abord qu’il n’est pas nécessaire d’être soi-même à la retraite pour pouvoir bénéficier de la pension de réversion. Il n’est même pas nécessaire que le conjoint défunt ait déjà liquidé ses droits. Si c’est le cas, le calcul sera simplifié, puisqu’il s’agira alors d’un pourcentage de la pension qui était perçue. Dans le cas contraire, c’est sur la base du stock de droits acquis que sera calculé le montant de la pension de réversion”, indique encore l’associé de la société Optimaretraite.

Le deuxième élément concerne les conditions d’accès à la réversion, qui varient d’un régime à l’autre. Toutefois, la logique reste la même à chaque fois. Quelque soit le régime auquel le conjoint défunt a été amené à cotiser, il faut s’interroger sur les conditions suivantes :

“Le principe de la réversion répond toujours à la même logique. Son articulation procède de la même manière. En revanche les modalités d’applications de cette dernière diffère d’un régime à l’autre”, rappelle Dominique Prévert.

Pension de réversion : pour combien coûtent les années de vie commune ?

En cas de bénéficiaires multiples - si le conjoint décédé a eu plusieurs époux ou épouses, par exemple -, il peut alors y avoir proratisation de la réversion en fonction de la durée de l’union, explique Dominique Prévert.

“Prenons l’exemple d’une femme, divorcée de son époux, lequel s’est ensuite remarié. Au moment du décès de son ancien conjoint, elle est âgée de 60 ans et répond à toutes les conditions pour pouvoir prétendre à la réversion. Parce que son ancien époux s’est remarié, il a mécaniquement ouvert des droits à la réversionà sa seconde épouse”, résume d’entrée de jeu l’expert. Une question persiste alors : à combien la personne de notre exemple aura-t-elle droit.

“Au total, le conjoint décédé aura été marié 30 ans. 10 ans avec sa première épouse, puis 20 avec la seconde. La première aura alors droit 10 trentièmes, ce qui correspond à 1 tiers du montant de la réversion. La deuxième touchera 20 trentièmes, soit les deux tiers restants”, poursuit l’associé Optimaretraite.

Réforme des retraites : la pension de réversion va-t-elle évoluer ?

Le président de la République a d’ores et déjà annoncé la couleur : il veut réformer le système de retraites français, pour pousser les actifs et les actives à travailler plus longtemps. Une telle transformation pourrait-elle avoir un impact sur la pension de réversion ?

D’après la société d'assurance Groupama, la réforme pourrait en effet prévoir un certain nombre de dispositions relatives à la réversion. Ainsi, pour toucher la réversion à l’issue de la réforme, explique l’entreprise, il faudra justifier de nouveaux critères d’âge (avoir au moins 55 ans), d’union (ne pas se remarier) mais aussi de durée de mariage (avoir été marié-e pendant au moins deux ans ou avoir eu un enfant du mariage).

Certains de ces critères peuvent sembler similaires à ceux d’ores et déjà appliquée, mais d’après Groupama la différence est de taille : il n’existerait alors plus qu’un dispositif de réversion unique. Rendez-vous à l’issue des débats parlementaires pour en avoir le cœur net.

Pension de réversion : pourquoi c'est essentiel pour les femmes

Florence Legros, économiste et directrice de l’ICN Business School dresse pour Planet un portrait effrayant de la situation en France. En matière d’inégalités entre les femmes et les hommes à la retraite, le montant de la pension constitue évidemment le fond du problème selon l’économiste.

"L’écart est important. En 2018, ce qui correspond aux dernières données publiées par la Drees, la pension moyenne des femmes était de 1 110 euros par mois quand elle s’établissait à 1 784 euros mensuels pour les hommes. Ce n’est pas anodin et ce n’est pas seulement lié aux derniers salaires", observe la spécialiste dans nos colonnes, qui s’attarde sur les pensions issues du régime général.

"La racine du problème se trouve aussi dans les choix de carrières qui s’offrent aux femmes. À trente ans, les femmes nées en 1954 (c’est-à-dire celles qui partent à la retraite aujourd'hui) avaient validé 39,8 trimestres de cotisations d’après la Drees. Comparativement, les hommes de la même génération en affichaient 44,2. Pourtant, les femmes ne commençaient pas à travailler beaucoup plus tard : elles ont dû faire face à des interruptions de carrière et au morcellement de leur vie professionnelle", souligne l’économiste. 

Les femmes s'orientent souvent vers des secteurs moins rémunérateurs, encore aujourd'hui. "Le problème ne se pose pas seulement en durée d’assurance : il faut également parler de la qualité de la carrière : les femmes sont moins cadres, elles ont tendance à travailler dans des secteurs moins rémunérateurs et même à service équivalent, elles s’orientent généralement vers des activités qui paient moins bien. C’est en partie pour cela qu’à carrière complète, en faisant abstraction des éventuelles interruptions évoquées, l’écart entre la pension d’une femme (1 480 euros en moyenne) et celle d’un homme (1 980 euros en moyenne) est de 500 euros", poursuit encore la directrice de l’ICN Business School.

Pension de réversion : que se passe-t-il en cas de divorce ?

Dans le régime général, la réversion n’est pas annulée par le divorce. L'ex-épouse ou ex-époux touchera la totalité de la pension, quelle que soit sa situation (remariage, concubinage etc.). En revanche, dans la plupart des régimes complémentaires, il perd son droit à la réversion s'il se remarie. C'est le cas par exemple à l’Agirc-Arrco. Dans la fonction publique, il suffit de vivre en concubinage avec une autre personne pour perdre tous ses droits.

En cas de remariage du défunt, le premier conjoint ne perd pas ses droits à réversion. La pension sera partagée entre tous les ex-époux ou ex-épouses. La technique du prorata (relative à la durée respective de chaque union) est appliquée pour déterminer qui a droit à quoi.