Emmanuel Macron : ses soutiens placés à la tête d’instances "indépendantes"©McMay Steve/ABACAabacapress
Depuis 2017, Emmanuel Macron a placé plusieurs de ses soutiens à la tête d'autorités administratives indépendantes. Castex, Buzyn... Une enquête met en lumière cette dérive du pouvoir présidentiel, court-circuitant des instances censées exercer un contre-pouvoir. Planet fait le point.
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Dans une enquête parue le mercredi 24 mai 2023, Libération titrait : "Emmanuel Macron et les autorités indépendantes : ses potes à tous les postes". Depuis son élection en 2017, le président de la République aurait savamment placé ses soutiens. Si le chef de l’Etat a légalement la possibilité de nommer les présidents des autorités administratives indépendantes, certaines nominations font polémique.

Nominations par Emmanuel Macron : le fait du prince

Selon le Conseil d’Etat, les autorités administratives indépendantes sont censées être des garde-fous, des contre-pouvoirs "n’appartenant pas à la hiérarchie des administrations centrales aboutissant aux ministres". Conçues comme des outils de limitation du pouvoir, elles seraient devenues le " bras armés de l’exécutif" selon Libération.

Selon un expert, interrogé par Libération, on assiste à un ''phénomène de recasage de la macronie'', "une forme de récompense à des gens loyaux”, d’autant qu’il s’agit de “jobs très attractifs, où l’on dispose d’une certaine autonomie, où l’on prend des décisions structurantes et où l’on est bien payé, mieux qu’un ministre”.

Selon le député socialiste Philippe Brun, "avec Emmanuel Macron, nous assistons comme jamais auparavant à la nomination à ces postes d’amis du pouvoir, en lieu et place de personnalités reconnues pour leur indépendance". Quelles sont les nominations les plus polémiques ?

Buzyn, Castex, Papinutti… Des postes retrouvés grâce à l'Élysée

Le lundi 22 mai 2023, un ex-directeur de cabinet d’Elisabeth Borne a été nommé à la tête de la Commission nationale du débat public. Marc Papinutti a, en effet, occupé le poste de directeur de cabinet de Christophe Béchu au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et, avant cela, d’Élisabeth Borne au ministère des Transports.

Or, selon Libération, cette nomination est passée d’extrême justesse. Après avoir été validée par les commissions du Sénat et de l’Assemblée nationale, les parlementaires ont été hostiles face à cette nomination : 50 se sont prononcés contre et seulement 38 pour.

Marc Papinutti n’est pas un cas isolé. D’après France Info, l'ex-Premier ministre Jean Castex a été nommé, un temps, à la tête de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France. En juillet 2022, par décret présidentiel, l'ancienne ministre de la santé Agnès Buzyn a été nommé à la Cour des comptes. Depuis mars 2022, Jacqueline Gourault, ancienne ministre de la Cohésion des territoires, a rejoint le Conseil constitutionnel. Emmanuelle Wargon, ancienne ministre du Logement, a été nommée à la tête de la Commission de régulation de l’énergie en août 2022. Une longue liste qui n’est pas exhaustive. Pourquoi ces nominations font-elles polémiques ?

Autorités administratives indépendantes : un faux contre-pouvoir ?

Pour le député socialiste Philippe Brun, nommer des proches de l’exécutif à la tête des autorités administratives indépendantes est une "reprise en main, et la disparition de l’impartialité de l’État", rapporte Libération.

Le 23 janvier 2019 déjà, Gérard Larcher, président du Sénat, déclarait : "Puisque nous allons cette année débattre de la Constitution et des institutions, il faudra aussi nous poser la question de la multiplication des autorités indépendantes, qualifiées de tel parce que non issues de l’élection. À méditer", rapporte Public Sénat. Comprenez : il faut lutter contre le « recasage » des anciens ministres et parlementaires à la tête de ces autorités.

En 2019 toujours, le sénateur LR des Alpes-Maritimes, Henri Leroy, avait proposé une loi pour interdire aux ministres d’être nommés au sein d’une AAI au cours des cinq années qui suivent la fin de leurs fonctions. "C’est un délai nécessaire pour qu’il n’y ait pas de quiproquo", expliquait-il à Public Sénat. La proposition de loi n’a pas abouti.