Égalité et inéligibilité : pourquoi Marine Le Pen est révoquée de son mandat local mais conserve son siège de députée
Condamnée en première instance dans l'affaire des assistants parlementaires du Rassemblement National, la cheffe de file du parti a vu l'une des conséquences de sa peine, l'inéligibilité, s'appliquer immédiatement. Pourtant, alors qu’elle est démise de ses fonctions régionales, elle continue de siéger à l'Assemblée nationale, suscitant des interrogations sur une possible inégalité de traitement. Planet.fr fait le point sur les ressorts juridiques de cette situation complexe.
Une peine d'inéligibilité à effet immédiat... mais partiel
La condamnation de Marine Le Pen à une peine d'inéligibilité avec "exécution provisoire" a entraîné une conséquence directe et rapide. En application de la loi, cette décision a provoqué la révocation de son mandat local de conseillère régionale des Hauts-de-France. Le juge a ainsi pu prononcer sa démission d'office sans attendre que la décision de justice soit devenue définitive, c’est-à-dire après l'épuisement de toutes les voies de recours.
Dans le même temps, les portes du Palais Bourbon lui restent ouvertes. Malgré la même décision de justice, elle conserve son siège de députée du Pas-de-Calais. Cette situation soulève la question de savoir pourquoi Marine Le Pen garde son siège de députée, une interrogation légitime pour de nombreux citoyens qui y voient un paradoxe.
La protection renforcée du mandat parlementaire
La clé de cette différence de traitement se trouve dans l’article L. 205 du Code électoral. Ce texte prévoit explicitement que pour les élus locaux (conseillers municipaux, départementaux ou régionaux), une condamnation en première instance à une peine d’inéligibilité entraîne sa mise en œuvre immédiate. Il s’agit de l’exécution provisoire, qui a pour but de retirer rapidement un mandat à un élu condamné pour des faits graves.
En revanche, la différence de statut entre un élu local et parlementaire est ici fondamentale. Pour les députés et les sénateurs, la règle est différente : seule une condamnation définitive peut entraîner la perte du mandat. Cela signifie que tant que toutes les voies de recours, comme l'appel et la cassation, n'ont pas été épuisées, l'élu parlementaire est protégé. Les conséquences d'une condamnation avec inéligibilité pour un député sont donc suspendues à la décision finale de la justice.
Un "deux poids, deux mesures" validé par la justice
Face à cette situation, la défense de Marine Le Pen a saisi la justice, arguant d’une rupture du principe d'égalité devant la loi. Selon elle, cette différence de traitement entre les élus selon la nature de leur mandat est contraire à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui stipule que la loi doit être la même pour tous.
Un argument qui n'a pas convaincu le Conseil d'État. La plus haute juridiction administrative a confirmé la légalité de cette distinction, une position déjà validée par le Conseil constitutionnel par le passé. Les juges estiment que l'importance du mandat parlementaire, qui découle du suffrage universel direct à l'échelle nationale, justifie ce régime de protection différent afin de préserver la stabilité des institutions et de prévenir les manœuvres de déstabilisation politique.