Deux élues LFI en route pour Gaza : "Elles ne le font que pour leur électorat"

Publié par Matthieu Chauvin
le 24/07/2025
Flotille de la liberté Gaza
abacapress
© Propaimages/ABACA
Le 1er juin, le Madleen, un voilier de l'ONG la "Flotille de la liberté", larguait les amarres pour Gaza avec son bord la militante écologiste Greta Thunberg et la députée européenne LFI Rima Hassan. Le 20 juillet, c'était au tour du Handala, un vieux chalutier, de prendre la mer vers la même destination, embarquant deux nouvelles élues de la France Insoumise. Nous avons demandé au politologue Christophe Boutin quel était l'impact de ces actions sur nos politiques intérieure et extérieure.
 

Que l'extrême gauche s'inquiète de la situation palestinienne n'est pas nouveau. Cela fait des décennies qu'elle a choisi son camp, des groupuscules s'en réclamant ayant même participé à des actions violentes dans les années 70 main dans la main avec le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine). Elle en a parfaitement le droit, comme il est permis à tout un chacun de critiquer la politique actuelle israélienne en matière de représailles aux attentats du 7 octobre 2023 commis par le Hamas. Le constat est là, des dizaines de milliers de Palestiniens sont morts sous les bombes de Tsahal et la crise humanitaire qui en résulte est terrible, puisque la famine menace désormais les Gazaouis. 

Politique et activisme : un mélange des genres de la part de LFI ?

Mais comment interpréter les gesticulations (on peut douter de l'efficacité de ces actions) de la France Insoumise, dont deux nouvelles élues, la députée Gabrielle Cathala et la députée européenne Emma Fourreau, ont embarqué sur un bateau de l'ONG internationale "la Flotille de la liberté", le Handala, en direction du Proche-Orient avec d'autres militants ? Ce près de 2 mois après Rima Hassan, dont le voyage, certes réussi sur le plan médiatique, s'est terminé en fiasco ? Nous avons interrogé le politologue et éditorialiste Christophe Boutin sur les motivations du parti de Jean-Luc Mélenchon.

Planet.fr : Quel est l'intérêt pour la France Insoumise, même en connaissant leur parti-pris dans le conflit, de prendre part à de telles actions ?

Christophe Boutin : Outre, dans ce cas précis, la tactique de fidéliser un électorat, de montrer qu'on n'est pas rentré dans le rang, qu'on lutte à chaque instant, autant d'éléments qui classique du discours de ce genre de partis, c'est aussi une méthode qu'ils ont toujours utilisée. La France Insoumise et ses prédécesseurs idéologiques ont pendant très longtemps travaillé comme des petits partis d'opposition qui avaient besoin d'acquérir une visibilité. Pour cela ils ont mis en place des actions de ce type-là. Ces actions se sont révélées très rentables au niveau électoral. Cela fait partie de leur fonctionnement, ils ont besoin d'avoir cette visibilité. Ce militantisme particulier que n'auraient pas d'autres partis comme Renaissance par exemple.

Planet.fr : Il y a donc une stratégie derrière ces "voyages" ?

Christophe Boutin : Oui, il y a une stratégie, notamment électoraliste en vue des prochaines municipales de 2026, pour montrer qu'on va continuer à se battre pour eux (leurs électeurs, ndlr), mais c'est à ce type d'actions, je crois, que ces partis pensent de manière prioritaire.

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Un préjudice pour la diplomatie Française ? "Elle n'existe plus" ! 

Planet.fr : Même si Israël a réagi de façon mesurée la première fois, est-ce que cela porte préjudice à la diplomatie française, déjà mise à mal selon vous ?

Christophe Boutin : Elle n'existe plus la diplomatie française. Le président de la République n'a aucune ligne fixe, son ministre des Affaires étrangères (Jean-Noël Barrot, ndlr) court après lui en essayant vainement de le rattraper. Par ailleurs certains ministres sur certains sujets ont des approches diplomatiques différentes, je pense évidemment à Bruno Retailleau. Sincèrement, je ne la vois pas la diplomatie française actuellement. A rebours de ce que l'on a connu précédemment sous la Ve République. Je ne dirais pas sous tous les Présidents, mais la plus grande part.

Planet.fr : Au final, l'opération n'est pas très risquée pour LFI ?

Christophe Boutin : Non, c'est une démonstration de volonté, ils restent dans les règles du droit international. C'est une façon de prouver qu'ils existent et de chercher à attirer l'attention des Français d'une part et de l'international, sur un problème.

La France Insoumise a mis en scène une "story"

Planet.fr : Est-ce que la stratégie est payante, car cette fois, l'opération est assez peu relayée ? Ou alors auprès de leur électorat ?

Christophe Boutin : C'est ce que j'allais vous dire. Lors de la première expédition sur Gaza le relais, en tweets, et tout ce que vous voulez, de Jean-Luc Mélenchon, de LFI, des médias, a été très important. Leurs moindres faits et gestes étaient commentés, puis, après leur arrestation par la marine israélienne, l'ensemble de ce qu'il s'est passé a aussi été largement commenté, comme les grèves de la faim. On a eu une sorte de "story" et je crois que les militants y sont restés très "accrochés" même si elle n'a pas eu l'ampleur qu'ils auraient pu souhaiter dans les grands médias.

Planet.fr : Outre la diplomatie, est-ce que ça peut ternir l'image de la France en tant que nation ? On ne va pas changer la face de la guerre avec 12 militants français comme étrangers - il y a même des personnes de religion juive - sur un catamaran ?

Christophe Boutin : Je ne le pense pas. Maintenant, il est déjà arrivé que certaines actions qui semblaient ridicules aient un effet. Et quand vous parlez de l'image de la France, vous me dites en même temps le contraire. Puisqu'il y a à bord des activistes de plusieurs pays, ce n'est plus la France qui agit, et peut-être moins encore que la première fois.

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