Ces avantages des anciens Présidents et Premiers ministres qui coûtent 2,8 millions par an

Et si, dans la course aux 40 milliards d'économies à réaliser sur les dépenses publiques d'ici fin 2026 pour ramener le déficit à 4,6 %, quelqu'un avait trouvé un début de solution pour les réduire autrement que sur le dos des Français avec l'instauration d'une année blanche : la sénatrice UDI du département de l'Orne (région Normandie), Nathalie Goulet. C'était il y a 6 mois. Et si, à l'instar de François Hollande, ici près de son scooter à l'époque de sa mandature, les anciens Présidents et Premiers ministres circulaient, hors représentation officielle, avec leur propre véhicule, mieux, sans chauffeur et sur leurs propres deniers ? Las, applaudie, notamment par le grand public (même Michel Barnier avait appelé à la retenue, avant la censure de son gouvernement), la mesure a fait long feu !
Un amendement voté puis retoqué malgré notre déficit !
En effet, alors que peu de gens croient aux propos d'Eric Lombard, le ministre de l'Economie tenus jeudi 5 juin sur France 2 concernant des impôts qui n'augmenteraient pas l'année prochaine, on se demande bien comment trouver ces 40 milliards. La Voix du Nord rappelle que quelques jours après le vote de l'amendement par les sénateurs, il avait été retoqué, purement et simplement, sous l'impulsion de François Bayrou. Ce par la commission mixte paritaire, le 31 janvier. Devant les députés de sa formation, le Premier ministre décidément bien conservateur avait déclaré : "Il faut bien qu’il y ait dans l’État des choses stables […] Quand on occupe des postes à responsabilités dans des moments de crise, il y a forcément, pour le futur, des précautions à prendre" selon le Canard Enchaîné. Ce sont donc 2,8 millions d'économies par an qui ne seront pas réalisés.
"On recommencera l'année prochaine" avait lancé Nathalie Goulet
C'est ce qu'elle avait en effet déclaré à nos confrères de Public Sénat. Mais, début juin, la sénatrice s'est exprimée sur sa mesure et a reconnu auprès de LCI que même s'il s'agissait d'une somme "symbolique" (pas si on la calcule sur plusieurs années ! ) "Dans une période aussi troublée, parfois les symboles, c'est important." Puis : "On considère que ces personnes ont des retraites, ce ne sont pas des nécessiteurx de la République et il n'y a aucune raison que les contribuables paient leurs loyers. Un ancien Premier ministre a un bureau dans un arrondissement prisé de Paris à plus de 15 000 euros par mois : ce n'est pas au contribuable de payer !"
Une mesure de bon sens à propos de privilèges trop coûteux
“Le République est bonne fille, mais la République est en faillite”, est-il écrit dans l’amendement qui avait été adopté le 22 janvier 2025 au Sénat. Ce texte déposé par la sénatrice centriste de l’Orne, Nathalie Goulet, visait à supprimer les “les avantages des anciens présidents de la République et anciens Premiers ministres”, et, plus précisément, les 2,8 millions d’euros de crédits alloués à ces personnalités, dont certaines y ont droit depuis plus de trente ans (Laurent Fabius, Edith Cresson ou encore Edouard Balladur).
Ces subsides “n’ont aucune raison d’être”, justifie l’objet de l’amendement, qui note que ces ex-chefs d’Etat et de gouvernement français “sont plus la plupart multi-pensionnés (...) à la suite de très nombreux mandats parlementaires ou locaux”.
“J’ai vérifié, personne n’est aux Restos du cœur “, a ironisé la sénatrice de l’Orne, selon des propos rapportés par Public Sénat. Mais quelles faveurs cette somme totale recouvre-t-elle exactement ?
Le texte de l’amendement n’en dresse qu’une liste rapide et non exhaustive. Pour en vérifier le contenu précis, il faut se plonger dans les arcanes du langage administratif de l’Etat, en remontant la piste de cette fameuse ligne de crédit que les sénateurs souhaitent supprimer dans le projet de loi de Finances pour 2025 en cours d’examen : les “crédits de l’action 10 du programme 129”.
Qui gère les crédits alloués aux anciens chefs de l’exécutif ?
Quel est donc ce “programme 129” ? Dans le budget de l’Etat, le “programme 129”, concerne la coordination du travail du gouvernement.
Quant à “l’action 10”, elle correspond au financement de la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre (DFSAF). Cette dernière regroupe les administrations des différents cabinets des ministres, les secrétaires d’Etat ainsi que les services fournis aux anciens Présidents de la République et des anciens Premier ministres, comme on peut le lir dans le texte du projet annuel de performance de la Direction de l’action du gouvernement annexé au projet de loi de finances pour 2025 (page 73).
Quels avantages pour les anciens Présidents et chefs de gouvernement
Mais quels sont, précisément, les avantages accordés aux anciens Présidents de la République et aux anciens Premiers ministres ? Un partie d’entre eux sont listés dans le texte de l’amendement, mais sans détails sur les frais correspondants. Par ailleurs, un rapport législatif déposé fin 2024 à l’Assemblée nationale apporte d’autres éléments. En effet, dans celui-ci figure une réponse détaillée publiée au Journal officiel du 10 octobre 2023. Tous ne sont pas inclus dans la fameuse “action 10 du programme 129” ciblée par les sénateurs (certains points sont supervisés par d’autres services de l’Etat).
Pour se faire une idée, voici à partir de ces sources, les avantages existants et ne seront finalement pas, pour l'instant supprimés.
Une voiture avec chauffeur…

L’amendement du Sénat liste cet avantage. Le rapport parlementaire évoque “un véhicule et (...) ses conducteurs, mis à disposition” des anciens présidents par le ministère de l’Intérieur dans le cadre du dispositif de protection du Président. Il est également question de cet avantage pour les ex-Premier ministres, mais avec des conditions.
… sous certaines conditions

D’après le rapport parlementaire, le décret n° 2019-973 du 20 septembre 2019 prévoit la mise à disposition d’un tel véhicule pour les anciens Premiers ministres qui le demandent. Cet avantage est inclus dans le fameux “programme 129”. Une nuance toutefois : ceux qui exercent un mandat d’élu ou une fonction publique ne peuvent pas cumuler cet avantage.
Une carte de circulation gratuite

Cet avantage est évoqué dans le texte des sénateurs.
Des officiers de sécurité

Concernant la sécurité de ces personnalités, celle-ci est assurée par le service de la protection du ministère de l’Intérieur, mais “ces crédits ne sont pas portés par le programme 129”, précise le rapport parlementaire.
“Des indemnités”

Cet avantage est listé dans le texte du Sénat, mais pas détaillé dans le rapport législatif.
Du personnel

Les anciens présidents de la République - la France en compte 2 en 2025 - peuvent bénéficier pendant cinq ans d’un “cabinet de 7 membres et 2 agents de service”. Ensuite, il cette équipe est réduite à trois membres et un agent de service. Cet avantage n’est pas évoqué dans le texte de l’amendement sénatorial.
Des locaux

D’après le rapport parlementaire, les anciens présidents ont droit à des “locaux meublés et équipés, dont le loyer, les charges et les frais généraux sont pris en charge par l’État”. Cela n’est pas mentionné dans le texte des sénateurs.