Hausse de la taxe foncière : qui est coupable ?Istock
Au cours d'une récente interview télévisée, Emmanuel Macron a imputé la responsabilité de la hausse de la taxe foncière aux élus locaux. Ses propos ont fait réagir de nombreux maires qui contestent cette affirmation. La taxe foncière est aussi bien soumise aux décisions du gouvernement qu'à celles des collectivités. On fait le point.
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"Quand vous avez votre taxe foncière qui augmente, ce n’est pas le gouvernement, c’est votre commune qui le décide et c’est un scandale quand j’entends des élus qui osent dire que c’est la faute du gouvernement." Emmanuel Macron a réagi, dimanche 24 septembre au cours de son interview aux JT de TF1 et de France 2, aux propos de certains élus locaux qui l’accusent d’être en partie responsable de la hausse de la taxe foncière dans de nombreuses communes.

Taxe foncière : un impôt local

Commençons par rappeler comment est calculée la taxe foncière que les collectivités territoriales perçoivent chaque année pour financer leurs budgets. Le montant de cet impôt local - dû par les propriétaires ou usufruitiers de biens immobiliers situés en France - r ésulte d’un calcul à deux variables, comme l’explique François Ecalle, président de l’association Finances Publiques et Économie (Fipeco) à TF1 dans un récent article : "La taxe foncière est le produit de la valeur locative cadastrale par le taux d’imposition défini par la commune." 

Premier point à prendre en comptela valeur locative cadastrale d’un bien(dont la base date des années 1970) est réévaluée chaque année par l’administration fiscale en fonction de l'inflation constatée l’année précédente. "La valeur cadastrale est fonction d’un même coefficient applicable dans toute la France : le coefficient de revalorisation", poursuit l’ancien magistrat à la Cour des comptes. Ce coefficient de revalorisation, s'élevant à 7,1% pour l'année 2023, est fixé par l'État.Deuxième point à prendre en compte :le taux d’imposition, qui est quant à lui voté par les collectivités locales.

C'est l'oeuf ou la poule

Bercy, contacté par TF1, a confirmé les propos d’Emmanuel Macron : "La taxe foncière augmente mécaniquement dans le contexte d’inflation actuel, mais ce n’est pas une volonté de l’État". Et ajouter : "Les communes sont totalement libres de moduler le taux de cette taxe en fonction de leur situation locale". Pour preuve ultime de son innocence, le ministère de l’Économie met en avant un chiffre : "85% des maires n’ont pas augmenté leur taux de taxe foncière."

Pourtant, même si la plupart des communes ont choisi de figer son taux d’imposition, la hausse de la taxe foncière est inévitable au regard de la revalorisation automatique de la valeur locative cadastrale. "Là où les collectivités locales ont raison lorsqu’elles rejettent la faute sur l’État, analyse François Ecalle, c’est que la hausse des valeurs cadastrales est bien votée par le Parlement, et l es collectivités locales n’ont aucun pouvoir là-dessus."

Mais si certaines communes s'indignent  dans les faits, très peu d’entre elles ont baissé leurs taux de taxe foncière (moins de 3%). "C’est un peu hypocrite parce qu’en réalité, les collectivités locales sont très contentes d’avoir des recettes supplémentaires", nuance François Ecalle. 

La suppression de la taxe d’habitation pointée du doigts...

Pour certains élus locaux, la suppression de la taxe d’habitation a rendu quasi obligatoire l’augmentation de la taxe foncière pour atténuer le manque à gagner dans leur budget. "Les 14% des maires qui ont augmenté leur taxe foncière l’ont souvent fait, car ils n’avaient pas d’autres choix", explique André Laignel, vice-président de l’Association des maires de France (AMF). Dans un communiqué de presse publié mardi, le collectif d’élus constate que "la suppression de la taxe d’habitation a profondément déstabilisé la fiscalité locale en la concentrant sur la seule taxe foncière."

Pourtant, le gouvernement affirme que "la suppression de la taxe d’habitation a été compensée à l’euro près", via un mécanisme complexe de transferts de fonds. D’après André Laignel, cette compensation ne peut être totale quand on sait que "les taux de taxe d’habitation qui ont été pris en compte par l’État pour son calcul sont ceux de 2017". Selon les calculs de l’association, les localités estiment "avoir perdu environ un milliard d’euros de budget, entre 2020 et 2021, à l’échelle de la France." D’après nos confrères de CheckNews, cette compensation, même si elle n’est pas à l’euro près, s ’élèverait tout de même à 98,8% du montant de la taxe d’habitation.

… tout comme la baisse des dotations

Pour justifier la hausse de la taxe foncière, certaines mairies, dont celle de la capitale (qui augmente de 51,9% la taxe foncière en 2023)ont mis en cause la baisse des dotations globales de fonctionnement (DGF). Les DGF sont des aides attribuées par l’État aux communes pour compenser les responsabilités qu’elles exercent en son nom . "Nous n’avons pas baissé les dotations des collectivités territoriales", a répondu le chef de l'État dimanche dernier.