Succession : 5 moyens d’exhérédation légale de vos ayants droits
INTERVIEW. Les héritiers ne possèdent pas toujours les pleins pouvoirs sur leur succession. Et ce, même si le droit civil français est très protecteur envers les ayants droits. Murielle Cahen, avocate spécialisée en droit successoral, nous liste les différentes possibilités d'exhérédation.

Priver un ou plusieurs héritiers d’une partie ou de la totalité des droits accordés par la législation en vigueur. Voici ce que permet l’exhérédation. Cette forme de libéralité indirecte d’un ayant droit aux bénéfices des héritiers désignés, s’établit par testament. Comme nous l’explique Murielle Cahen, avocate spécialisée, entre autres, en droit successoral, "le testament pourrait limiter les droits des héritiers par des actes de disposition en l’occurrence des legs faits à des tiers". Si, "en principe, chacun est libre de faire ce qu’il souhaite de son argent, de ses biens, de son patrimoine, le législateur a prévu une limite à ce droit. En effet, lorsqu’une personne souhaite établir un testament, elle doit respecter un certain nombre de règles. Le testateur ne pourra ainsi pas disposer de tout son patrimoine, mais seulement de la quotité disponible (biens dont le défunt peut disposer librement)", détaille-t-elle.

Succession : "Le testateur peut décider de remettre tous ses biens à une ou plusieurs personnes"

Néanmoins, "le testateur peut décider de remettre tous ses biens à une ou plusieurs personnes par legs universel. Dès lors, le légataire universel recevra la totalité des biens du défunt. Cependant, en présence d’héritiers réservataires, le legs universel ne portera pas sur l’ensemble du patrimoine. Dans ce cas, le légataire universel ne recevra qu’une fraction de la succession, appelée quotité disponible", indique l’avocate.

Quant aux héritiers réservataires, ils disposent de plein droit de la réserve. "Toutefois, le légataire universel bénéficiera d’un droit sur les biens du défunt", prévient l’experte. À ce titre, l’article 1004 du Code civil prévoit que : "Lorsque au décès du testateur, il y a des héritiers auxquels une quotité de ses biens est réservée par la loi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de tous les biens de la succession ; et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament".

Quels sont alors les différents moyens qui permettent au testamentaire de déshériter ses ayants droits ? Découvrez-les dans notre diaporama ci-dessus.

Comment déshériter son conjoint ?

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Comment déshériter son conjoint ?

Il est possible de déshériter son conjoint ou de réduire sa part d’héritage au minimum. Les situations sont différentes en cas de mariage avec ou sans enfants. Explications.

L’exhérédation du conjoint en cas de mariage sans enfant

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L’exhérédation du conjoint en cas de mariage sans enfant

"En cas de mariage sans enfant, le conjoint survivant ne peut être complètement déshérité, mais sa part peut être fortement réduite par testament", détaille Me Murielle Cahen.

L’exhérédation du conjoint par anticipation en cas de mariage avec enfants

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L’exhérédation du conjoint par anticipation en cas de mariage avec enfants

"En présence d’enfants, on peut déshériter complètement son conjoint par anticipation, en faisant un testament. Toutes les libéralités, qu'elles soient rapportables ou faites hors part successorale, échappent à l'emprise de l'époux survivant", dévoile l’experte en droit successoral.

"Celui-ci est déshérité par des donations ou des legs qui épuisent la quotité disponible au profit d'autres successibles ou tiers à la succession. Dans tous les cas, le conjoint survivant récupèrera la part des biens du couple qui lui revient de droit en raison de leur régime matrimonial. " Ainsi, aux termes de l'article 758-5 du Code civil, "le conjoint ne pourra exercer son droit que sur les biens dont le prédécédé n'aura disposé ni par acte entre vifs, ni par acte testamentaire, et sans préjudicier ni aux droits de réserve, ni aux droits de retour".

Comment déshériter son enfant ?

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Comment déshériter son enfant ?

"Déshériter un enfant est une disposition négative testamentaire par laquelle le testateur écarte une ou plusieurs personnes généralement appelées héritiers présomptifs (Cour d’appel de Paris – Pôle 01 ch. 02 11 février 2021 / n° 20/06654), des biens qu’elles sont censées recueillir en vertu de la loi, au décès de leur auteur", rapporte Me Cahen.

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L’exhérédation par le choix de la loi applicable

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L’exhérédation par le choix de la loi applicable

"Pour exclure l’application de la loi française, le de cujus peut, tout d’abord, tenter de déclencher l’application d’une loi étrangère qui ignore la réserve héréditaire", note Me Murielle Cahen.

La première Chambre civile de la Cour de cassation a, par deux arrêts en date du 27 septembre 2017 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 septembre 2017, 16-13.151, Publié au bulletin et Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 septembre 2017, 16-17.198, Publié au bulletin), décidé que "la loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels".

"En effet, le règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 en son article 22 dispose qu’une personne peut choisir comme loi régissant l’ensemble de sa succession la loi de l’État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès. Ainsi, une personne ayant plusieurs nationalités peut choisir la loi de tout État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès", assure l’experte.

L’exhérédation par arrangement familial

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L’exhérédation par arrangement familial

Selon l’article 725 du Code civil, "Pour succéder, il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable". Un arrêt de la Cour d’appel d’Angers – ch. 01 B du 16 février 2015 / n° 14/03032 l’a rappelé. "Toutefois, ces derniers par un arrangement peuvent donner leur assentiment pour être écartés partiellement ou totalement de la succession de leur ascendant au profit d’une autre personne", précise l’avocate.

L’exhérédation d’origine légale dit indignité successorale

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L’exhérédation d’origine légale dit indignité successorale

"L’exhérédation, objet de sanction est prévue par les articles 726 et 727 du Code civil. Ces deux articles ont vocation à priver, voire à exclure les héritiers présomptifs ou réservataires de la succession de leur auteur", explique Murielle Cahen.

"Ainsi, lorsqu’un héritier réservataire est condamné comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt, il peut être déshérité", ajoute-t-elle.

"Il en est de même de celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner (voir en ce sens pour un parricide : Cour de cassation – Première chambre civile 28 mars 2012 / n° 11-10.393). On parle alors de l’indignité de plein droit de l’article 726 du Code civil. En revanche, l’indignité de l’article 727 du Code civil est une indignité qui doit être judiciairement prononcée parce qu’elle ne joue pas automatiquement. Elle est facultative. Peuvent être déclarés indignes de succéder celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à :

-une peine correctionnelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt des violences ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner 

-des tortures et actes de barbarie, des violences volontaires, un viol ou une agression sexuelle envers le défunt 

Ou pour :

-témoignage mensonger porté contre le défunt dans une procédure criminelle 

-s’être volontairement abstenu d’empêcher soit un crime soit un délit contre l’intégrité corporelle du défunt d’où il est résulté la mort, alors qu’il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les tiers 

-dénonciation calomnieuse contre le défunt lorsque, pour les faits dénoncés, une peine criminelle était encourue 

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