Refus d'obtempérer à Lille : pourquoi le chauffard, multirécidiviste, n'était pas en prison ?
Dans la nuit du 1er novembre, vers 4 h 48, Mathis, 19 ans, a été percuté de plein fouet alors qu’il traversait sur un passage piéton du boulevard de la Liberté, en plein centre-ville de Lille. "Percuté par un véhicule qui roulait à vive allure, il est décédé sur le coup avant l’arrivée des pompiers", a détaillé le procureur de Lille, Samuel Finielz, dans un communiqué cité par Le Monde. Le conducteur, un homme de 31 ans, a pris la fuite à pied avant d’être interpellé quelques mètres plus loin.
Selon le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, "le conducteur a refusé à deux reprises de s’arrêter, malgré les injonctions des effectifs de police". Le ministre a dénoncé un drame "tout à fait intolérable, surtout que ça se traduit par la mort d’un jeune homme qui devait avoir 20 ans dans quarante-huit heures".
Dans le véhicule, les enquêteurs ont découvert plusieurs bouteilles de protoxyde d’azote, ce "gaz hilarant" dont l’usage détourné est en forte hausse. Le procureur a confirmé que "la consommation de protoxyde d’azote contemporaine de la conduite du véhicule" était établie.
Un multirécidiviste aux nombreux antécédents
Le mis en cause, identifié comme Adel El Nacer C., originaire de Saint-Omer, traîne derrière lui un lourd passé judiciaire. Selon Le Figaro, son nom apparaît dans une quinzaine de dossiers depuis 2013. Cette année-là, il avait été condamné à quatre ans de prison pour trafic de stupéfiants. En 2020, il avait écopé de trois ans, dont deux ferme, pour violences et séquestration. Avec plusieurs complices, il avait "contraint le locataire d’un appartement à aller leur chercher à manger, leur acheter du cannabis". La victime présentait "des brûlures de cigarettes, la moitié du crâne rasée", rapportait Europe 1.
En 2024, il avait encore été arrêté en flagrant délit de conduite sans permis. "Son permis avait été annulé en 2023, et il avait d’ailleurs été arrêté pour conduite malgré cette suspension", a rappelé le journaliste Amaury Bucco sur CNews, soulignant qu’il s’agissait "d’un délinquant chevronné impliqué depuis longtemps dans le trafic de drogue".
Malgré son lourd passé, l’homme se trouvait en liberté au moment du drame. Sa mise en examen pour homicide routier est aggravée par trois circonstances : "violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité et de prudence, délit de fuite et refus d’obtempérer", selon le parquet de Lille.
"Nous luttons contre le trafic de bonbonnes"
Ce gaz, souvent inhalé à l’aide de ballons, fait l’objet d’un encadrement renforcé. "Nous luttons contre le trafic de bonbonnes", a rappelé Laurent Nuñez, tout en estimant qu’"il faudra à un moment s’interroger sur une modification des règles législatives sur la vente". Le Sénat a d’ailleurs voté en mars la pénalisation de son usage détourné, sans interdire totalement sa vente.
Depuis juillet, la loi reconnaît le nouveau délit d’homicide routier, créé après plusieurs années de mobilisation des familles de victimes. Désormais, tout conducteur impliqué dans un accident mortel avec au moins deux circonstances aggravantes risque jusqu’à dix ans de prison.
Une peine qui, pour les proches de Mathis, ne suffira pas à apaiser la douleur. “Ne plus entendre sa voix, ne plus voir ses pitreries, c’est ça qui va être dur”, a confié Laetitia, la mère du jeune homme, à BFMTV.