Viager : comment faire pour que les deux parties y gagnent ?
de vente immobilière permet de faire des affaires et de s’assurer un
revenu garanti à vie. Pour que tout le monde soit gagnant, il faut
notamment s’assurer de la solidité juridique du contrat. On vous explique
comment.
Augmenter ses revenus, profiter d’un complément de retraite, acquérir
un bien immobilier à moindre coût… On a tous une bonne raison pour
vendre ou acheter un bien immobilier en viager. Mais bien souvent, cette
forme de vente basée sur l'espérance de vie du vendeur reste
méconnue des Français. “Le viager fait peur parce qu’on ne le connaît
pas. On a des idées reçues, comme surpayer son viager avec le
phénomène Jeanne Calment (qui a vendu son logement en viager mais
ne pensait pas vivre aussi longtemps, NDLR), déshériter ses enfants…
La réalité n’est pas celle-ci”, indique d’emblée Sophie Richard, viagériste
et fondatrice du réseau d’agences immobilières Viagimmo. En effet, la
vente en viager peut présenter de nombreux avantages pour les deux
parties, acheteurs (on parle alors de débirentiers) et vendeurs (dits aussi
crédirentiers). Il faut toutefois faire attention à ne pas tomber dans
certains écueils et rester attentif à certains points avant de conclure la
vente.
Investir ou occuper le logement ?
Pour que les deux parties y gagnent, il faut d’abord savoir ce que l’on
veut en tant qu’acheteur ou en tant que vendeur, car le viager est
multiple : il peut être “occupé” ou “libre”, ce qui aura des conséquences
sur la façon dont on peut disposer du bien et surtout sur la rente versée
au crédirentier par le débirentier, calculée selon la valeur du bien,
l’espérance de vie du vendeur mais aussi selon ses potentiels besoins
en termes de revenu complémentaire.
La vente en viager occupé (le vendeur continue d’occuper le bien
immobilier qu’il a cédé) représente “entre 80 et 85% des transactions”,
selon Sophie Richard. “Les avantages pour l’acquéreur, c’est qu’il
achète un bien immobilier décoté (car toujours occupé),
progressivement dans le temps, et il n’a pas besoin de recourir à un
emprunt. C’est le vendeur qui va tenir le rôle du banquier, d’une certaine
façon.” Une manière donc d’éviter les frais bancaires inhérents à un prêt,
et de se constituer un capital, d’investir. Côté vendeur, cela peut être
une assurance en cas de décès d’un conjoint, permettant au conjoint
survivant de rester dans le bien. Le vendeur percevra une rente
régulière (bien souvent mensuelle), donc l’assurance d’avoir à vie un
revenu complémentaire. Il reçoit aussi un bouquet (une somme versée
comptant au moment de la signature du contrat de vente). Le viager
permet ainsi de rester plus longtemps chez soi.
Le viager libre, lui, est plutôt minoritaire, selon la viagériste. Ce type de
vente “va s’adresser à des acquéreurs qui veulent devenir propriétaire
pour y vivre”, souligne Sophie Richard. Il peut s’adresser ainsi aux
acquéreurs qui ne correspondent pas aux profil-type des établissements
de crédit pour avoir un emprunt, parce qu’ils n’ont pas de CDI, des
revenus réguliers… Les acquéreurs en viager libre sont donc des
personnes qui veulent occuper de suite le logement et se construire un
patrimoine tout en évitant les frais bancaires. Ils peuvent être aussi des
investisseurs qui souhaitent mettre le bien en location. Pour le vendeur,
ce peut être une bonne façon de financer un hébergement en maison de
retraite, par exemple, tout en récupérant une partie de la valeur du bien
avec le bouquet.
Penser à tous les cas de figure
Une vente en viager repose sur un contrat qui lie l’acheteur et le
vendeur. Il doit comporter des clauses essentielles. “Ce peut être de
penser à inscrire la réversibilité de la vente viagère en cas de décès du
conjoint, la révision de la rente en fonction du coût de la vie, ou encore
la clause résolutoire et le privilège du vendeur, deux garanties qui
permettent de sécuriser le vendeur en cas d’impayé de rente viagère”,
détaille Sophie Richard. “Côté acquéreur, les clauses à ne pas omettre,
ce sont le transfert de la garantie hypothécaire (pour que l’acquéreur ait
toute latitude pour revendre le viager si besoin, NDLR) et les modalités
de départ par anticipation.” Une clause de départ par anticipation doit
prévoir les modalités de départ du vendeur, s’il rejoint un Ehpad par
exemple, et les conditions pour que l’acquéreur puisse entrer dans le
logement. Le départ par anticipation s’accompagne d’une revalorisation
de la rente. Il est important de prévoir tous les cas de figure pour éviter
tout problème juridique par la suite.
Vendre en viager représente aussi une bonne affaire fiscale pour le
vendeur puisqu’il ne sera pas totalement imposé sur la rente perçue. Au
moment de la signature de la vente chez le notaire, l’âge du vendeur à
cet instant-là permettra de définir l’avantage fiscal. Ainsi, si le vendeur à
moins de 50 ans ce jour-là, 70% de la rente sera imposable. S’il a entre
50 et 59 ans, il sera imposé sur 50% de la rente et sur 40% de la rente
s’il a entre 60 et 69 ans. Enfin, si le vendeur à 70 ans ou plus, seulement
30% de la rente perçue sera imposable. Ce peut être une des raisons
pour lesquelles les ventes en viager sont principalement effectuées par
des personnes âgées, même si juridiquement, il n’y a aucune condition
d’âge pour vendre son bien de cette manière. Sophie Richard estime
qu’à “partir de 63 ans, c’est possible. Pour être pertinent, il faut vendre à
partir de 63-65 ans”, sinon l’aléa, c’est-à-dire le risque que représentent
l’âge et l’espérance de vie du vendeur, peut paraître trop important pour
intéresser un acquéreur. “La différence d’âge préconisée entre
l’acheteur et le vendeur, c’est 20 ans”, ajoute la spécialiste.
Du côté de la répartition des charges liées au bien immobilier, dans le
cas d’un viager occupé, l’acquéreur devra régler la taxe foncière
(déduite de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères) ainsi que les
gros travaux, ceux qui peuvent entacher toute la solidité du bâti. Le
vendeur, lui, réglera la taxe d’habitation s’il est éligible, la taxe liées aux
ordures ménagères, les charges locatives en copropriété, les petits
travaux d’entretien. Dans le cas d’un viager libre, tout est à la charge de
l’acquéreur, comme un propriétaire “classique”.
S’il y fallait citer des inconvénients au viager, “côté vendeur, quand on a
vendu, il n’y a plus de bien pour la succession. Côté acheteur, on ne
connaît pas la durée d’investissement”, résume Sophie Richard.
Toutefois elle demeure catégorique : “Le viager est éthique, il est moral
et gagnant-gagnant.”