La technologie nécessaire au bon fonctionnement de la téléphonie mobile va entraîner une révolution : les anciennes fréquences 2G et 3G vont être délaissées par les opérateurs. Or, la connexion des alarmes...
- 1 - "Différences, tensions… Je n’ai jamais assumé le fait de vivre au sein d’un foyer polygame"
- 2 - Polygamie : une semaine et un foyer divisés en deux
- 3 - Polygamie : les conséquences sous-jacentes
- 4 - J’ai échappé à un mariage forcé à 15 ans
- 5 - Excision, mariage forcé, polygamie : une plateforme internationale pour provoquer des changements
Excisée avant même de savoir parler, ni marcher. 3 mois après sa venue au monde dans un minuscule village du Sénégal, situé en pleine brousse, Saly Diop a été mutilée dans sa chair. Cet événement traumatisant, dont elle n’avait alors pas conscience, elle l’a longtemps dénié. Il aura pourtant de lourdes conséquences dans sa vie future. D’autres traditions ancestrales, parfois barbares, ont rythmé son enfance.
C’est à l’âge de 4 ans, que la petite fille qu’elle était a quitté son pays natal, où elle vivait avec ses parents sans eau courante ni électricité. Une nouvelle vie, dans un autre pays, bien différent du sien : la France.
Si l’élue de Meaux, a grandi au sein d’un foyer polygame, dans cette même ville de Seine-et-Marne, dans la cité de Beauval, réputée comme l’une des plus difficiles du pays, elle y a aussi puisé sa force : études, rap, engagement citoyen… Malgré la pression familiale et un mode de vie bien différent de ses camarades, elle y vit une enfance heureuse dans les années 80/90, au sein d’une communauté où règne l’entraide et la solidarité. Son parcours d’exception, bien que semé d’embûches, l’a menée de la cité à la mairie. Celle qui a été maire adjointe aux côtés de Jean-François Copé lors du premier mandat, est à présent vice-présidente de la Communauté d’agglomération du pays de Meaux (CAPM), en charge de l’emploi, de l’insertion et de la formation professionnelle. Sa résilience, son combat et ses démons, elle les raconte d’ailleurs au sein du livre autobiographique "Imani" (Ed. Michalon), publié le 28 mai 2020 : "On ne choisit pas d’où l’on vient, mais on décide où l’on va", annonce-t-elle dès la couverture.
"Différences, tensions… Je n’ai jamais assumé le fait de vivre au sein d’un foyer polygame"
"Bien qu’illégale en France, la polygamie y était tolérée jusqu’en 1993. Le regroupement familial était donc autorisé", nous explique Saly Diop. "Ainsi, lorsque ma belle-mère est arrivée dans notre grand appartement de Beauval, en France, j’avais déjà 8 ans, et mon petit frère n’en avait que 3."
"Je n’ai jamais accepté cette situation, car je savais qu’elle n’était pas normale. Je la présentais alors comme ma tante, lorsque mes camarades me posaient des questions."
"Si dans d’autres familles polygames, aucune différence n’est faite entre les enfants, dans la mienne, il y a eu une division", indique-t-elle. Cette façon de vivre particulière, a en effet créé de multiples tensions. "Ma belle-mère n’acceptait pas que je réprimande sa fille par exemple. Nous avons donc instauré une séparation dans la maison, et je ne m’occupais alors pas de mes demi-frères et sœurs. "Je menais également, certainement inconsciemment, le combat de ma mère, car même si elle ne l’exprimait pas, je voyais sa souffrance", nous confie Saly. Elle faisait en revanche tout son possible pour qu’il y ait une solidarité et une fraternité entre tous les enfants, mais je n’arrivais pas à m’y résigner…"
Polygamie : une semaine et un foyer divisés en deux
Comme nous le raconte l’élue de Meaux, le salon familial, composé de deux grands canapés, faisait office de séparation. Celui de droite, servait d’assise à la mère de Saly et ses enfants, et celui de gauche était réservé à sa belle-mère, ses demi-frères et sœurs. Les épouses partageaient quant à elles, tâches ménagères et "devoir conjugal", en fonction d’un calendrier bien précis. "Chez nous, la répartition se faisait toutes les 48 heures. Durant 2 jours, ma mère en avait la responsabilité. Les 2 jours suivants, c’était au tour de ma belle-mère", relate l’aînée de la famille. "Cela correspondait aux jours où mon père partageait le lit conjugal avec chacune d’elles. C’est de cette manière que ma mère a élevé ses enfants, et ma belle-mère les siens", détaille-t-elle.
"Dans d’autres familles, comme c’était d’ailleurs le cas chez mes oncles, les relations sont pourtant croisées. Les coépouses élèvent aussi les enfants des autres. Cela afin de ne pas faire de différence dans la fratrie, et surtout, pour préserver les tensions et les disputes".
Cet environnement très traditionnel aurait pu la mener à un tout autre destin…
Polygamie : les conséquences sous-jacentes
"Ce qui était imposé chez moi et mes oncles n’était pas le modèle véhiculé à l’extérieur. Contrairement à mes frères, je n’assumais pas cette différence. Le poids des traditions peut être très lourd à porter. Je me sentais divisée entre deux cultures. Je n’en parlais donc pas", admet l’autrice.
"Lorsqu’on évolue dans une société ou la différence est présente, déchirure et confrontation se forment. On est tiraillé entre deux mondes qui s’entrechoquent, au sein desquels on a du mal à trouver sa place. Cela engendre une quête identitaire perpétuelle, qui se transforme en blessure", pointe-t-elle.
En plus des conséquences psychologiques, la polygamie peut constituer un frein dans l’éducation des enfants. En effet, comme nous le souligne Saly, les familles nombreuses, peuvent être confrontées à des soucis financiers. Il est donc difficile de pouvoir payer des études universitaires à chaque enfant.
D’autre part, les parents, souvent ouvriers, travaillent énormément pour subvenir aux besoins de leur famille. Leur travail physique, ne leur permet donc pas de s’impliquer aisément dans l’éducation des enfants et de suivre leur scolarité. Cela peut donc créer un fossé. "Il faut très vite apprendre à être autonome et indépendant. Savoir s’éduquer seul, sans appui parental", note Mme Diop.
"A cela s’ajoute la promiscuité, qui peut être difficile. Si j’ai eu la chance d’avoir une chambre, beaucoup sont ceux à devoir la partager. Pas de bureau, pas d’armoire attitrée, pas de pièce où l’on peut se retrouver seul. Il faut avoir une certaine force de caractère pour s’en sortir et ne pas renoncer à ses rêves", assure celle qui n’a pas hésité à s’opposer aux siens, lorsque, adolescente, on a voulu l’unir religieusement à un membre de sa famille.
J’ai échappé à un mariage forcé à 15 ans
"A 15 ans, ma vie aurait pu basculer. Ma famille élargie avait décidé de sceller mon destin à celui de mon cousin. Elle faisait pression sur mon père pour que j’accepte sans rechigner cette coutume, qui était pour moi une fatalité. Fort heureusement, par divers stratagèmes, j’ai pu y échapper. Mon investissement dans les études m’a sauvée, tout comme mes activités extra-scolaires (sport, rap). Elles m’ont permis de prendre conscience que le mariage forcé n’était pas la norme, et n’était tout simplement pas normal. Cette pratique est inacceptable".
"J’ai donc fugué. Lorsque je suis revenue, j’ai annoncé à mon père que j’avais prévenu les services sociaux. C’est ainsi qu’il a pu convaincre la famille de me laisser continuer mes études. Le fait que ma mère était malade et que je doive m’occuper d’elle et de mes frères, m’a aussi préservée de cette situation intolérable contre laquelle je lutte aujourd’hui par le biais de mon association Imani : elle vise à aider les femmes du monde victimes de toutes sortes de violence. Car lorsque j’ai appris par hasard, à mes 17 ans, que j’avais été excisée, j’ai été brisée. Cela a créé un blocage dans ma vie de femme. Ce n’est qu’en questionnant à de multiples reprises ma mère sur le sujet, qu’elle a fini par m’avouer que cette mutilation avait été programmée à mes 3 mois, pour éviter que j’en souffre et que je m’en souvienne. Si effectivement, à 37 ans, je n’en avais pas le souvenir, mon corps lui, l’avait gardé en mémoire. J’ai donc voulu procéder à une reconstruction, durant l’écriture de mon autobiographie, afin de me sentir enfin complète", confie Saly Diop.
"Or, lorsque la gynécologue m’a montré ce à quoi cette partie intime de mon corps aurait dû ressembler, je n’ai pas supporté. Déflagration totale. Le choc post traumatique me sautait en pleine figure. J’ai dû être internée".
Je me bats aujourd’hui pour que ces pratiques cessent enfin.
Excision, mariage forcé, polygamie : une plateforme internationale pour provoquer des changements
Ses blessures, physiques et psychologiques, ont poussé Saly Diop à témoigner des atrocités qu’elle a subies, comme des millions d’autres petites filles, jeunes filles et femmes. La crise sanitaire planétaire prouve l’importance de cette lutte. Car les mesures de confinement ont aggravé les violences faites aux enfants et aux femmes. Fin mai dernier, l’organisation internationale KidsRights, basée à Amsterdam alertait d’ailleurs contre la forte augmentation des risques de travaux et mariages forcés. "Cette crise fait reculer des années de progrès réalisés en matière de bien-être des enfants", a déclaré dans un communiqué Marc Dulleart, fondateur et président de l'ONG de défense des droits des enfants.
Si, par ailleurs, depuis 1995, le nombre de jeunes femmes mariées dans leur enfance a baissé dans le monde de 25% à environ 20%, le chiffre reste colossal. L’Unicef estime en effet que 12 millions de filles sont toujours mariées chaque année, tandis que 4 millions risquent d’être excisées.
C’est pourquoi, par le biais de l’association Imani, Saly Diop s’engage : "Unissons nos voix pour faire entendre la leur" en est le slogan. Elle entend provoquer des changements significatifs, en menant une action collective de grande ampleur sur le terrain, partout dans le monde, par les femmes et pour les femmes. Les victimes, en quête d’égalité et d’autonomie, seront ainsi accompagnées : mentoring, identification, inspiration, empowerment… Objectif de l’élue de Meaux : que "les rêves des petites filles, d’hier et d’aujourd’hui, deviennent réalité pour les femmes de demain".