Mort du Pape François : les rituels secrets des funérailles papales
Comme la religion catholique a su le faire au fil des siècles, nombre de ses rituels ont aussi évolué. Comme ceux qui suivent désormais le décès du pape (ils étaient auparavant édictés par la Constitution apostolique Universi Dominici gregis sur la "vacance" du siège). Ils sont régis par L'Ordo Exsequiarum Romani Pontificis, un épais livre liturgique dont le contenu peut varier au gré de celui qui est en place (une toute première version a été publiée en 2000 pour Jean-Paul II et utilisée pour ses obsèques en 2005, une autre légèrement modifiée en 2023 pour celles de Benoît XVI). C'est ce qu'a fait feu François (qui s'est lui même nommé ainsi en hommage à Saint-François d'Assise), en demandant dès 2022 des modifications simplifiant les rites funéraires en bon jésuite, ce qui correspond parfaitement à son image de "pape des pauvres." L'édition fut validée en 2024. Il sera donc accompagné jusqu'à l'au-delà selon ses propres volontés.
Des changements qui ont leur importance
Plusieurs fois au cours de son pontificat, le pape François aura "fâché" les fidèles les plus traditionnalistes, comme certains cardinaux du Vatican même. Cependant, comme l'a démontrée la ferveur pleine de tristesse qui a entouré l'annonce de son décès, il aura su convaincre les foules. Par sa proximité avec les masses les plus défavorisées, mais aussi un progressisme qu'il aura exprimé sur le tard (en faveur des migrants, des homosexuels...). Aussi, la modification de L'Ordo Exsequiarum Romani Pontificis pour satisfaire ses exigences de modestie depuis la date de son décès jusqu'à l'apparition de la fumée blanche post-conclave, ne semble souffrir d'aucune contestation. Pourtant, les quelques changements qui y sont prévus ont leur importance même si leur ordre chronologique n'a pas changé: ils tranchent avec le faste qui entourait les funérailles de ces prédécesseurs, surtout les plus anciens. Le pape François voulait doute montrer là sa volonté de réformer l'église de Rome, trop habituée au luxe, à tel point que Vatican affichait en 2023 un déficit de 83 millions d'euros selon le quotidien italien La Repubblica.
Cependant, comme évoqué en introduction, Eric Lebec, auteur de l'ouvrage Histoire secrète de la diplomatie vaticane (éditions Albin Michel, 2000), déclarait à France Info : "Il est assez courant que les papes modifient la liturgie qui concerne leurs funérailles."
Retrouvez dans notre diaporama ci-dessous, dans l'ordre, les rituels funéraires qui accompagnent ou accompagnaient le décès d'un pape, anciens ou plus récents.
La constatation du décès
Elle est faite traditionnellement le soir même du décès par le cardinal camerlingue : autrement dit celui qui assure la "vacance" du Saint-Siège en attendant l'élection d'un nouveau pape. En l'occurrence aujourd'hui monseigneur Kevin Farrell, un irlando-américain. Il prononce alors cette phrase : "Vere Papa mortuus est", "En vérité, le pape est mort" en français, en présencedu maître des célébrations liturgiques, l'archevêque Diego Ravelli.
Libération précise que jusqu'en 1958 et la mort de Pie XII, celle-ci était prononcée après avoir frappé le front du défunt avec un petit marteau en argent, directement dans sa chambre. Le pape François a changé cela en décidant que la constatation se ferait désormais dans la chapelle privée du souverain pontife : pour lui, dans la résidence Sainte-Marthe.
L'annonce du décès
Traditionnellement encore une fois, c'est le cardinal camerlingue qui rédige l'acte de décès après l'établissement d'un rapport médical. Toujours d'après Libération, il avertit ensuite le cardinal vicaire de Rome, qui l'annonce lui-même aux fidèles du monde entier, ainsi qu'au doyen du collège des cardinaux, le cardinal italien Giovanni Battista Re de nos jours, "qui devra à son tour informer les cardinaux, le corps diplomatique et les chefs d’Etat".
Le scellé des appartements
La déclaration du décès faite, le cardinal camerlingue ordonne, après avoir évacué la dépouille du pape, le scellé de ses bureaux et appartements. Pour François, il étaient situés dans la résidence Sainte-Marthe et non dans un palais du Vatican.
La destruction de l'anneau du pêcheur
Autre nouveauté introduite par François : au décès d'un pape, on détruit généralement "l'anneau du pêcheur", bague reçue lors de son intronisation. Celle-ci figure Saint-Pierre dans sa barque. Mais l'écclésiastique argentin avait choisi de conserver l'anneau "reçu au moment de son ordination épiscopale, en 1992 à Buenos Aires", rapporte Libération.
Um ritual simbólico marca o fim do pontificado, o Anel do Pescador, usado pelos papas, é quebrado. pic.twitter.com/rv2KIPkqML
— ACERVO (@AcervoCharts) April 21, 2025
Le début des novemdiales
Débute ensuite la période des novemdiales, un mot issu du latin qui signifie "période de neuf jours". C'est la durée officielle du deuil décrété par le Vatican au décès de chaque pape, qui doit être enterré entre le quatrième et le sixième jour après, car son corps est auparavant exposé au public, dans la basilique Saint-Pierre (il y a été transféré le 23 avril depuis sa chapelle de Sainte-Marthe).
L'embaumement ou thanatopraxie
Le corps étant exposé au public, la dépouille du pape François a subi une une thanatopraxie puisqu'exposée au public. Comme le rapporte Cnews, cela consiste en "l'injection de liquides conservateurs dans le système circulatoire, suivie de soins esthétiques du visage et des mains", qui reprend l'explication d'Andrea Fantozzi, fondateur de l'Institut national italien de thanatopraxie (INIT). "L’objectif est de ralentir les processus naturels de décomposition." L'opération dure plusieurs heures et doit être effectuée dans les 36. Elle peut résister jusqu'à 10 jours. Mais le pape sera enterré d'ici-là.
Euronews précise que "Jusqu'à Léon XIII en 1903, le pape était embaumé et cela incluait l'extraction des organes internes, qui sont toujours conservés pour une vingtaine de pontifes dans l'église des saints Vincent et Anastase, sur la Piazza di Trevi, en face de la fontaine du même nom, à Rome."
La mise en bière
Autrement dit le placement de la dépouille du pape dans un cercueil. Elle doit se faire dès la constatation du décès. Mais pour l'embaumement il faut bien l'en sortir. Et là, François se démarque de ses prédécesseurs : il a choisi un simple cercueil en cyprès et en zinc. "À l'intérieur sont placés la mitre, le pallium, des sacs contenant les pièces de monnaie et les médailles frappées pendant le pontificat ainsi qu'un acte décrivant brièvement ce dernier", précise Euronews.
Les précédents avaient opté pour plus rafiné (et plus coûteux) : trois cercueils encastrés les uns dans les autres : l'un en cyprès, le second en plomb, le dernier en chêne.