Sarkozy, Hollande et peut-être Macron : le quinquennat tue-t-il la réélection des présidents Français ?AFP
Jacques Chirac fut le dernier président très populaire… et l'ultime chef d'Etat a profité du septennat. Faut-il penser que le quinquennat a nuit à ses successeurs ? C'est ce qu'affirment certains universitaires.
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Emmanuel Macron peut-il encore gagner l’élection présidentielle, en 2022 ? A quelques mois seulement du prochain scrutin national, après une épuisante crise sanitaire et pas moins de bouleversements sociaux, la question se lit sur de nombreuses lèvres. Ce que n’ignorent évidemment pas les intimes du chef de l’Etat "Il y aura une bataille culturelle sur la sortie de la crise Nous avons tout mis en place pour que cela ressemble plus à la Movida espagnole plutôt qu’à l’automne de la colère", rappelle ainsi Stéphane Séjourné, un député européen proche du Château, dont Le Figaro cite les propos. Il est loin d’être le seul à s’inquiéter de l’après. Tous, parmi les plus angoissés, ne font pas nécessairement partie de sa majorité.

"Il a rallumé la haine sociale dans notre pays qui créera un rejet de sa personne, quand bien même les gens n’ont pas franchement envie de Marine Le Pen", estimait récemment Jean-Christophe Lagarde, patron de l’UDI, dont les propos sont repris par Le Point. Pour lui, le chef de l’Etat ne peut-être en mesure de lutter et de l’emporter contre la fille du Menhir. S’il ne parvenait pas à se faire réélire, il serait le troisième depuis l’entrée en vigueur du quinquennat. De quoi donner du grain à moudre à toutes celles et ceux qui pensent que la réforme Jospin est sans doute responsable de l’impopularité de nos dirigeants… 

Le quinquennat est-il responsable des échecs en série de nos présidents de la République ?

C’est, semble-t-il, l’avis du politologue Raul Magni-Berton, enseignant-chercheur à l’Institut d’Etudes Politique (IEP, Sciences-Po) de Grenoble, où il s’attarde notamment sur l’étude de la démocratie. Toutefois, c’est moins le quinquennat que son positionnement dans le calendrier électoral qui pose problème, soutient-il.

"Le président est élu juste avant que ne se tiennent les élections législatives. Dès lors, il a un impact conséquent sur la composition du parlement, ce qui fait de facto de lui le chef du gouvernement. Il devient alors responsable de tout et délaisse les compétences historiques autant que constitutionnelles qui reviennent au chef de l’Etat", observe l’universitaire, pour qui tout cela n’est pas sans soulever un certain nombre de problèmes démocratiques… Et de soucis plus immédiats pour quiconque souhaiterait se faire réélire.

Pourquoi les présidents n’arrivent plus à être populaires depuis l’instauration du quinquennat ?

"Force est de constater que tous les records de popularité ont été observés pendant les périodes de cohabitation. Les records d’impopularité, eux, se constatent depuis l’instauration du quinquennat", rappelle d’entrée de jeu Raul Magni-Berton. 

"Notre système électoral, du fait des problèmes de calendrier précédemment évoqués, engendre une disproportion énorme entre le soutien réel d’un président et sa capacité d’action. Parce qu’il est responsable en grande partie de l’élection des députés de sa majorité, ceux-ci sont moins susceptibles de s’opposer à sa politique que ce n’était le cas par le passé. Dans les années 1970, le groupe majoritaire avait environ 1,5 fois plus de sièges qu’il ne récoltait de suffrages. Dorénavant, c’est quatre fois plus", insiste encore le politologue, non sans pointer du doigt que "La République en Marche aligne aujourd'hui 60% des élus de l’Assemblée nationale mais ne bénéficie que du soutien de 14% du corps électoral".

Il n’y a plus besoin, explique-t-il, d'avoir l’approbation des électeurs pour se comporter en roi. Or, parce que le président apparaît aussi exposé, il prend généralement le risque de ne pas pouvoir se représenter ou d’échouer à briguer sa succession. 

Demeure une question, dans ce cas : pourquoi avoir mis en place un système qui complexifie autant sa propre réélection ?

Quinquennat : qui avait intérêt à son instauration ?

"Les gouvernants d’hier comme ceux d’aujourd’hui détestent toute forme de contre-pouvoir. Dans son mode de fonctionnement, le septennat en offrait trop à leurs yeux", résume sobrement Raul Magni-Berton, qui rappelle au passage que les phases de cohabitation ont cessé depuis l’instauration du quinquennat. C’est le fait, précise-t-il encore, de sa position dans le calendrier électoral. 

Et lui de conclure, sans ambages : "Le septennat présentait de véritables avantages pour les citoyens ; qui n’ont d’ailleurs jamais été aussi satisfaits qu’à l’époque. En revanche, il peut s’avérer très embarrassant pour les gouvernements, puisque ceux-ci sont obligés de négocier avec l’opposition. Ils ont donc voulu se libérer de ces carcans".