INTERVIEW. La Taxe Zucman : "un très mauvais impôt", selon un économiste
La taxe Zucman, présentée par l’économiste Gabriel Zucman, vise à instaurer un impôt minimum de 2 % sur les patrimoines dépassant 100 millions d’euros. Selon Gilles Raveaud, Maître de conférences en économie, "la plus importante différence, c’est que la taxe Zucman inclut les biens professionnels, car ça taxe les très très gros patrimoines". L’objectif n’est pas de renflouer les caisses de l’État mais de réduire les inégalités entre les ultra-riches et le reste de la population.
Une version pas si "light"
Tandis que la version "light" proposée par le PS, avec un seuil abaissé à 10 millions d’euros et un taux de 3 %, toucherait davantage de personnes, notamment celles possédant des biens immobiliers générant des loyers ou des dividendes. "Même si cette version se dit “light”, c’est en réalité une version plus lourde", analyse l’économiste. Les entreprises familiales ou innovantes seraient exclues de l’assiette, mais l’ensemble des autres biens, y compris les parts de sociétés, serait taxé.
"Un très mauvais impôt"
Le rendement estimé de la taxe "light" se situe entre 5 et 7 milliards d’euros, contre 20 milliards pour la version initiale. Gilles Raveaud confirme que ce chiffre est réaliste : "Une taxe ciblant seulement quelques milliers de foyers peut constituer un levier, mais ce n’est pas le chiffre avancé par Zucman".
Selon lui, la mesure est "un très mauvais impôt". "La moitié de la taxe, environ 10 milliards, sera payée une première fois, mais les très riches risquent de ne pas la payer les années suivantes", déplore l'expert. Le risque principal réside dans le fait de décourager la création d’entreprises, notamment dans la tech, où les valorisations peuvent vite devenir très élevées.
Une mesure pour éviter une nouvelle dissolution ?
Pour des raisons politiques, "le Parti socialiste veut absolument qu’une taxe Zucman soit votée par le Parlement, afin d’éviter une censure du gouvernement. Les élus socialistes ne souhaitent pas de nouvelles élections législatives, car ils risqueraient de perdre leurs sièges en cas de dissolution", indique l’expert.
Imposer les gros héritages, une solution plus adaptée ?
Exclure les entreprises familiales et innovantes, ajoute l’économiste, peut réduire le risque de freiner l’investissement, mais ouvre la porte à des contournements massifs. Selon l'économiste, la taxation des très gros patrimoines reste marginale comparée aux enjeux liés à l’immobilier et aux héritages. "Les économistes estiment qu’il faudrait imposer les gros héritages, parce que l’immobilier c’est de la rente. C’est l’inverse des entreprises : ça ne crée pas d’emplois et c’est une ponction énorme sur les salaires", explique-t-il. "On hérite trop tard, cet argent n’est pas réinjecté", déplore l'expert.
Néanmoins, l'économiste reconnaît une faiblesse dans sa proposition, car "c’est l’inverse qui se passe partout". La plupart des pays riches, comme la Suède, ont supprimé l’impôt sur les héritages, ce qui a contribué à creuser les inégalités. "Quand il n’y a pas de taxation de l’héritage, les plus riches deviennent de plus en plus riches", conclut-il.
La proposition "allégée" du Parti socialiste parviendra-t-elle à franchir l’Hémicycle et à convaincre le gouvernement et les députés centristes ? Affaire à suivre.