D'ici 2100, la température moyenne dans le nord de la France sera comparable à celle de la région de Montpellier actuellement. La faute au réchauffement climatique.
Maître Thomas Carbonnier est avocat associé au sein du Cabinet Equity Avocats. Il exerce en droit des affaires et en fiscalité, en plus d'enseigner le droit à Paris 5. Il a notamment contribué à la rédaction d'un livre blanc sur l'économie sociale et solidaire pour le Pôle Finance Innovation.
Planet.fr : Il y a la TVA, l'IR, l'IFI et tous les autres impôts que les Français ont appris à bien connaître. Mais qu'en est-ils des "recettes de poches", ces impôts et quasi-impôts que l'Etat peut discrètement augmenter ? De quels leviers "secrets" dispose-t-il aujourd'hui ?
Thomas Carbonnier : L'Etat a en effet accès à un certain nombre de leviers fiscaux moins connus, qu'il est en mesure d'activer discrètement quand il lui faut remplir les caisses. Ces impôts, le plus souvent indirects, sont dits "indolores". On y retrouve par exemple les taxes sur l'essence, sur le tabac ou sur l'alcool. Dans ce cas précis, on parle d'ailleurs de "droit d'accise" : il s'agit d'un impôt indirect sur la consommation, qui vient s'ajouter à la TVA et dont il est très complexe de calculer le montant exact. Certains groupes qui sont concernés au premier chef, comme Total ou Pernod-Ricard, s'y sont probablement essayés avec succès, mais pour un particulier, l'opération s'avère plus ardue.
Certes, il est théoriquement possible d'identifier avec précision la somme exacte que coûte cet impôt. Pour autant, il m'apparaît tout à fait légitime de parler d'imposition "cachée", en l'occurrence. Et c'est loin d'être le seul dans son genre. Nous pourrions aussi parler de la vignette automobile, qui n'est rien de plus qu'une taxe portant sur la possession d'un véhicule par les contribuables. Elle a été créée dans les années 1960 avec pour objectif le financement d'un "Fonds national de solidarité", supposé garantir l'équilibre du régime de retraites français. Force est de constater que des années plus tard, en 2020, notre modèle de solidarités inter-générations doit encore faire face à ce type de soucis.
N'oublions pas non plus les droits d'enregistrement qui surviennent lors d'une vente notariée. Dans certains cas très spécifiques, les taxes appliquées sont parfois proportionnelles et non fixes. Bien sûr, c'est là quelque chose que les professionnels de la fiscalité savent - et pourtant, en cas d'acte de vente atypique, il nous arrive parfois d'aller voir l'administration avec les textes de loi en main, pour être sûrs de ne faire aucune erreur - mais cela reste très peu connu du grand public. Assez pour mériter sa place, me semble-t-il.
La CSG est-elle un impôt caché ?
Il m'apparaît aussi indispensable de parler de la CSG non déductible. C'est un dispositif bien connu des services RH mais qui, me semble-t-il, n'est pas aussi évident pour le reste des salariés. Concrètement, ce mécanisme force les contribuables à payer l'impôt sur le revenu sur la base d'une somme supérieure à celle qui est réellement perçue.
Schématisons : notre salarié "A" touche 100 euros brut. Sur cette somme, son employeur prélève 25 euros de cotisations, toutes charges confondues. A obtient donc 75 euros nets. Mais parce qu'une partie de la CSG ne peut être déduite, sa base d'impôt sera plus élevée. Probablement entre 80 et 85 euros… Et A ne le saura probablement pas, sauf à chercher activement à en savoir davantage.
Pour rester sur le domaine des salaires, il me semble important de parler aussi de la… taxe sur les salaires. Dans certains milieux, notamment bancaire et hospitalier, l'activité n'est pas soumise à la TVA. Pour ne pas que cela engendre un manque à gagner pour l'Etat, les salaires des travailleurs de la banque ou du secteur hospitalier sont donc taxés.
Combien coûtent les impôts secrets ?
Planet.fr : D'une façon générale, est-on en mesure de chiffrer le montant total récupéré chez les Français par l'Etat, à l'année ? Sait-on quelle est la part précise de ces impôts "secrets" ?
Thomas Carbonnier : En théorie, il est possible de calculer impôt par impôt ce que récupère l'État. Les recettes fiscales sont rendues publiques par l'administration. C'est ainsi que l'on sait, par exemple, que la TVA constitue le gros des caisses de la France : elle représente environ 45% des sommes récoltées. Vient ensuite l'impôt sur le revenu, généralement chiffré aux alentours de 21%, puis l'impôt sur les sociétés, qui cumule au global environ 16%. Naturellement, ces parts varient d'une année sur l'autre. Il ne s'agit que d'une estimation.
La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui concerne essentiellement le pétrole, représente environ 4% des recettes de l'Etat. Le reste est constitué d'impôts indirects, qui regroupent aussi les taxes pesant sur les droits de succession ou de donation.
Je dirais donc que les "recettes de poche" de l'Etat représentent, en estimation haute, environ 10% des ressources qu'il lui est possible de récupérer. Cela n'a rien de négligeable.
Les recettes de poche de l'Etat : une série d'impôts inévitables ?
Planet.fr : Est-il possible d'éviter ces "impôts cachés" ? Comment s'y soustraire ?
Thomas Carbonnier : Sauf à rentrer dans des montages frauduleux, il me semble très complexe de se soustraire à ce type d'impôts. On pourrait conseiller aux Françaises et aux Français de ne plus consommer d'alcool, d'arrêter de fumer… Mais il importe surtout de rappeler que c'est là l'un des outils les plus redoutables de l'Etat ; car il n'existe pas de réelle façon d'y échapper pour un particulier.
L'Etat joue-t-il le consentement à l'impôt avec ce genre de méthodes ?
Planet.fr : En jouant sur des leviers fiscaux discrets et sur l'éventuelle ignorance des contribuables, l'Etat ne risque-t-il pas de fragiliser le consentement à l'impôt, particulièrement dans le cas où de telles combines seraient découvertes ?
Thomas Carbonnier : Tant que l'on ne s'en rend pas compte, tout va bien je suppose. Si cher puissent-ils coûter, ces impôts indirects restent globalement indolores… Pour autant, il arrive parfois que les contribuables réalisent ce qu'il se trame dans leurs dos. Ce fut le cas assez récemment : un gouvernement de Parisiens a pensé une hausse d'impôt en bon Parisiens, sans réaliser que partout ailleurs, cela n'aurait pas le même impact.
La réponse fut immédiate. Elle s'est faite appeler "Gilets Jaunes". N'oublions pas que ce mouvement est initialement né d'une hausse des taxes sur les produits pétroliers…
A mon sens, augmenter sans arrêt les impôts, c'est prendre le risque de créer de nouvelles tensions sociales. Cependant, j'ai le sentiment que la réalité de la situation est parfois difficile à cerner quand on est un homme politique vivant à Paris, dans l'univers feutré de l'Assemblée nationale ou des ministères.
Je suis persuadé par ailleurs, et les Gilets jaunes ont tendance à me donner raison, que les Françaises et les Français n'accepteraient pas nécessairement ces discrètes ponctions, s'ils avaient conscience de ces impôts qui ne disent pas toujours leurs noms. Pour autant, d'un point de vue juridique, ils y ont consenti au moment du dernier scrutin présidentiel…