Supermarchés : pourquoi la pénurie d'œufs pourrait durer ?

Publié par Suruthi Srikumar
le 20/11/2025
Supermarchés : la pénurie d'œufs pourrait-elle durer ?
Istock
La France, premier producteur européen d'œufs, voit ses rayons se vider avec un taux de rupture multiplié par six. Entre une demande qui explose en période d'inflation et la lenteur des éleveurs à reconstruire leurs poulaillers après la grippe aviaire, la filière peine à suivre.
 

Un constat qui a de quoi surprendre. Alors que la France trône à la première place des pays producteurs d’œufs au sein de l’Union Européenne, avec 15,4 milliards d’unités produites en 2024 selon le Comité National pour la Promotion de l'Œuf (CNPO), trouver une simple boîte d’œufs au supermarché relève parfois du défi. En effet, face à une demande toujours plus importante des Français et une offre fragilisée, la pénurie des œufs devient un véritable problème

Comment expliquer ce phénomène ?

Le chiffre a de quoi donner le tournis. D'après l'institut NielsenIQ, le taux de rupture des œufs dans les grandes surfaces a atteint le niveau inédit de 13,3 %, bien loin du seuil acceptable de 2 %, rapporte Pleine Vie. Si vous avez peiné à trouver des œufs récemment, vous n’êtes donc pas seul. Cette tension s’explique avant tout par un succès que personne n’avait anticipé à cette échelle.

En période d’inflation, l’œuf s’est imposé comme la protéine par excellence. Abordable, nutritif et facile à cuisiner, il remplace de plus en plus souvent la viande dans les assiettes des consommateurs. La consommation d'œufs par habitant en 2024 a ainsi atteint le record de 226 unités en moyenne, rapporte Le Figaro. Une demande qui progresse de 4 à 5 % par an, alors que la production, elle, peine à suivre le rythme.

Quelles sont les causes de cette production sous tension ?

Derrière ce déséquilibre se cache une triple peine pour les éleveurs français. D'abord, l'impact de la grippe aviaire a été dévastateur. Les épidémies successives de 2022 et 2023 ont entraîné une réduction des volumes de 3 à 4 %. "Pour répondre à la demande, il faudrait 1 million de poules en plus par an. Ce qui nécessiterait de construire 300 nouveaux poulaillers d’ici à 2030", précise Alice Richard, directrice du CNPO, rapporte l'UFC-Que choisir

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Ensuite, la transition vers des modes d'élevage "hors cage", plébiscitée par les consommateurs, a un effet mécanique sur la production. Les systèmes en plein air ou au sol sont plus gourmands en surface et réduisent la densité de volailles dans les bâtiments. "Il y a des difficultés à faire accepter de nouvelles constructions. Même construire un poulailler bio de 12 000 poules reste compliqué, alors que la taille moyenne en France est de 16 000", indique Alice Richard. Enfin, la filière fait face aux difficultés de construction des poulaillers en France. Entre les lourdeurs administratives et la frilosité des banques à financer ces projets, il faut parfois attendre plusieurs années pour voir un nouvel élevage sortir de terre.

À quoi faut-il s'attendre dans les mois à venir ?

Si vous vous demandez quelle est la date de fin de la pénurie d'œufs en supermarché, il faudra vous armer de patience. Les professionnels du secteur estiment que la tension sur l'approvisionnement devrait se poursuivre "jusqu'au second semestre 2026", le temps que la production se restructure durablement. D'ici là, des ruptures ponctuelles resteront probables, notamment en Île-de-France et dans le Sud.

Alors, pourquoi les prix des œufs sont-ils stables malgré la pénurie ? La raison tient aux contrats de longue durée, souvent sur 10 à 15 ans, passés entre les éleveurs et la grande distribution, qui limitent les variations brutales. Une hausse reste toutefois possible sur les filières spécifiques comme le bio ou le plein air

Pour combler le manque, la France se tourne de plus en plus vers les importations. Parmi les principaux fournisseurs figurent l’Espagne, la Pologne et les Pays-Bas. Or, dans ces pays, "les tailles d’élevage sont beaucoup plus importantes", dépassant souvent les 20 000 poules pondeuses, indique l'UFC-Que Choisir. Les Pays-Bas, en particulier, recourent massivement à l’import-export, avec à la clé un risque accru de perte de traçabilité des produits.

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