Pourquoi les eaux Perrier pourraient disparaître des rayons ?
Le tribunal judiciaire de Nanterre doit se prononcer ce mardi sur la procédure en référé (une procédure d'urgence) lancée par l'UFC-Que Choisir. Fin septembre, l'association a plaidé pour des mesures radicales : le retrait provisoire des bouteilles Perrier des rayons, leur rappel et l'interdiction pour Nestlé de les vendre sous la dénomination "eau minérale naturelle". De son côté, Nestlé Waters conteste vivement ces allégations, assurant depuis le départ que ses eaux "ont toujours pu être consommées en sécurité", rappelle le Dauphiné Libéré.
Des traitements interdits qui remettent en cause l'appellation
Le cœur du litige réside dans la définition même d'une "eau minérale naturelle" (EMN). Cette appellation garantit une pureté originelle à la source, impliquant que l'eau ne doit subir aucun traitement de désinfection. Or, début 2024, Nestlé Waters a reconnu avoir utilisé par le passé des traitements interdits, comme des filtres à charbon actif et aux ultraviolets, pour "assurer la sécurité sanitaire" de ses eaux.
L'UFC-Que Choisir avait ensuite contesté le procédé de microfiltration de Perrier à 0,2 micron, que Nestlé avait instauré en lieu et place des traitements incriminés : il est lui aussi interdit pour bénéficier de l'appellation "eau minérale naturelle". La firme suisse avait un nouvelle fois revu sa copie, en augmentant le niveau de microfiltration à 0,45 micron. Ce qui fait dire à Gwenaëlle Le Jeune, juriste environnement pour l’association, que "Si la microfiltration à 0,2 micron était déjà considérée comme une fausse sécurisation de la qualité des eaux, on se dit qu’une microfiltration qui est moindre n’est pas forcément plus rassurant..."
La fraude à l'eau minérale naturelle, un enjeu financier colossal
Derrière ce débat technique se cache une réalité économique. Selon l'UFC-Que Choisir, une eau minérale naturelle est vendue en moyenne 100 à 300 fois plus cher que l'eau du robinet. Cette valorisation fait de l'appellation un argument de vente majeur. Dans ce contexte, l'association dénonce une fraude volontaire de la part de Nestlé, qui aurait permis au groupe d'engranger des profits considérables.
Un rapport de la commission d'enquête du Sénat, relayé par Public Sénat justement, a même estimé le gain potentiel pour le géant agroalimentaire à plus de 3 milliards d'euros en 15 ans. "Les juges ont l’occasion de rappeler une évidence : une eau vendue comme eau minérale naturelle doit être... naturelle et originellement pure", a martelé Marie-Amandine Stévenin, présidente de l'UFC-Que Choisir.
L'avenir de la marque Perrier en jeu ?
La décision du tribunal de Nanterre sur une possible suspension des ventes de Perrier ouvrira deux voies, avec des conséquences très différentes pour le consommateur. Si les juges donnent raison à l'UFC-Que Choisir, Nestlé Waters pourrait être contraint de suspendre immédiatement la commercialisation de Perrier sous son nom actuel.
Un retrait des bouteilles Perrier par l'UFC-Que Choisir étant demandé, un rappel des lots déjà en magasin pourrait être organisé, ouvrant droit à un remboursement. Le produit devrait alors être rebaptisé, par exemple "eau de source rendue potable par traitement", une catégorie bien moins valorisée. En cas de rejet de la demande, la commercialisation se poursuivrait en l'état, en attendant un jugement sur le fond de l'affaire. Quel que soit le verdict, l'action pénale pour "tromperie" engagée par l'association contre Nestlé Waters reste, elle, en cours d'examen.
Les salariés de l'usine également menacés ?
Le Dauphiné Libéré relate que "La source Perrier de Vergèze (Gard) est régulièrement déclarée impropre à la consommation, en raison du dérèglement climatique et de l’urbanisation. En avril 2024, deux millions de bouteilles de Perrier ont été détruites par précaution en raison de la présence de bactéries d’origine fécale dans l’un des puits exploités sur ce site. Nestlé Waters affirme que ces contaminations sont 'ponctuelles' et que ces pollutions concernaient 'des puits aujourd’hui suspendus'."
Par ailleurs, "L’avenir de cette source Perrier est incertain. Nestlé Waters et le millier d'employés de l’usine attendent une nouvelle autorisation afin de pouvoir continuer à exploiter ces cinq forages à Vergèze."