Le scandale du thon au mercure en 7 questions

Encore un aliment dont il faut se méfier. Le thon en boîte serait contaminé par un niveau de mercure particulièrement dangereux pour la santé, selon une enquête menée l’organisation non gouvernementale Bloom et relayée par Foodwatch.
Dénonçant un vaste “scandale sanitaire”, ces associations mettent en cause des groupes de pression ayant étendu leur influence sur les industriels. Elles estiment en effet que la réglementation appliquée au niveau international favorise des pratiques néfastes pour la santé humaine.
Le lobbying mis en cause
Dans le texte accompagnant son rapport d’enquête publié ce mardi 29 octobre, l’association Bloom écrit ainsi :
“Ce lobbying cynique s’est traduit par la fixation d’un seuil ‘acceptable’ de mercure trois fois plus élevé pour le thon que pour d’autres espèces de poissons telles que le cabillaud, sans qu’il n’existe la moindre justification sanitaire pour un seuil différencié (...) le seuil de dangerosité n’a pas été fixé dans l’objectif de protéger la santé humaine, mais uniquement les intérêts financiers de l’industrie thonière.”
Des boîtes de thon passées au crible
Par le passé, d’autres associations de consommateurs ont déjà tiré la sonnette d’alarme concernant la présence de métaux lourds dans les boîtes de conserve de thon. Ce fut le cas notamment de 60 millions de consommateurs qui avait passé au crible 15 boîtes de thon en 2016 et détecté à chaque fois la présence de ces substances.
Les travaux menés en laboratoire pendant 18 mois par l’association Bloom portent quant à eux sur 148 boîtes, et les résultats semblent sans appel. Voici, dans le diaporama ci-dessous, les principaux éléments à connaître à ce sujet.
Que révèle l’enquête ?

Sur les 148 boîtes provenant de 6 pays d’Europe (Allemagne, Angleterre, Espagne, France et Italie) ayant été analysées par Bloom, “100% contiennent du mercure”, 10% dépassent les niveaux officiellement tolérés, et “57% dépassent la teneur de 0,3 mg / kilo, plus protectrice pour la santé, et déjà appliquée à d’autres poissons”, pointe Foodwatch.
Quel danger le mercure représente-t-il ?

Le mercure - en particulier sa forme organique le méthylmercure - retrouvé dans les boîtes de thon est considéré comme une substance dangereuse par l’Organisation Mondiale de la Santé. Neurotoxique, il met particulièrement en péril la santé des fœtus (d’où les recommandations de l’égard des femmes enceintes concernant la consommation de poisson). Selon l’OMS, chez toute personne exposée à haute dose, peuvent apparaître des problèmes neurologiques tels que des “tremblements, insomnies, pertes de mémoire, effets neuromusculaires, maux de tête et dysfonctionnements moteurs et cognitifs”.
Comment ces métaux lourds retrouvent-ils dans la chair du poisson ?

L’Agence nationale de sécurité sanitaire et de l’alimentation (Anses) apporte des éléments de réponse :
“Le mercure est un métal présent naturellement à l'état de traces dans l'environnement. Essentiellement rejeté par croûte terrestre dans l'air, il se disperse ensuite dans les sols, les eaux et les sédiments. Il se diffuse aussi dans la nature du fait des rejets engendrés par les activités humaines : exploitation minière, métallurgie, transformation de pâte à papier, combustion des déchets et des combustibles fossiles en particulier. Très volatil sous sa forme élémentaire, le mercure peut se transformer en méthylmercure à la suite de réactions chimiques lorsqu’il rejoint le compartiment aquatique. Cette forme est toxique, facilement absorbable et accumulable par l’organisme. Présent à de faibles concentrations dans l'eau ou les sédiments le méthylmercure peut se concentrer très fortement dans les organismes aquatiques. Sa teneur a tendance à s'élever au fil de la chaîne alimentaire, à chaque fois qu'une espèce en mange une autre.”
Quelles marques sont concernées ?

“Le méthylmercure est présent en quantités importantes quelle que soit l’espèce, quel que soit l’océan dans lequel il est pêché, et quelle que soit l’enseigne où il est commercialisé”, écrivent les auteurs de l’étude menée par l’association Bloom. Une marque en particulier est citée, il s’agit de Petit Navire. Une boîte achetée à Paris “dans un Carrefour City” contenait “ 3,9 mg/kg” de mercure, soit beaucoup plus que la norme officielle de 1 mg/kg.
Qui a lancé l’alerte ?

L’association Bloom, fondée par la militante Claire Nouvian, compte 36 salariés (selon les informations indiquées sur son site internet). Cette ONG environnementale a pour vocation de lutter pour la préservation de la biodiversité et des habitats marins. Elle est composée notamment d’un pôle de chercheurs. Foodwatch, est également une organisation a but non lucratif européenne spécialisée dans l’alimentation. Elle avait été fondée en 2002 par un ancien membre de Greenpeace, Thilo Bode, suite au scandale de la “Vache Folle”.
Comment agir ?

Pour l’heure, Foodwatch a lancé une pétition pour que les distributeurs retirent de leurs rayons les boîtes contenant plus que les 0,3 mg/kg au-delà desquels la teneur en mercure devient dangereuse pour la santé. L’association souhaite en outre que la publicité pour ce produit cesse.
De quoi Robert F. Kennedy Jr a-t-il souffert ?

Le fils de Robert Kennedy (l’un des frères de JFK) a été atteint par de graves troubles neurologiques. En cause : un empoisonnement au mercure diagnostiqué, comme il l’a déclaré en 2012 selon le New York Times. D’après sa déposition, l’ancien candidat à la Maison-Blanche - qui a récemment appelé à voter pour Donald Trump - avait ingéré trop de poisson contenant des métaux lourds (il était très friand de sandwichs au thon). L’ex-candidat indépendant a en outre souffert de l’intrusion d’un ver dans son cerveau.