Les préjugés gitans en France : des clichés qui ont la peau dure Istock
Les stéréotypes et préjugés collent à la peau des gitans en France. Yoanna Rubio, doctorante en anthropologie sociale et historique à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) et métisse gitane, déconstruit ces interprétations erronées.
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Ni un clan, ni une communauté.” Yoanna Rubio, autrice du Glossaire des idées reçues sur les gitans : patriarche, clan, enfant-roi et doctorante met un point d’honneur à mettre fin aux préjugés sur les groupes gitans. Fille d’un père pied-noir et d’une mère gitane, elle a grandi à Toulouse dans une impasse avec ses frères et soeurs. Malheureusement, elle fait face au racisme dès l’enfance à cause de son origine.

“Dès la maternelle, on était présentés comme “les petits gitans””, raconte la doctorante. “C’est un racisme qui est très global, même dans les tout petits villages. C’est quelque chose de national et même international. On retrouve cet anti-tsiganisme partout dans le monde”, déplore Yoanna. 

“Le terme de communauté est très gênant”

Les gitans de France sont souvent décrits comme une communauté nomade. Un non-sens pour Yoanna. 

Les gitans ne sont absolument pas un peuple nomade. Il y a de la mobilité mais chez très peu de groupes”, précise-t-elle. “On est plus sur une multiplicité que sur une diversité de groupe, le terme de communauté est très gênant. On se rend dans des lieux pour se rapprocher des membres de la famille comme partout”, déplore-t-elle. 

Les gitans sont appelés par des termes qui ne correspondent pas à leur identité. “Au départ ils ont été désignés par des exonymes comme nomades, gens du voyage, bohémiens ect... Mais ce n’est pas un terme qu’ils ont choisi pour se définir.” 

Le terme “gens du voyage” n’est d’ailleurs pas correct selon elle, puisqu’il s’agit d’un “terme administratif, qui n’est pas utilisé par les gens du voyage eux-même pour se désigner.”

Des airs d’accueil pour les gitans 

En matière d’accueil, depuis juillet 2000, la loi Besson oblige les communes d’au moins 5 000 habitants à se doter d’une aire d’accueil. Au 1er janvier 2020, sur les 34 968 communes répertoriées en France, 32 787 d’entre elles comptaient moins de 5 000 habitants. 

“La grande majorité des airs d'accueil sont excentrés et pollués. On se retrouve soit à côté d’un chemin de fer, soit à côté d’une centrale électrique, soit tout en même temps”, déplore Yoanna. Des conditions de vie qui ont une conséquence désastreuse sur le quotidien de ces habitants. Selon une étude de l'École nationale de santé publique, la durée de vie des tsiganes est de 10 à 15 ans inférieure à celle des non-tsiganes. 

Des clichés qui ont la peau dure

Malgré tous les stéréotypes qui circulent sur le peuple gitan, le premier est celui de l’argent. Ils sont très souvent pointés du doigt, accusés à tort de "vivre dans des caravanes" ou encore "des roulottes" pour ne pas avoir à payer la taxe d’habitation et bénéficier des aides de l’Etat. “Les communautés des aires d’accueil n’ont pas le droit aux APL car ils sont considérés comme sans domicile. Ils n’ont pas accès au droit commun”, souligne-t-elle.

Un autre préjugé qui revient souvent est la situation financière de ces peuples.

“Il y a des gens du voyage qui sont aisés mais la grande majorité est assez précaire. Par ailleurs, les loyers sur les airs d’accueil vont de 200 à 400 euros par mois”, précise-t-elle.

“Ceux qui se désignent comme des voyageurs (un groupe dit tzigane) vivent sur des airs d’accueil à certains moment de l'année lors de leur déplacement. Le reste sont soit locataires, soit propriétaires”, conclut-elle.