Fablabs, repair cafés : des tiers-lieux qui séduisent les seniors

Publié par Matthieu Chauvin
le 3/06/2025
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5 minutes
a master neon sign artisan carefully heats a glass tube in his shop, surrounded by vibrant neon signs and tools of the trade
Les seniors, qu'ils soient bricoleurs ou pas du tout, aiment fréquenter les fablabs lorsqu'ils ne disposent pas d'un atelier équipé du matériel nécessaire à leurs travaux, et les repair cafés pour y faire rafistoler tout ce qui peut encore servir au lieu d'être jeté. Ces "tiers-lieux" leur font aussi profiter de vrais moments de convivialité. Entretien avec Olivier Bertrand, fondateur du fablab de Pernes-les Fontaines, incontournable dans le Vaucluse.

D'après la définition qu'en donne L'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), les tiers-lieux "sont des espaces [...] qui favorisent la rencontre, le partage et l’initiative collective. Ils accueillent divers usages, comme le coworking, les fablabs, les cafés associatifs, les jardins partagés [...]  Ces lieux stimulent les liens sociaux, encouragent la créativité et permettent de s’impliquer dans des projets ou des associations." Le terme provient de l'anglais "third-place" comme défini par le sociologue américain Ray Oldenburg à la fin des années 80 qui y voit alors des lieux "où les personnes se plaisent à sortir et se regrouper de manière informelle, situé hors du domicile (first-place) et de l’entreprise (second-place)."

Tiers-lieu ne veut pas dire squat ou ZAD !

Attention, tiers-lieu ne veut pas dire "marginal" : il ne s'agit pas de squats d'artistes ou de ZAD (zones à défendre) ! La démarche est très sérieuse et encouragée par les régions. D'abord installés dans les grandes villes, les tiers-lieux ont peu à peu gagné les campagnes, qui, en France, comptent de très nombreux seniors qui aiment bricoler ou apprendre différentes disciplines via le fameux Do It Yourself (DIY). Les fablabs se sont alors professionnalisés et multipliés, les repair cafés sont devenus des rendez-vous à ne pas manquer chaque semaine ou chaque mois dans de nombreuses villes et villages. Nous avons pu interroger Olivier Bertrand, fondateur du fablab de Pernes-les Fontaines dans le Vaucluse et organisateur de repair cafés, qui nous parle de son activité et des seniors.

Planet.fr : Voyez-vous beaucoup de seniors participer à vos repair cafés ?

Olivier Bertrand : Oui, nous avons dû en réduire la fréquence car le fablab demande beaucoup de travail. Nous en organisons un tous les derniers vendredis du mois (au début c'était tous les vendredis mais c'est devenu trop lourd à gérer, c'est éprouvant). Les seniors et retraités représentent une bonne moitié des participants. Ce sont des gens qui ont plus le temps.

Planet.fr : L'accès est libre ?

Olivier Bertrand : Il l'est. Nous demandons juste des frais de participation car nous ne sommes pas salariés sur ce temps-là. Les prix sont libres et "conscients" : les participants comprennent que 5 euros pour un simple diagnostic, ça couvre à peine les frais que nous avons sur les machines, les outils, l'électricité, Internet... 

Repair cafés : ne restez pas les bras croisés ! 

Planet.fr : Toujours en ce qui concerne les repair cafés, les seniors viennent plus pour apprendre, donner des conseils ? Quelle est leur motivation ?

Olivier Bertrand : Nous faisons beaucoup d'électronique et les connaisseurs ne courent pas les rues... Ils viennent surtout pour la réparation. Certains mettent la main dans le cambouis. Je les y encourage plutôt que de rester inactifs. Ils nous aident à démonter ou remonter les appareils, ils achètent les pièces détachées s'il faut en remplacer des défectueuses.

Planet.fr : Et ça marche ?

Olivier Bertrand : Oui. Il y en qui aiment apprendre. La plupart du temps les gens aiment bien qu'on leur montre ce que l'on fait, comprendre pourquoi tel composant pose problème et comment on l'a testé... Mais une bonne moitié malheureusement (tout public confondu) est surtout là simplement pour qu'on répare son appareil.

Planet.fr : Quel genre d'appareils réparez-vous lors de ces évènements ?

Olivier Bertrand : Beaucoup d'électroménager, comme les aspirateurs et grille-pain, mais aussi des télévisions ou des tablettes, des ordinateurs. Cela arrange les bénévoles qui sont très calés en informatique.

Planet.fr : Et le Fablab, comment fonctionne-t-il ?

Olivier Bertrand : L'adhésion à l'année commence à 50 euros l'année pour les étudiants et chômeurs, 80 euros pour les autres particuliers avec chaque fois 2 heures de formation incluses. Ensuite, il y a différentes grilles en fonction des espaces et prestations. Nous avons une partie coworking, nous louons aussi de l'outillage électroportatif. Mais l'activité principale est de former les gens à utiliser des logiciels ou machines. Nous essayons de les rendre autonomes rapidement. 

De la technologie de pointe accessible dans un "lieu d'accueil"

Planet.fr : Quels sont les espaces à disposition des adhérents et clients occasionnels ?

Olivier Bertrand : Il y a un espace dédié à l'électronique (avec du matériel de laboratoire à alimentations stabilisées, des microscopes stéréoscopiques pour inspcter les cartes, oscilloscopes, stations de soudage...), une partie textile qui marche bien auprès des seniors. Cela nous permet justement de les faire venir au fablab, alors qu'ils n'osent pas forcément car l'électronique leur fait peur... Et bien sûr la partie atelier, où le travail du bois domine, même si nous commençons à être bien équipés pour faire différents types de soudure. Nous avons une cabine de sablage, des tours à bois, des raboteuses-dégauchisseuses (mais là il faut que les utilisateurs aient un permis ou de l'expérience, une formation technique). 

Planet.fr : Toutes ces machines sont très coûteuses...

Olivier Bertrand : Oui mais nous faisons des tarifs différents pour les particuliers (car des artisans utilisent aussi nos machines). On veut, même si nous avons l'ambition de nous professionnaliser, que l'endroit reste "un lab", un point d'accueil pour les particuliers. Pour de l'ébénisterie, on va par exemple facturer 20 euros de l'heure au lieu de 40 euros.

Planet.fr : Le bois, ça parle aux seniors non ?

Olivier Bertrand : Oui, une grosse moitié des gens qui viennent pour l'ébénisterie et la menuiserie sont des seniors. Ils "retapent" des meubles, refont des volets, des tables, pour lsquelles ils font des rallonges... Ils profitent de notre matériel. Ce sont des gens dynamiques, qui ont la "bougeotte", sont actifs dans la vie associative.

Des seniors à la recherche de matériel et d'attention

Planet.fr : Ils sont "fidèles" au fablab ?

Olivier Bertrand : Oui ils viennent assez régulièrement. Après, on a aussi des gens qui viennent une fois et on ne les revoit plus. On a même des adhérents qui ne passent jamais au fablab ! 

Planet.fr : Et sont-ils autonomes ou ont besoin d'assistance ?

Olivier Bertrand : Ils ont besoin d'assistance de temps en temps. Ils sont moins autonomes et ont besoin d'attention. On a un adhérent par exemple qui est plus souvent passé boire des cafés avec nous que travailler sur ses projets. Mais c'est le côté convivial qui va avec le lieu. Parfois, on est pris ailleurs, on essaye quand même d'aller jeter un coup d'oeil quand ils sont sur les machines.

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