Faut-il craindre un nouvel attentat avant l'élection présidentielle ?AFP
Un homme s'est attaqué aux forces de l'ordre, ce lundi 8 novembre 2021. Il était armé d'un couteau mais n'a pas blessé les policiers, heureusement protégés par leur équipement. Les faits se sont déroulés à Cannes. 
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La piste terroriste est "envisagée". Ce lundi 8 novembre 2021, un homme de 37 ans s’est attaqué aux forces de l’ordre, à Cannes (Alpes-Maritimes). Il était armé d’un couteau et a frappé un agent à l’aide d’un couteau, au pied du commissariat central. Les deux policiers se trouvaient alors dans une voiture de fonction, garée sur le parking, informe France Info sur son site. L’assaillant n’a pas hésité à ouvrir la porte du véhicule pour poignarder le premier agent, heureusement sauvé par son gilet pare-balles, a fait savoir le maire LR de Cannes, David Lisnard. Alors qu’il contournait l’automobile pour s’attaquer au deuxième fonctionnaire, un troisième agent a ouvert le feu sur l’assaillant, dont le pronostic vital était encore engagé à la mi-journée. 

Le suspect, poursuivent nos confrères, est connu sous le nom de Lakhdar B. Il s’agirait d’un Algérien, détenteur d’un titre de séjour italien, ce qu’a depuis confirmé le ministre de l’Intérieur. Il n’était pas connu des forces de l’ordre jusqu’à présent. "Il était régulièrement sur le territoire national, il a fait une demande de titre de séjour en France qui pour l’instant ne lui a pas été accordée. Il n’a aucun casier judiciaire et n’était pas connu des services de police. Il n’était inscrit dans aucun des fichiers de radicalisation", a ainsi développé Gérald Darmanin. Le reste doit encore être élucidé, a pour sa part signalé le maire de la ville balnéaire.

Ce mode opératoire, au couteau, n’est pas sans rappeler d’autres attentats moins récents. La récurrence de ces assauts n’est pas sans soulever une question : à quelques mois de l’élection présidentielle, faut-il craindre un autre attentat terroriste ?

Y aura-t-il d’autres attentats avant l’élection présidentielle ?

Ne pas craindre un assaut terroriste serait idiot, estime pour sa part François-Bernard Huyghe, directeur de recherches à l’Iris et président de l’Observatoire stratégique de l’information (OSI). Pour autant, cela ne signifie pas qu’il faille penser que l’ultime scrutin du quinquennat constitue nécessairement une occasion particulièrement plus importante que les autres aux yeux des djihadistes, poursuit-il. "Je ne pense pas qu’ils réagiront spécifiquement aux propos de certains candidats et les attentats sur meeting restent peu communs en France", observe-t-il.

Ceci étant, poursuit encore l’expert, "nous sommes entrés dans une forme de routine terroriste, comme ont pu la décrire les russes durant le XXème siècle". "Régulièrement, quoique de façon sporadique, des attentats terroristes ont lieu. Ces attaques apparaissent spontanées et sont menées contre les symboles de notre système : les journalistes, les professeurs, les policiers… Malheureusement, ces attentats sont presque devenus une forme de régularité statistique", déplore-t-il encore.

Attentats au couteau : le nouveau mode opératoire des terroristes ?

"Il y a eu de nombreux attentats depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Pour l’essentiel, les terroristes ont frappé au couteau, en suivant un schéma clair. C’est ainsi qu’ils ont procédé devant les anciens locaux de Charlie Hebdo ou face à Samuel Paty", souligne encore François-Bernard Huyghe, non sans évoquer l’attaque à la voiture, survenue en avril 2020 à Colombes dans les Hauts-de-Seine. 

"Cela n’a rien d’étonnant : c’est cohérent avec la doctrine de l’Etat Islamique", poursuit encore le politologue, qui fait référence à un message publié par l’EI et encourageant ses terroristes à mener la guerre contre les incroyants même sans équipement militaire. "Frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec votre voiture, jetez-le d’un lieu en hauteur, étranglez-le ou empoisonnez-le", auraient en effet déclaré les figures d’autorité du mouvement djihadiste, informe Sud-Ouest.

"La prévalence de ce mode d’attentat n’a rien d’anodin. Elle s’explique d’ailleurs assez aisément", étaye François-Bernard Huyghe, qui a identifié au moins deux raisons :

  • D’abord, explique-t-il, plus personne au sein de l’Etat Islamique n’apparaît en capacité de se procurer le matériel et les ressources nécessaires (armes, véhicules, faux papiers, planques, etc) pour mener à bien un assaut d’ampleur comparable à celle du Bataclan
  • Ensuite, le schéma actuel correspond bien davantage à celui du "loup solitaire" (lequel ne l’est jamais réellement, puisqu’il repose sur une batterie de gens susceptibles de l’influencer, précise le politologue) : l’assaillant agit seul, parfois sans avoir mis personne au courant et sur un coup de tête.

Est-ce à dire qu’il n’y aura plus jamais d’attentat aussi meurtrier que ne put l’être l’assaut sur le Bataclan ? Loin s’en faut.

Assaut terroriste : pourquoi les forces de l’ordre n’avaient-elles rien vu venir ?

L’assaillant, a précisé Gérald Darmanin, n’était pas connu des forces de l’ordre. Il n’avait pas non plus été identifié comme radicalisé par les services de renseignement. Une situation potentiellement inquiétante… mais somme toute assez normale, estime François-Bernard Huyghe. "Nos services sont plutôt bons, mais il y a des limites à ce qu’ils sont en mesure de faire. Repérer des potentiels terroristes est complexe et nécessite beaucoup de temps de cerveau humain. Hélas, le nombre de fonctionnaires alloués à cette mission n’est pas infini", rappelle-t-il en effet. "Il y aura forcément d’autres cas comparables, particulièrement quand le passage à l’acte peut se faire très vite", poursuit le politologue, qui appelle à attendre la fin de l’enquête pour savoir si certains signes avant-coureurs auraient pu alerter les autorités.

Dès lors, il n’est pas pertinent d’y lire une faille mécanique de nos systèmes de défense. "Ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il n’y aura plus d’attentat d'ampleur. Al Qaeda menaçait récemment la France pour des raisons géopolitiques", rappelle en effet le directeur de recherche à l’Iris...