Arrêts maladie : indemnités et délais de carence dans le viseur de la Cour des CompteAFP
Afin de réduire le déficit de l'Assurance maladie, qui continue de se creuser même après la pandémie de Covid-19, la Cour des comptes préconise dans un rapport du 29 mai 2024 d'allonger le délai de carence pour les salariés, mais aussi de réduire les montants d'indemnisation des arrêts de travail. Le point.
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« Ce qui est totalement anormal et même révoltant, c’est qu’il y a des gens (…) qui sont en arrêt maladie alors qu’ils ne sont pas malades », déclarait Bruno Le Maire en juin 2023. Modifier les conditions d’indemnisation des arrêts maladie, constitue déjà un cheval de bataille pour le gouvernement. Le dernier rapport de la Cour des comptes ne sera donc pas pour déplaire à l’exécutif. Publié le 29 mai 2024, ce texte préconise des mesures drastiques visant à réduire le déficit de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), et à lutter contre la “fraude”. Celles-ci permettraient de réaliser entre “500 millions et 1 milliard d’euros” d’économies. 

Quelles sont les dépenses qui augmentent ?

Le montant d’indemnités journalières (IJ) versées aux travailleurs salariés et indépendants en arrêt maladie a atteint 12 milliards d’euros en 2022, soit 1,96% du montant total des dépenses d’assurance-maladie (610,7 milliards cette année-là). 

Cette portion restreinte a tendance à grossir. Les dépenses liées aux IJ ont en effet augmenté de 4,3 milliards d’euros par rapport à la 2017, chiffre la Cour des comptes. Le niveau de ces dépenses a particulièrement augmenté pendant la période de crise sanitaire quand les Français étaient contraints de rester chez eux en cas d’atteinte par le Covid-19, et même en cas de suspicion de symptômes. Une loi d’urgence avait alors supprimé le délai de carence, qui correspond à la période (3 jours dans le secteur privé) pendant laquelle les salariés en arrêt ne perçoivent pas d’indemnité journalière. 

A la fin de la crise, les dépenses liées aux indemnités journalières ont reflué avant de repartir à la hausse en 2022 (+19%), puis de se réduire à nouveau en 2023. Hors dépenses liées aux Covid, le montant total des indemnités journalières versées à toutefois continué d’augmenter (+6,2%),selon l’Assurance maladie. L’organisme im putait surtout cette hausse à la revalorisation du Smic, de 4,3%. Comme le calcul des indemnités journalières se fonde sur le salaire au cours des mois précédents l’arrêt, toute hausse de celui-ci entraîne mécaniquement une augmentation des indemnités reversées. 

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Autre cause invoquée pour expliquer ces hausses de dépenses : le vieillissement de la population indemnisée. En ce qui concerne les motifs d'arrêt, les troubles psychiques arrivent en tête, avec 3 millions d'arrêt en 2022 (selon le Monde citant des chiffres de la Cnam)

Lutter contre “la fraude”

L’autre objectif dans le viseur concerne la “fraude”. Dans le texte des sages de la rue Cambon elle représentait en 2022 quelque 12,8 millions d’euros (soit un niveau reconnu comme “faible” par rapport aux dépenses totales). La définition de ce terme n’est pas précisée. Dans le texte du rapport, il est notamment question des “faux” arrêts de travail - en raison d’usurpation d’identité, ces cas extrêmement rares - qui seraient rendus impossibles grâce à la généralisation des télétransmissions d’arrêts de travail par les soignants habilités à en délivrer. Il n’est pas question d’arrêts dits de “complaisance” qui seraient à attribués à des personnes “pas vraiment malades”. 

Dans un communiqué de presse diffusé ce 30 mai, la Cour des comptes évoque toutefois ces fameuses "prescriptions de complaisance".  Elle précise formuer sa recommendation : " afin de réduire les dépenses de l’assurance maladie, modifier les paramètres de l’indemnisation des arrêts de travail, notamment en vue de mieux en répartir la charge entre la sécurité sociale, les entreprises et les assurés, à l’issue d’une concertation avec les partenaires sociaux ».

Allonger le délai de carence

Concrètement, les mesures préconisées consistent à supprimer l’indemnisation des arrêts de travail s’ils durent moins de 8 jours, et à faire passer le délai de carence de 3 à 7 jours. Il resterait “un jour de carence d’ordre public”, c’est-à-dire que les entreprises ne pourraient même pas compenser cette journée non travaillée, restant donc totalement à la charge du salarié. Cette dernière mesure était déjà préconisée par la Cour des comptes en 2019. Cela devait servir à “de signal supplémentaire en faveur de la maîtrise de la fréquence des arrêts de travail

Réduire la durée des indemnisations longues

Le cas des indemnisations portant sur de longues périodes est également évoqué. Plus rares, elles sont néanmoins celles qui pèsent le plus sur les comptes publics. “Les arrêts supérieurs à six mois, qui ne représentent que 6 % du nombre d’arrêts indemnisés, induisent près de la moitié de la dépense d’indemnités hors covid”, est-il ainsi noté dans le rapport. Les auteurs proposent de remettre en cause la durée maximale d’indemnisation “inchangée depuis 1945”. S’appuyant sur des travaux de la Sécurité sociale, ils proposent de réduire de 3 à 2 ans la durée maximale d’indemnisation continue, avec des exceptions pour certaines pathologies.

Réduire le montant des indemnités journalières

Enfin, la Cour des comptes souhaite réduire le montant des IJ versées en cas d’arrêt. Elle propose “une baisse de cinq points de ce taux, à 45 % au lieu de 50 % du salaire brut”, afin de réduire ses dépenses à un niveau équivalent aux économies réalisées par les entreprises (1 milliard d’euros envisagées) en cas d’augmentation du délai de carence et d’instauration d’une carence “d’ordre public”.