Istock
En besoin permanent d'explication, l'être humain préfère souvent se fier à des théories fallacieuses plutôt que de chercher à analyser et expliquer les véritables causes des évènements. Quitte à être dans le faux.

Vous l'avez forcément constaté : c'est lorsque vous êtes le plus pressé que tous les feux de votre itinéraire sont rouges. Par ailleurs, votre file d'attente est systématiquement celle qui avance le moins vite, l'imprimante n'a plus de papier au moment exact où il ne vous manque plus qu'une page, votre téléphone sonne quand vous commencez à prendre votre douche, et bien entendu, c'est le jour où vous avez oublié votre parapluie qu'il se met subitement à pleuvoir comme jamais. Tout ces faits absolument indiscutables ne le sont en réalité pas tant que ça.

A lire aussi -Pourquoi croit-on les informations reprises en boucle dans les médias ?

En effet, il s'agit là d'un tour de force de notre esprit, lequel à tendance à exagérer la relation de cause à effet entre deux événements qui se produisent en même temps. Ce phénomène, démontré par les psychologues L.J. Chapman et J.P. Chapman en 1967, a été baptisé "corrélation illusoire". En clair, il s'agit d'un mécanisme de pensée consistant à percevoir entre deux évènements un lien qui n'existe pas, ou qui est en réalité bien plus faible. Ces biais cognitifs sont tellement puissants qu'ils ne se contentent pas d’orienter notre jugement, mais influencent également notre comportement. L'exemple le plus frappant étant l'effet placebo, c'est-à-dire la légère amélioration que produit un médicament présenté au patient comme un traitement réel, mais ne contenant pourtant aucune substance pharmacologique. Ceci repose sur une illusion de corrélation entre la prise d’un médicament et le fait de sentir mieux.

Corrélation illusoire et confusion des sources

Pour prouver l'influence de la corrélation illusoire sur nos comportements, quatre chercheurs américains ont mené une série d'expériences dans les années 1980. Ils ont comparé trois groupes de volontaires. Le premier groupe consommait des boissons alcoolisées, le deuxième croyait en boire mais ne consommait en réalité qu'un cocktail sans alcool, et le troisième groupe consommait de l'eau gazeuse, en toute connaissance de cause. Les résultats montrèrent que le deuxième groupe se comportait de façon plus agressive et se disait plus excité sexuellement que ceux qui n'avaient bu que de l'eau. Ils n'avaient pourtant pas réellement consommé d'alcool, mais étaient victimes d'une illusion de corrélation : ils ont surestimé la fréquence des comportements agressifs et sexuels lors de la prise d'alcool, au point de s'imaginer eux-mêmes dans cette situation, alors qu'ils ne buvaient que de l'eau...

Outre l'exagération des relations entre les faits, la corrélation illusoire nous pousse également à confondre les effets et les causes d'un événement. L'exemple le plus cité est celui des antibiotiques, dont on dit qu'ils fatiguent. De fait, à chaque fois que nous en prenons, nous sommes fatigués. Seulement voilà, cette fatigue est due non pas aux antibiotiques eux-mêmes, mais à l'infection pour laquelle ils ont été prescrits. On parle alors de confusion des sources. Ces informations erronées, ces théories prêtes à emploi ont pourtant depuis longtemps été invalidées. Mais il semble bien que nous préférions les explications confirmant nos croyances à une réflexion ou à une recherche plus poussée. Cette paresse intellectuelle a cependant un effet pervers : bien souvent, elle entretient voire renforce clichés et stéréotypes.