"God Save the Queen" : comment la fistule anale de Louis XIV a donné naissance à l’hymne britanniqueIstock
La petite histoire de la grande – Cela peut paraître étonnant, et pourtant, l'affection dont souffrait le Roi Soleil a permis la création de l'hymne nationale anglaise. Retour sur la fistule anale la plus célèbre du monde.
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"Les Anglais ont aujourd'hui, sans certainement le savoir, comme hymne national, un air qui a été composé pour le cul du roi Louis XIV ! " Voici ce qu’a confié le professeur Jean-Noël Fabiani, dans l’émission la "Tête au Carré" sur France Inter, en 2018.

Le chef de service du département de chirurgie cardio-vasculaire à l'hôpital européen Georges-Pompidou à Paris, est revenu, le temps d’une émission de radio, sur l’étonnante histoire de l’hymne nationale britannique.

"God Save the Queen" : tout commence en 1686

En 1686, la santé du Roi Soleil n’est pas au beau fixe. Après avoir contracté la petite vérole, une blennorragie ou encore une fièvre typhoïde, Louis XIV souffre d’une tumeur à la cuisse. Cette dernière, qui le fait atrocement souffrir, l’empêche d’abord de monter à cheval puis de se déplacer. Il est alors forcé d'utiliser une chaise à porteurs.

Après quelques investigations, la tumeur à la cuisse se révèle être une fistule anale, qui est un abcès lié à l’infection d’une glande située entre l’anus et le rectum. Les lavements prodigués au roi par ses médecins pourraient bien en être la cause. Ils utilisent en effet un clystère en métal non stérilisé, puisque Nicolas Appert "n'inventera" la stérilisation qu'en 1810.

Fagon, l’un de ses docteurs, lui préconise alors de boire de l'eau minérale. En plus de déplaire à Louis XIV, cette recommandation ne résolue en rien son problème médical. Son état s’aggravant, Louvois, l'un de ses principaux ministres, le convainc de voir son barbier-chirurgien…

Naissance de l’hymne nationale britannique : une opération risquée

"Les barbiers s'engouffrent dans ce métier de chirurgiens parce qu'ils sont les seuls au Moyen Âge à avoir des lames qui coupent à peu près bien pour faire des saignées, des abcès, des amputations... Les barbiers exercent donc la chirurgie, mais sous les instructions des docteurs en médecine. C'est à cette époque que l'on passe de la médecine monastique à la médecine scolastique, avec la création des grandes universités de la fin du Moyen Âge", explique Jean-Noël Fabiani.

C’est le "barbier-chirurgien" Charles-François Félix qui sera chargé d’opérer le roi à vif. Le geste étant risqué, ce dernier s’est entraîné plusieurs mois durant et a mis au point un petit scalpel recourbé conçu spécialement pour l’occasion. Au vu du risque encouru, Madame de Maintenon, l’épouse secrète du souverain, demande à Lully de composer une chanson en l’honneur de son époux. Le texte, écrit par Madame de Brinon, supérieure de la Maison royale de Saint-Louis créée par la marquise, s’intitule "Grand Dieu sauve le roi !"

"God Save the Queen" : la composition chantée durant l’opération

L'opération, qui a lieu sans anesthésie à Fontainebleau le 18 novembre 1686, a duré trois heures. Les pansements ont été faits avec du vin de Bourgogne.

Pendant l'opération, les Demoiselles de Saint-Cyr chantent l’hymne à tue-tête. Elles l’interpréteront ensuite à chacune des visites du roi à la Maison royale de Saint-Louis.

Comment cette mélodie a-t-elle pu en revanche traverser la manche ?

Une première thèse repose sur le fait qu’en 1714, Haendel, compositeur officiel du roi britannique George Ier en visite à Versailles, entend l'hymne de Lully. Il le note donc et le fait adapter en anglais avant de le soumettre au roi, qui semble conquis.

D’autres s’attardent à dire que l’adaptation vient de Jacques Stuart, qui régna en Angleterre sous le nom de Jacques II. En exil en France à partir de 1689, il aurait entendu l'hymne et envisageait de l'adopter lors de son prochain règne, qui n’aura jamais eu lieu. Son fils, Jacques III, aurait alors tenté de récupérer le trône à plusieurs reprises. C’est en août 1745, au cours d’une dernière tentative, que ses partisans auraient chanté la célèbre hymne.