Ces célèbres détenus condamnés à perpétuité, libérés ou libérables

Publié par Matthieu Chauvin
le 22/08/2024
a prison window with bars and razor wire in front of it
Istock
La perpétuité réelle n'existant pas formellement en France, des détenus célèbres, même tueurs en série, sont actuellement emprisonnés mais libérables. D'autres l'ont été dans le passé, certains n'ont jamais eu cette seconde chance. Les cas les plus marquants en images.

En France, la loi ne prévoit pas officiellement de peine de prison à perpétuité réelle, mais une "perpétuité incompressible" : c'est-à-dire sans aucune période de sureté ni aucun aménagement possible pendant 30 ans minimum. Elle peut donc dans les faits durer jusqu'à la mort du détenu.

Toutefois au bout de 30 ans d'emprisonnement, un tribunal d'application des peines peut mettre un terme à l'incarcération, par exemple sur demande du détenu. Mais dans les faits, depuis que cette perpétuité incompressible a été mise en place le 1er février le 1994 par le gouvernement Balladur et son ministre de la Justice Pierre Méhaignerie, aucun condamné à cette peine n'est jamais sorti de derrière les barreaux (Salah Abdeslam, Michel Fourniret...).  

Une perpétuité incompressible dans certains cas seulement

Au contraire de la perpétuité traditionnelle en France qui comprend aujourd'hui une période de sureté maximale de 22 ans, la perpétuité incompressible ne s'applique que dans les cas suivants : 

  • meurtre avec viol, tortures ou acte de barbarie sur mineur de moins de quinze ans ;
  • meurtre ou assassinat d'une personne dépositaire de l'autorité publique (policier, magistrat, etc.) et ce, à l'occasion ou en raison de ses fonctions ;
  • crime terroriste.

Notez que la peine d'emprisonnement maximale hors perpétuité en France est de 30 ans. Mais malgré leur réclusion criminelle à perpétuité, certains condamnés célèbres dans notre pays et en Europe sont légalement libérables depuis plusieurs années, d'autres l'ont été dans le passé. Revenons en images sur les cas les plus marquants de ces dernières années et d'avant.

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Guy Georges : tueur en série libérable depuis 2020

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Guy Georges, surnommé à l'époque "le tueur de l'est parisien", a été condamné le 5 avril 2001, après un long procès, à une peine de réclusion à perpétuité assortie d'une période de sureté de 22 ans. Ce tueur en série avait été reconnu coupable d'au moins 7 meurtres de femmes accompagnés le plus souvent de viol(s) et d'actes de tortures et de barbarie. Libérable en conditionnelle depuis mars 2020, il avait toutefois demandé après le verdict à ne jamais sortir de prison, avouant qu'il "recommencerait".

Patrice Allègre : tueur en série libérable depuis 2019

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Condamné le 21 février 2002 lui aussi à la perpétuité avec une période de sureté de 22 ans pour 5 meurtres, une tentative d'homicide et six viols, le tueur en série avait défrayé la chronique à Toulouse en affabulant sur l'implication dans des réseaux pédophiles et sado-masochistes de Dominique Baudis (et autres notables locaux), ancien journaliste et maire de la ville, ternissant à jamais l'image de ce dernier bien qu'innocenté totalement par la justice. Libérable en conditionnelle depuis septembre 2019, il avait fait une demande via son avocat, qu'il a retirée en 2021. Le flou demeure sur le nombre réel de ses victimes.

Patrick Tissier: tueur en série libérable depuis 2023

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Capture vidéo

Celui que l'on surnommait au début des années 90 "l'ogre de Perpignan" a commencé sa carrière de tueur en série en 1971, faisant de sa petite amie sa première victime. Condamné en 1972 à 20 ans de prison, il n'y retourne pas après une permission accordée en 1982. Durant sa cavale, il viole une jeune femme et tente d'en abuser une autre. Rattrapé en 1983 il prend cette fois-ci 10 ans lors de son second procès en 1985. Libéré en 1992 après seulement 7 ans, il tue deux fois en 1993, une femme et une fillette de 8 ans, Karine, avant de violer son cadavre. Ce meurtre avait défrayé la chronique, certains demandant le retour de la peine de mort. C'est son cas qui mené à l'adoption de la perpétuité incompressibleC'est donc à cette peine qu'il fut condamné en 1998, avec période de sureté de 30 ans. Libérable en conditionnelle depuis septembre 2023, il reste cependant incarcéré face à la pression des familles des victimes.

Didier Gentil : tueur et violeur libérable depuis 2016

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C'est une autre affaire qui avait défrayé la chronique, mais à cause d'une erreur judiciaire. Richard Roman, un marginal devenu berger, issu d'une famille bourgeoise parisienne, vivait à l'écart du village de La-Motte-du-Caire, dans un tipi. Il y hébergeait d'autres marginaux de passage, parmi eux Didier Gentil, et était surnommé "l'indien" par les locaux. Sauf que dans un premier temps, c'est bien Richard Roman qui fut accusé du meurte de la petite Céline Jourdan le 26 juillet 1988, désigné par Gentil, qui avait juste reconnu le viol (à l'époque, les premices des analysés ADN avaient permis d'identifier son sperme sur le cadavre de la fillette, âgée de seulement 9 ans). Il avait en effet signé des aveux après une garde à vue éprouvante. Une enquête journalistique et la nomination d'un nouveau juge d'instruction vont changer la donne, pointant du doigt une enquête bâclée et les maladresses des gendarmes. Incarcéré, Roman est libéré faute de preuve après 27 mois de prison, avant que le non-lieu soit annulé et qu'il retourne en cellule jusqu'au procès des deux accusés en 1992, notamment pour sa protection car la famille de la victime souhaitait sa mort (elle le croit toujours coupable aujourd'hui). Finalement, Didier Gentil innocente Richard Roman face aux preuves qui l'accablent. Il est condamné le 17 décembre de la même année à la perpétuité assortie d'une période de sureté de 28 ans. Libérable en conditionnelle depuis 2016, il est toujours incarcéré. Richard Roman sombrera lui dans la folie et la toxicomanie, mourant d'une overdose à son domicile en 2008.

Marc Dutroux : tueur en série libérable depuis 2013

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marc dutroux photo by frederic humblet abacapresscom
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Illustration

"L'affaire Dutroux" et ses ramifications avérées ou non avait ému l'Europe entière en 1996 et eut pour origine la toute première "marche" blanche", qui avait mobilisé des centaines de milliers de Belges à Bruxelles. Cinq fillettes et adolescentes avaient été tuées de ses mains ou laissées mortes de faim dans une cache aménagée dans sa cave, après avoir été violées quotidiennement pendant plusieurs jours, dans l'indiférence de sa femme Michelle Martin. Les deux étaient déjà multicondamnés avant l'affaire, pour des faits de viol et séquestration sur mineures notamment. Marc Dutroux incarcéré parvient en 1996, l'année de son arrestation, à s'évader de façon rocambolesque mais sera vite repris. Il est condamné à la perpétuité pour les cinq assassinats, pour être le chef d'une association de malfaiteurs impliquée dans des enlèvements d'enfants, de séquestrations, de viols avec torture et de trafic de drogue. Mais la justice belge est différente de la nôtre. Il avait en effet le droit de demander une libération conditionnelle après 15 ans. Ce qu'il fit dès 2012, souhaitant être mis sous bracelet électronique, ce qui déclencha un scandale dans le pays. Depuis le 30 avril 2013, il est libérable en conditionnelle au regard de la loi. Une nouvelle demande, faite à l'avance, sera rejetée le 18 février 2013 pour "absence de perspective de réinsertion." Mais Marc Dutroux est persévérant : en octobre 2019, il sollicite une expertise psychiatrique dans l'espoir d'une libération conditionnelle, qui est acceptée. La sentance des experts tombe en septembre 2020. Il est toujours considéré comme psychopathe et dangereux pour la société et reste en prison. Où il restera sans doute jusqu'à la fin de ses jours.

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Patrick Henry : tueur condamné en 1977, libéré en 2001

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"Bonsoir. La France a peur". C'est par ces mots que le présentateur vedette de l'époque Roger Gicquel ouvrit le journal de 20 heures de TF1 le 18 février 1976, le lendemain de l'arrestation de Patrick Henry et de la découverte du corps du petit Philippe Bertrand, 7 ans. Ce jeune flambeur, délinquent et petit escroc de 22 ans, pourtant ami de la famille, avait enlevé l'enfant pour rançonner ses parents d'un million de francs de l'époque. Finalement arrêté par l'OCRB (Office central pour la répression du banditisme) après plusieurs échecs, il avait été remis en remis en liberté après 48 heures de garde à vue, faute de preuve ni d'aveux. Le chef de l'OCRB, le grand flic Charles Pellegrini avouera plus tard, que convaincu de sa culpabilité, il avait tiré un coup de feu à quelques centimètres de sa tête de pour "le faire craquer". Interviewé ensuite par des journalistes, Henry avait déclaré qu'il était "innocent" et que "le véritable criminel mérite la peine de mort pour s'en être pris à un enfant". Il y échappera justement lui-même grâce à l'historique plaidoierie de son avocat, Robert Badinter. Car suite au signalement du propriétaire de l'hôtel-restaurant Les Charmilles à Troyes, la police apprend que Patrick Henry y loue une chambre. Alors que les forces de l'ordre l'arrêtent à nouveau, il tente de s'enfuir par la fenêtre et le corps du petit garçon est retrouvé sous le lit. Malgré les dires d'Henry, la police pense qu'il l'avait en réalité étouffé le jour même de l'enlèvement, ne supportant plus ses pleurs. Grâce à la tirade de son avocat, il fut finalement condamné à la perpétuité. Après 7 demandes de liberté conditionnelle, il quitte finalement la prison où il a passé 25 ans (dont cinq en quartier de haute sécurité, le fameux QHS aujourd'hui banni) le 15 mai 2001 grâce à sa bonne conduite et une promesse d'embauche dans une imprimerie. Mais il ne retournera jamais à la vie normale. Dès le 22 août 2002, il condamné pour vol à l'étalage à une amende de 2 000 euros. Le 6 octobre de la même année il est arrêté en Espagne avec 10 kg de cannabis dans sa voiture. Il est extradé vers la France le 16 avril 2003 et sa condamnation à perpétuité est automatiquement reconduite, plus une peine de 4 ans et une amende de 20 000 euros. Un appel et une grève de la fin n'y changeront rien. Sa grâce sera refusée en 2014 par François Hollande. Il bénéficie toutefois d'une nouvelle libération conditionnelle en 2016, qui sera annulée la même année. Très malade, il est libéré pour raison médicale en 2017 et meurt 3 mois plus tard d'un cancer des poumons.

Richard Romand : il tue sa femme et ses enfants, il est libéré en 2019

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De cette terrible affaire, Emmanuel Carrère à écrit un roman, L'Adversaire, publié en 1999 aux éditions P.O.L. Qui inspirera ensuite le remarquable film du même nom, réalisé en 2002 par Nicole Garcia avec Daniel Auteuil dans le rôle principal. Richard Romand était un menteur pathologique. Pendant 18 ans, il a fait croire à sa famille qu'il était médecin-chercheur à l'INSERM puis à l'OMS alors qu'il avait abandonné des études qui auraient pourtant pu être brillantes. Durant toutes ces années, en réalité sans aucune activité, il lira des livres spécialisés pendant ses journées d'errement, parfois dans les locaux de l'OMS en Suisse, devenant capable de discuter médécine de façon pointue. La légende veut qu'un soir, invité à dîner chez un ami cardiologue, ce dernier aurait déclaré à sa femme après le départ des Romand : "à côté de gens comme lui, on se sent tout petit". Mais en 1993, après avoir épuisé toutes ses ressources, issus d'emprunts et d'escroquerie aux placements auprès de sa famille, ses amis et même sa maîtresse qu'il tentera d'éliminer après ses crimes avant de raviser, Richard Romand est arrivé au bout de ses mensonges, passant des journées entières garé sur des aires d'autoroutes pour justifier de ses absences professionnelles, se disant en congrès au Japon, aux USA... Un ami s'étonnait de ne pas le trouver sur la liste des employés de l'OMS, son ex-maîtresse lui réclamait la forte somme d'argent qu'il lui avait empruntée. Samedi 9 janvier 1993 au matin, au pied du mur face à sa femme qui commençait à le soupçonner aussi, il la tue dans leur chambre avec un rouleau à pâtisserie. Puis, dans leur chambre également, sa fille Caroline âgée de 7 ans et son fils Antoine âge de 5 ans, chacun d'une balle de fusil .22 Long Rifle (équipé d'un silencieux) à l'arrière de la tête. Il range la maison, ouvre son courrier, part acheter des journaux et se met devant la télé. Ce même jour, il se rend chez ses parents et les abat avec le même fusil, ainsi que leur labrador. Il rentre chez lui, avale des barbituriques périmés et met le feu. Des éboueurs préviennent les pompiers qui le retrouvent inconscient. Fatalité ou non, il est victime d'une erreur médicale à l'hôpital et tombe dans le coma. Les gendarmes fouillent sa voiture de location et tombent sur ce mot : "un banal accident et une injustice peuvent provoquer la folie. Pardon." Il reste en outre fortement suspecté du meurtre de son beau-père. Lors d'une rencontre entre les deux, le père de sa femme, qui lui réclamait des comptes sur les placements douteux de Romand, chuta dans l'escalier de sa maison. L'histoire raconte qu'arrivés sur place, les secours l'auraient entendu bégayer : "Jean-Claude m'a, Jean-Claude m'a.. ", avant qu'un masque à oxygène l'empêche de terminer sa phrase. Romand persiste auhourd'hui encore à parler d'accident. Jean-Claude Romand est condamné le  à la perpétuité assortie d'une période de sûreté de vingt-deux ans. Libérable depuis 2015, il fait une demande en 2018, refusée en 2019 pour les raisons suivantes : " les éléments du projet présenté et de sa personnalité ne permettent pas d'assurer un juste équilibre entre le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et de la réinsertion du condamné". La même année, la Cour d'appel de Bourges autorise cette liberté conditionnelle le 28 juin. Il est hébergé par des moines jusqu'en 2021. En 2022, sa période probation étant terminée, il est définitivement libre et se montre depuis discret, se contentant d'une toute petite retraite.

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