La République en Marche profite-t-elle du Covid pour faire discrètement passer certaines lois ? AFP
Pour faire face au coronavirus, le pouvoir législatif vient de voter en urgence une loi qui gonfle les pouvoir du gouvernement. Celle-ci lui permet notamment de légiférer par ordonnances... Et inquiète une partie de l'opposition.
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C'est désormais officiel : contre la menace que représente le coronavirus Covid-19, le chef de l'Etat et son équipe exécutive seront dotés de pouvoir plus importants, rapporte Le Monde. Le Parlement vient en effet d'adopter le projet de loi d'urgence qui habilite notamment le gouvernement à "prendre des ordonnances pour aménager – temporairement – le droit du travail", écrit le quotidien du soir.

En pratique, le président de la République et ses ministres entendent déraidir le Code du travail, faciliter le recours au chômage partiel et permettre une révision potentielle des heures de travail. Il s'agit après tout "donner des instruments de souplesse aux entreprises", rappelle Le Parisien.

Pourtant, souligne le journal de la capitale, certaines de mesures prévues – dont le détail exact restait inconnu jusqu'à la publication des ordonnances ce mercredi 25 mars 2020 – sont déjà comprises dans le Code. Il est possible, actuellement, de requérir d'un salarié qu'il travaille 60h par semaine... Sous conditions. Ce sont ces dernières que La République en Marche entendait revoir. Et c'est précisément ce qui inquiète une partie de l'opposition.

Le gouvernement peut légiférer par ordonnances : quelles garanties ?

Problème ? En procédant par ordonnances, le gouvernement peut théoriquement se passer de toute consultation normalement obligatoire. "Tout ce que vous voterez ne durera que le temps de la crise sanitaire", a néanmoins promis Muriel Pénicaud, ministre du Travail, au moment de l'adoption du projet de loi d'urgence. Ce qui n'a cependant pas empêché la majorité de refuser un amendement socialiste visant à s'assurer de cette affirmation...

Sur Twitter, François Malaussena alerte : le dispositif en place pourrait être utilisé pour contourner "la suppression du contrôle du parlement sur toutes les mesures d'exception", explique le collaborateur parlementaire au Sénat.

A gauche, notamment, une partie de l'opinion s'indigne craignant que le président de la République ne profite de cette occasion pour justifier une casse durable de certains droits acquis. Caroline de Haas, parmi d'autres, invite à la vigilance.

A partir de quand le gouvernement ne pourra-t-il plus légiférer par ordonnances ?

Si l'amendement socialiste identifié par François Malaussena a finalement été rejeté par la majorité, le gouvernement a tout de même précisé la date à terme de laquelle ces mesures d'urgence s'arrêteront, rapporte le politologue Clément Viktorovitch. "Le gouvernement vient de publier l'ordonnance assouplissant le Code du travail. Après avoir refusé d'inscrire dans la loi le caractère provisoire de ces mesures, ils ont finalement retenu une date limite (le 31-12-2020)", écrit-t-il sur Twitter.

Par ailleurs, même sans précision de la date dans la loi d'urgence, le gouvernement n'aurait pu prendre des mesures pérennes : il n'était autorisé à légiférer de cette manière que pour mettre fin à la crise sanitaire en cours. Compte tenu de la façon dont la constitution est rédigée, il n'aurait théoriquement pas pu outrepasser la réalisation de cet objectif.

A quoi ressemblent les ordonnances publiées par le gouvernement ?

L'assouplissement temporaire du Code du travail, qui pourrait durer jusqu'à la fin de l'année 2020, comprend plusieurs volets, rapporte BFMTV. Le premier concerne l'intéressement et la participation : les entreprises qui doivent verser des primes pour ces motifs précis ne seront plus contraintes de le faire avant le 30 juin comme c'est le cas à présent. Elles seront en droit d'en délayer le paiement jusqu'au 31 décembre 2020.

Par ailleurs, certaines sociétés pourront "déroger aux règles relatives à la durée du travail", a expliqué Muriel Pénicaud, la ministre du Travail. En tout et pour tout, les salariés pourront être amenés à travailler jusqu'à 60 heures par semaine "de façon exceptionnelle", et 46h en cas d'heures supplémentaires traditionnelles. Elles seront majorées à partir de la 36ème.

Enfin, les employeurs pourront dorénavant imposer la date des congés payés à leurs salariés, sans tenir compte du délai de prévenance légal... Sous réserve d'un accord d'entreprise ou de branche. Elles peuvent aussi imposer les dates de RTT, par exemple.