Cet insecte (moche) de votre jardin ne doit surtout pas être chassé, voici pourquoi

Publié par Nina Parage
le 24/06/2025
le
3 minutes
Une main gantée asperge de l'insecticide sur une plante dans un jardin ensoleillé
Pourquoi ne faut-il pas tuer certains insectes de jardin ? Même les plus laids jouent un rôle écologique essentiel. Voici ceux qu’il faut protéger absolument et pourquoi.

Votre jardin est un lieu d’épanouissement pour les enfants de votre entourage, vos fleurs… mais aussi certaines bestioles, plus ou moins esthétiques. Parfois, la nature fait bien les choses : un physique disgracieux peut impliquer que l’animal est un nuisible. Mais à d’autres moments, l’habit ne fait pas le moine, et la mandibule ne fait pas la vermine. Prudence, au moment de sortir l'insecticide ! Parmi les espèces (moches) à protéger : les chilopodes.

Qui sont les chilopodes ?

Les chilopodes, appelés communément centipèdes (ou “mille pattes” pour les intimes), appartiennent à la classe des Myriapodes (Chilopoda) et se distinguent par leur corps aplati et leurs nombreuses pattes : de 15 à 177 paires selon les espèces, de quoi faire de sacré footing.

 

Mille pattes

Rôle écologique des chilopodes

Les chilopodes sont  « d’excellents bioindicateurs de la qualité des habitats naturels », comme le souligne l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). En d’autres termes, si vous en avez dans votre jardin, c’est bon signe ! Prédateurs de petits invertébrés (insectes, collemboles, vers de terre, cloportes…), ils régulent la microfaune du sol, contribuant ainsi à l’équilibre des communautés biologiques. Leur présence fréquente dans les forêts et les sols forestiers en forte densité leur confère une importance significative dans les processus de décomposition et de recyclage de la matière organique : en contrôlant les décomposeurs, ils favorisent la formation d’humus, essentielle à la santé des sols.

Chilopodes : une espèce en danger

Les chilopodes sont utiles, inoffensifs (pour l’écrasante majorité), et en voie d’extinction ! Selon le dernier bilan de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), publié le 17 juin 2025, 21 % des espèces de chilopodes et 31 % des insectes aquatiques appelés « perles » (plécoptères) sont désormais classés comme menacés dans l’Hexagone. Sur les 146 espèces de chilopodes évaluées, 31 sont considérées comme vulnérables, en danger ou en danger critique. Il faut donc plus que jamais les préserver ! L’UICN déplore qu'aucune de ces espèces ne fasse actuellement l’objet de mesures de protection spécifiques ni d’actions de conservation ciblées. Ce constat émane d’un bilan établi par l’Office pour les insectes et leur environnement (Opie) et le groupe Myria-France, réunissant des spécialistes des mille-pattes.

Le privilège de la beauté, discriminant même chez les bêtes

Le “beauty privilege” (un concept qui définit le fait que l'on attribue plus de qualités sociales ou intellectuelles, d’opportunités, d'indulgence et d'affection à des personnes considérées comme attirantes plutôt qu'à celles qui ne le sont pas, et qui implique que la beauté est un facteur d’inégalité), s’applique aux humains… mais aussi au genre animal. Quand on pense à sauver la nature, on a envie de protéger le panda, les dauphins, les perroquets… Mais moins notre bon chilopode, pourtant plein de ressources. Ce phénomène, souvent inconscient, influe sur les priorités en matière de conservation : les espèces jugées "mignonnes", "gracieuses" ou "spectaculaires" attirent plus facilement l’attention des médias, des donateurs et du grand public. À l’inverse, les espèces jugées "moches", discrètes ou effrayantes – comme certains insectes, amphibiens ou invertébrés restent largement ignorées, malgré leur rôle écologique fondamental. Cette hiérarchie esthétique nuit à une protection équilibrée de la biodiversité. Chaque animal a sa place dans l’écosystème, même les moches !

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