L'arrêt des pièces rouges ne serait pas si bénéfique pour votre porte-monnaie

Publié par Léonie Beauchamp
le 23/06/2025
le
3 minutes
Pièces rouges
Plusieurs pays les ont déjà abandonnées, et l’Union européenne envisage de suivre le même chemin. Mais derrière cette mesure a priori anodine, les conséquences pourraient être plus complexes, et pas forcément avantageuses pour les consommateurs.

Jugées coûteuses et encombrantes, les “pièces rouges” sont de plus en plus contestées et le sujet de leur disparition est sur la table depuis plusieurs années. Leur coût de fabrication dépasse leur valeur faciale : 1,65 centime pour une pièce de 1 centime, 1,94 pour celle de 2. En comparaison, les pièces de 1 ou 2 euros restent rentables. Outre le coût, leur usage décline et il n’est pas rare qu’elles encombrent les tiroirs et alourdissent les porte-monnaie. Résultat : près de 4 milliards de pièces rouges dormiraient chez les Français, selon Morgan Reyrolle, directeur de Coinstar France, interrogé par MoneyVox. Cela représente l’équivalent de 700 millions d’euros.

Pourtant, ces pièces représentent encore près de 47 % de la masse monétaire en circulation dans la zone euro, selon la BCE. Leur usage reste ancré dans certains comportements, qu’il s’agisse de petits paiements en espèces, de dons, de pourboires ou de la fixation des fameux prix psychologiques à 9,99 euros.

Un coût caché pour le consommateur

Sur le papier, supprimer ces pièces paraît logique. Plusieurs pays l’ont déjà fait, comme la Belgique, les Pays-Bas, l’Irlande ou l’Italie. La France pourrait suivre, puisqu’elle frappe ses propres pièces via la Monnaie de Paris. Mais derrière l’argument économique (des économies estimées à plusieurs dizaines de millions d’euros par an) se cachent des effets collatéraux.

Premier risque : une hausse insidieuse des prix. La suppression des pièces impliquerait un arrondi des montants à payer. Officiellement, celui-ci devrait se faire au palier de 5 centimes le plus proche, mais dans la pratique, beaucoup redoutent un arrondi systématique vers le haut. “Mis bout à bout, cela crée une perte de pouvoir d’achat”, résume Vincent Drezet, fiscaliste à ATTAC. Même si certains pays ont limité l’inflation en légiférant, rien ne garantit qu’il en irait de même en France.

Deuxième impact : un changement d’habitude. Logiciels de caisse, affichage des prix, mentalités… tout devrait être adapté. Les centimes restent également un vecteur de micro dons pour les plus précaires. Sans compter qu’une disparition trop rapide pourrait provoquer une pénurie de pièces de 5 centimes, comme en Belgique, poussant l’État à en frapper davantage.

Une décision technique mais surtout politique

Les paiements en espèces sont en net recul. En 2024, pour la première fois en France, la carte bancaire a dépassé le cash pour les paiements de proximité. Selon la BCE, seuls 12 % des paiements dans l’Hexagone se font encore en espèces. Pourtant, 56 % des Français se disent attachés au maintien des pièces de 1 et 2 centimes, selon un sondage Ifop pour la Monnaie de Paris.

Car derrière cette disparition se profile aussi un risque de marginalisation pour certaines catégories de la population : les personnes âgées, les sans-abri, ou les foyers non bancarisés. Et même si l’Union européenne a envisagé un arrêt de la production dès 2022, aucune décision n’a été prise à ce jour. La Monnaie de Paris, elle, anticipe déjà une baisse de 40 % de la production des pièces de 1, 2 et 5 centimes d’ici 2027.

 

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