Procès de Mazan : Un verdict historique accueilli avec beaucoup de soulagement et de déception © Alice Ernult
Des centaines de militants et soutiens se sont amassés devant l'entrée du palais de justice d'Avignon ce jeudi 19 décembre, pour le verdict du procès historique des viols de Mazan. Nous sommes allées à leur rencontre.
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Dix ans de viols, quinze semaines d’audience et 51 accusés tous reconnus coupables. Ce jeudi 19 décembre 2024 restera gravé dans l’histoire judiciaire. Devant l’entrée du palais de justice d’Avignon, des centaines de personnes sont venues soutenir Gisele Pelicot, devenue une icône de la cause des femmes.

Le premier prononcé du verdict est celui de Dominique Pelicot, condamné à la peine maximale de vingt ans de réclusion criminelle avec une peine de sûreté des "deux tiers".  Des cris de joie retentissent en même temps que les applaudissements. Des militants se prennent dans les bras. Les peines sont ensuite annoncées au compte-goutte pour les 50 co-accusés, condamnés à des peines allant de trois ans d'emprisonnement (dont deux avec sursis) à vingt ans de réclusion criminelle. Tous ont été reconnus coupables.

“Que des violeurs sortent libres, je trouve ça inadmissible” 

Sans compter la presse internationale, certaines femmes ont fait le déplacement depuis les quatre coins de l’Hexagone. “J’habite Dijon. Je suis venue à l’ouverture le 2 septembre puis le 25 novembre et je suis encore là aujourd’hui”, nous explique Stéphanie, psychothérapeute spécialisée dans les violences faîtes aux femmes. 

Nous lui avons demandé son ressenti à chaud quelques minutes après l’annonce du verdict. “Il faudra que je prenne le temps de regarder vraiment toutes les peines et les condamnations de tous les violeurs mais à première vue, je suis très déçue que le Président et les magistrats n’aient pas suivi les réquisitions”, confie-t-elle avant de poursuivre “c’était un grand rendez-vous avec l’Histoire pour la justice aujourd’hui, mais elle a raté ce rendez-vous”. 

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“La honte aux violeurs”

Très engagée dans la cause des femmes, elle nous explique avoir rejoint le collectif féministes des Amazones d’Avignon dès le début du procès il y a trois mois et demi. “On était là pour amener un contre-discours à la culture du viol, car ces mots sont sans arrêt repris dans la bouche des violeurs et des avocats de la défense. Et remettre les choses à l’endroit : la responsabilité aux violeurs et la honte aux violeurs”, explique-t-elle. 

Aucun acquittement

“Il y a quand même une forme de soulagement à voir qu’il n’y a eu aucun acquittement même si les peines sont toutes en deçà des réquisitions, ça c’est un petit peu la surprise”, nous dit Anna Margueritat, photographe et vidéaste qui couvre le procès depuis ses débuts. 

L’une des filles d’un accusé sort en larmes, tête baissée et capuche sur la tête, se frayant un chemin à travers la foule qui semble l’ignorer. Combien de pères, de fils, d’amis sont capables du pire ? “Il faut qu’on ait un regard beaucoup plus large sur qui sont les agresseurs”, poursuit-elle.

Certes, le procès des viols de Mazan restera un procès historique de par son atrocité et sa médiatisation mais “il ne tient qu’à nous d’en faire un procès historique comme on l’a tant dit. C’est vraiment à la société d’en tirer les conclusions nécessaires. Il faut aussi comprendre pourquoi toutes les victimes ne vont pas jusqu’au procès et refusent de porter plainte. Parce qu’elles savent que ce sont des violences inouïes qu’elles vont subir au cours du procès. Même Gisèle a subi une violence terrible de la part des avocats de la défense. Toutes les victimes sont confrontées à ça donc il faut ramener ça à toutes les victimes”, conclut la jeune femme comme un appel à faire de la cause des femmes une lutte collective.