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Le diable se cachait sous de beaux habits. Cette histoire sanglante a pour décor la Hongrie du XVIe siècle, au sein de l’une des familles les plus illustres de son temps, la lignée des Báthory. L’une de ses descendantes, la comtesse Elisabeth, a créé le scandale à la fin du siècle, soupçonnée d’avoir tué des dizaines, voire des centaines de jeunes femmes, dans des conditions sordides.
Elisabeth Báthory : le premier scandale
Pour comprendre la trajectoire meurtrière de cette femme que rien ne prédestinait à la prison, il faut remonter à l’année 1560, au moment de la naissance d’Elisabeth. Elle est la descendante du comte György et de la comtesse Anna Báthory, un des clans les plus anciens et les plus puissants de la région de Transylvanie, au centre de la Roumanie actuelle. Parmi ses membres figurent Etienne Ier Báthory, qui fut roi de Pologne entre 1576 et 1586, mais aussi plusieurs éminences de l’Eglise.
La jeune Elisabeth Báthory grandit au château familial, où elle reçoit une éducation digne de son rang, apprenant notamment le latin ou l’allemand et est promise en mariage à ses onze ans. Elle doit alors épouser un de ses cousins éloignés, de cinq ans son aîné et qui est un comte hongrois. Comme le veut la tradition, elle emménage chez sa belle-famille, où elle est formée à être une bonne épouse pour son mari. Un premier scandale survient un an plus tard, lorsqu’elle tombe enceinte d’un domestique du château. Pas encore mariée, elle accouche en secret et ses fiançailles sont maintenues, car son futur époux voit en ce mariage l’opportunité de s’élever socialement.
Avec son union – en 1575 à l’âge de 15 ans - débute une nouvelle vie pour Elisabeth Báthory, dont son époux a pris le nom. Ils s'installent au château de Čachtice, où elle donnera naissance à leurs quatre enfants, Anna, Catherine, Ursula et Paul. Durant cette période, son mari part régulièrement au combat, notamment contre les Turcs, et acquiert le surnom du « Chevalier noir de Hongrie ». Il meurt 19 ans après leur mariage, en janvier 1604, laissant sa femme maîtresse de leurs terres. C’est à ce moment-là qu’Elisabeth Báthory acquiert la réputation de la « comtesse sanglante », qui se baignerait dans le sang de ses victimes pour acquérir une jeunesse éternelle. Mythe ou réalité ? Fantasme ou faits avérés ? Rumeurs et Histoire s’entremêlent très étroitement.
Elisabeth Báthory : un amour de la torture
L’histoire de la comtesse Báthory mêle croyances populaires et histoire politique du début du XVIIe siècle. En prenant la tête du comté, elle s’allie avec son cousin contre le roi Mathias Ier de Habsbourg et devient donc une personne à abattre. Elle est alors une femme très noble, très riche et très puissante. Si sa réputation est peut-être exagérée pour certains historiens, Elisabeth Báthory est loin d'être une tendre car, du temps de son mariage, elle échangeait avec son mari divers conseils sur la meilleure manière de faire régner la terreur chez ses administrés, par le biais de la torture.
Si des faits de violence envers des domestiques ont été rapportés durant ces années là, c’est bel et bien la mort de son époux qui lui confère la réputation qu’on lui connaît aujourd’hui. Dès 1604, des rumeurs de sorcellerie circulent dans la population, affirmant que la comtesse enlève des jeunes filles, qu’elle torture pour pouvoir ensuite se baigner dans leur sang. Elles arrivent jusqu’aux oreilles de Mathias de Habsbourg, qui décide d’envoyer le grand palatin au château de la comtesse. Là, ce dernier découvre des restes sanguinolents dans les caves du château, une jeune femme agonisant dans les jardins et une odeur affreuse, qui a imprégné les murs. Sur un carnet sont notés les noms et les particularités de chacune des victimes, 610 en tout. Mathias Ier décide alors d'intenter un procès à Elisabeth Báthory. Quête de la vérité ou opportunisme ? La quadragénaire est arrêtée, puis jugée deux ans plus tard.
Elisabeth Báthory : des bains de sang pour une jeunesse éternelle
Le procès d’Elisabeth Báthory permet à de nombreux témoins de prendre la parole, huit ans après les premières rumeurs sur ses prétendus actes de cruauté. Ses dames de compagnie ont par exemple raconté avoir recruté des jeunes filles, souvent des adolescentes, pour servir la comtesse et donc les attirer au château. Là, elles auraient subi de nombreux sévices, étant parfois battues à mort, torturées avec des aiguilles puis enterrées dans un parc ou les catacombes du château. Toujours selon les mêmes témoignages, la comtesse aurait ensuite pris des bains avec leur sang, pour garder une jeunesse éternelle, conseillée par une sorcière vivant au château. Si 610 noms ont été évoqués, les historiens estiment entre 100 et 200 le nombre réel de personnes tuées.
Les historiens regardent avec méfiance ces témoignages, conservés dans les archives de Hongrie, car ils ont été obtenus sous la torture ou menace de torture. Peu importe en 1612 et les quatre collaborateurs de la comtesse sont exécutés. Du fait de son appartenance à la noblesse, Elisabeth Báthory n’est pas condamnée à mort, mais est enfermée à vie dans une chambre murée de son château, sans lumière du soleil ni air du dehors. Elle ne peut communiquer avec le monde extérieur que par le biais d’une fente, qui lui permet d’être ravitaillée en eau et nourriture. Elle survit deux ans dans cette prison, avant de mourir en août 1614. Son patrimoine est alors incorporé en totalité à la couronne.
Les crimes sanglants imputés à la comtesse Báthory ont-ils réellement existé ? L’accusée n’a pas pu se défendre des faits qui lui étaient reprochés et aucun corps - parmi les 600 estimés - n’a été retrouvé. 300 ans plus tard, les historiens en doutent et notamment Miklos Molnar, spécialiste de la Hongrie, qui explique au milieu du XIXe siècle qu’il pourrait s’agir d’un coup monté pour mettre fin au pouvoir de la comtesse et récupérer sa fortune. Sa théorie est depuis défendue par d'autres historiens, qui apportent des nuances aux faits qui lui ont été reprochés. Mythe ou réalité, le nom d'Elisabeth Báthory est devenu légendaire, tout autant que les crimes qu’on lui impute.
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