Ces 11 Français victimes d’une terrible erreur judiciaire
Depuis l’affaire Dreyfus, les Français se passionnent pour les erreurs judiciaires. Elles montrent que même une institution aussi lourde que la Justice ne peut se targuer d’être parfaite, et que parfois, elle aboutit à tort à la condamnation d’un innocent, ou à la relaxe d’un vrai coupable.
De nombreuses affaires mettent en cause les ratés de la justice. On peut même supposer qu’à l’époque de la peine de mort, certains condamnés sont morts innocents. Mais rares sont les erreurs qui ont été démontrées, et démontées.
Des réhabilitations "exceptionnelles"
Tous les ans, la Cour de révision reçoit de nombreuses demandes d'annulation de condamnation dans des affaires criminelles et correctionnelles. Mais elle n'accèderait qu'à un maigre 1,6% de ces requêtes. Parmi les affaires célèbres qu'elle a rejetées ces dernières années, on retrouve notamment le cas Omar Raddad et celui de Dany Leprince. Mais il arrive que, dans certaines affaires criminelles, l'erreur judiciaire soit tellement évidente qu'une réhabilitation soit la seule option. Souvent, c'est grâce à la mobilisation des proches du condamné, ou après une contre-enquête minutieuse que ces affaires aboutissent.
Depuis 1945, la justice française a ainsi réhabilité « officiellement » (c’est-à-dire que la Cour de révision annule une condamnation) 11 Français. 11 personnes qui ont passé des mois, souvent des années, derrière les barreaux, accusés des pires crimes, alors qu’il n’en était rien. Nous vous proposons de revenir sur leurs histoires.
Christian Iacono
En 2009, Christian Iacono, le maire de Vence (Alpes-Maritimes) est condamné à 9 années de réclusion pour des viols qu’il aurait commis sur son petit-fils entre 1996 et 1999, alors que ce dernier était âgé de 5 à 8 ans. L’élu clame son innocence jusque derrière les barreaux. Mais qui croire dans cette affaire ?
En 2011, son petit-fils qui l’accusait revient sur ses propos. Il confie avoir « menti », influencé par son propre père qui était en conflit avec son grand-père. Christian Iacono est acquitté lors d’un procès en révision en 2014 et la cour de révision annule définitivement sa condamnation. Il aura passé 11 mois en prison.
Patrick Dils
C’est l’une des affaires les plus médiatiques de ces dernières années, celle de Patrick Dils, un jeune homme pris dans un terrible engrenage judiciaire.
En 1989, à Montigny-lès-Metz, Patrick Dils, 16 ans, est soupçonné du meurtre précédé de viols de deux garçons de son voisinage. Sous pression, ce garçon timide et maladroit avoue les faits en garde à vue. Il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité quelques années plus tard, à seulement 19 ans.
Mais en 1997, alors que l’enquête sur le tueur en série Francis Heaulme bat son plein, il est révélé que ce dernier se trouvait exactement à l’endroit du double meurtre pour lequel Dils a été condamné.
Il faudra pourtant trois recours pour que Patrick Dils soit véritablement innocenté. En 2001, la cour de révision annule sa condamnation, mais il n’est acquitté par la justice qu’en 2002. Lorsqu’il sort de prison, il a 31 ans et a passé près de la moitié de sa vie derrière les barreaux, où il a été victime de viols et de nombreuses agressions. Il sera indemnisé à hauteur d’1 million d’euros.
Roland Agret
En 1973, Roland Agret est condamné à 15 ans de réclusion sur la base de faux témoignages pour le meurtre d’un garagiste. Derrière les barreaux, il ne cesse de clamer son innocence. Il escalade le toit de la prison, fait une grève de la faim et se coupera même deux doigts pour se faire entendre. Et ça finit par marcher ; en 1980, il est libéré à la faveur d’une grâce présidentielle.
Mais Roland Agret veut aussi être définitivement blanchi. Il créée une association pour défendre les victimes d’erreurs judiciaires, et enchaîne les coups médiatiques. En 1985, il est finalement rejugé, et acquitté. Mais la justice refuse de l’indemniser. En 2006, il se tire une balle dans le pied pour protester, et finit par obtenir gain de cause. Il aurait perçu 500 000 euros, pour avoir passé au total 7 ans en prison.
Loïc Sécher
En 2000, une adolescente de 14 ans accuse Loïc Sécher, un ouvrier agricole de son village, de l’avoir violée. Trois ans plus tard, il est condamné à seize ans de réclusion.
Mais en 2008, son accusatrice se rétracte : elle a menti sur toute la ligne. Il sera finalement acquitté en révision en 2011, après avoir passé 7 ans derrière les barreaux. Loïc Sécher touchera près de 800 000 euros d’indemnités.
Il est décédé le 30 août 2021, à l’âge de 60 ans.
Kader Azzimani et Brahim El-Jabri
En 1997, Kader Azzimani et Brahim El-Jabri sont accusés du meurtre d’un jeune dealer à Lunel, sur la base de faux témoignages. En 2004, ils seront condamnés à 20 ans de réclusion criminelle.
Mais en 2011, l’affaire rebondit. Le témoin qui les avait accusés se rétracte, et une nouvelle expertise des traces ADN met en cause un autre suspect. Deux hommes sont finalement inculpés et condamnés en 2013.
Kader Azzimani et Brahim El-Jabri demandent alors une révision de leur procès et ils sont finalement acquittés. Mais il faudra attendre 2016 pour que la justice leur accorde une indemnisation, pour avoir passé respectivement 12 et 13 ans derrière les barreaux.
Jean Deshays
A la fin des années 40, Jean Deshays, un docker de Nantes, est accusé d’avoir assassiné un fermier. Il est condamné à 20 ans de travaux forcés en 1949, échappant de peu à la peine capitale.
En 1952, les véritables auteurs du crime sont démasqués, et condamnés à leur tour deux ans plus tard. Jean Deshays, le « bagnard innocent », est alors rejugé en 1955. Il est acquitté et bénéficie d’une indemnisation de 5 millions de francs, après quarante-six mois de prison, dont vingt-huit de travaux forcés.
Guy Mauvillain
En 1975, Guy Mauvillain est accusé du meurtre d’une vieille dame à la Rochelle, sur la seule base des dernières paroles de la victime.
Mais son entourage se bat pour sa réhabilitation, et il obtient la tenue d’un procès en révision en 1985, au terme duquel il est finalement acquitté. Il reçoit 400 000 francs en guise de dédommagement pour avoir été emprisonné à tort pendant six années.