Les étrangers sont-ils plus délinquants que les Français ?
Sujet hautement polémique, surtout en période électorale, la délinquance des étrangers peut être chiffrée. Encore faut-il savoir les interpréter.
Sommaire

"Il y a un taux de délinquance parmi la population étrangère qui est entre deux et trois fois supérieur à la moyenne". C'était mardi 10 janvier 2012 sur RMC-BFMTV. Interrogé sur les chiffres de l'immigration, le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, ne manquait pas d'établir un lien entre ceux-ci et la délinquance.Au-delà des considérations sur l'utilisation de cet argument à la veille d'une échéance électorale, il convient de se demander quelle part de vérité contiennent les affirmations du ministre.

1. Comment apprécier la délinquance des étrangers ?

En comparant leur poids dans la population française et leur implication dans les infractions commises sur le territoire national. Si le second pourcentage est supérieur au premier, les étrangers sont plus délinquants que les Français.

2. Combien y a-t-il d'étrangers en France ?

Le dernier chiffre officiel, celui de l'Insee, remonte à 2008. Il y avait à l'époque, en France, 3,7 millions d'étrangers, ce qui représente environ 6 % de la population du pays (1). Le nombre de clandestins (entre 200 000 et 400 000 selon les estimations) influe de façon très marginale sur ce pourcentage. 

3. Premier indicateur : les étrangers "mis en cause" par les services de police et de gendarmerie

Un "mis en cause" est une personne contre qui les enquêteurs ont réuni des charges qu'ils estiment suffisamment sérieuses pour que son identité soit transmise au parquet (c'est-à-dire au Procureur de la République) dans le cadre d'une procédure. En gros, c'est la personne que les gendarmes ou les policiers considèrent coupable de l'infraction.Chaque année, les services de police et de gendarmerie dressent un tableau de leur activité. Connu sous le nom d’état 4001, ce récapitulatif distingue les mis en cause selon leur nationalité et la catégorie d'infraction pour laquelle ils ont été signalés à la justice.C'est sur cette statistique que Claude Guéant fonde ses affirmations.Afin d'avoir une meilleure appréhension de la délinquance, l'état 4001 ne prend pas en compte :    les infractions à la législation sur les étrangers (catégorie, où, par définition, les étrangers constituent l'essentiel des mis en cause)    les infractions routières dont l'intentionnalité n'est pas aussi marquée que celle, par exemple, des atteintes aux biens ou aux personnes (on ne commet pas un excès de vitesse ou l'on ne conduit pas sous l'emprise de stupéfiants pour nuire délibérément à autrui).Que dit l’État 4001 pour 2010 ? Ceci : un million cinquante mille personnes ont été mises en cause. Ce chiffre se décompose comme suit :    916 231 Français     137 000 étrangers soit 13% des mis en cause.Autrement dit, 13 % des crimes et délits (hors circulation routière et législation des étrangers) sont imputés à des étrangers alors que ceux-ci ne représentent que 6 % de la population française. 

4. Les limites des statistiques

Les statistiques sur les mis en cause ne sont pas le meilleur moyen de mesurer la délinquance étrangère. Pour quatre raisons :    les auteurs d'une part non négligeable d'infractions restent inconnus des services de police et de gendarmerie. Les affaires concernées ne sont pas élucidées.    le parquet ne poursuit pas systématiquement les personnes mises en cause par la police ou la gendarmerie. Soit parce que les preuves sont insuffisantes, soit parce que la procédure n'a pas été bien respectée.     les personnes poursuivies en justice ne sont pas forcément condamnées.    enfin, le ciblage d'un certain nombre d'infractions par le ministère de l'intérieur rejaillit nécessairement sur le nombre de mis en cause. Si, par exemple, l'on décide d'interpeller en priorité des petits dealers, on retrouvera en fin d'année un nombre plus élevé de mis en cause pour détention de stupéfiants.On préférera donc un autre indicateur, plus fiable car il a pour lui l'autorité de la chose jugée : le tableau des condamnations prononcées par les tribunaux.En revanche, ce dernier présente un inconvénient : les faits jugés ont été commis parfois plusieurs années auparavant. A la différence de l’état 4001 qui permet d'observer des variations d'une année sur l'autre, le tableau des condamnations indique une tendance générale sur plusieurs années. Plus fidèle, il est paradoxalement moins précis. 

5. Les étrangers condamnés par la justice

626 052 condamnations ont été prononcées par la justice en 2010   >  516 396 Français ont été condamnés   >  79 829 étrangers ont été condamnés Les étrangers représentent donc 12,7 % des condamnés alors qu'ils constituent 6 % de la population.Si l'on retire les condamnations prononcées pour les infractions à la législation sur les étrangers (catégorie dans laquelle ces derniers sont forcément surreprésentés), ce pourcentage tombe à 12,20 %.Enfin, si l'on soustrait également les infractions liées à la circulation routière, le pourcentage des étrangers condamnés remonte à 13,44 %. 

6. Comment apprécier ces statistiques ?

Non, les étrangers n'ont pas de gène particulier qui les prédisposerait à davantage basculer dans la délinquance que les Français.Cette surreprésentation s'explique, pour partie, par la précarité de leurs conditions d'existence. Entrés légalement, certains sont devenus illégaux, une fois leur titre de séjour expiré. D'autres sont venus chercher dans notre pays, sans y être autorisés, un eldorado qu'ils n'ont pas trouvé.À preuve, par exemple, leur surreprésentation dans ce qu'on appelle la délinquance de pauvre : les vols et recels (14,94 %) et surtout le travail illégal (31,79 %) - qui ne représente pourtant que 1,83% des infractions commises par les étrangers.Ce n'est certainement pas une excuse et cela ne rend pas cette délinquance plus supportable. Mais c'est une explication dont on doit tenir compte.(1) Ce chiffre variant peu d'une année sur l'autre, il peut être retenu pour établir des comparaisons sur l'année 2010, année sur laquelle portent l'ensemble des statistiques qui sont utilisées dans cet article. 

par Serge Faubert

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