Censure RATP : le film « Sacré Cœur » refusé au nom de la neutralité, l’héritage français en question
Prévu pour octobre 2025, le film Sacré Cœur se voit donc privé d'affichage dans le métro. MediaTransports a justifié sa décision en invoquant le "caractère confessionnel et prosélyte" de la campagne, la jugeant incompatible avec le "principe de neutralité du service public". Le refus de l'affiche du film Sacré Cœur, qui porte sur ce patrimoine historique, a été immédiatement contesté par la production. Le réalisateur, Steven Gunnell, dénonce une vision réductrice, arguant que le sujet – les apparitions du Christ à sainte Marguerite-Marie Alacoque – relève d’une dimension historique : "c'est le patrimoine français, c'est l'Histoire de France, au même titre que Saint Louis, Jeanne d'Arc". Pour certains observateurs, ce refus sonne comme un "aveu de renoncement de la France à son propre héritage".
Une neutralité à géométrie variable
La décision de la régie publicitaire s'ancre dans un cadre légal strict, notamment renforcé par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, dite "loi séparatisme". Les conditions générales de vente de MediaTransports interdisent d’ailleurs toute publicité de nature "politique, religieuse, syndicale ou philosophique". Les conséquences de la loi séparatisme sur la publicité rendent donc l'interprétation de ce qui est culturel ou cultuel particulièrement sensible.
Pourtant, cette application stricte interroge quand on observe les nombreux précédents. Le réalisateur Steven Gunnell résume l'incohérence perçue en une phrase rapportée par Boulevard Voltaire : "La Nonne, L’Exorciste, Conjuring, oui ; Jésus non". L'acceptation d'affiches pour des films d'horreur utilisant abondamment l'imagerie religieuse alimente le soupçon d'un double standard. La question se pose donc de savoir quels sont les critères de censure de MediaTransports pour la publicité religieuse. La différence entre culture et prosélytisme à la RATP semble difficile à établir, faisant de chaque cas une potentielle source de controverse. Cette affaire met en lumière une neutralité de la RATP qui crée une fracture idéologique sur la question des racines culturelles du pays.
La justice, arbitre de la bataille culturelle
Ce n'est pas la première fois que l'interdiction de messages chrétiens dans les transports publics suscite le débat. En 2015, une affiche pour le concert Les Prêtres avait été initialement refusée pour la mention "au bénéfice des chrétiens d’Orient". Elle fut finalement acceptée après modification du texte en "au profit de l'association L'Œuvre d'Orient", démontrant que le refus porte moins sur le symbole que sur l'intention jugée "militante".
Face à ces décisions, la justice est de plus en plus souvent sollicitée. En 2020, la contestation en justice d'une décision de censure de la RATP concernant l'association Alliance Vita avait abouti. Le tribunal avait ordonné le réaffichage des visuels, jugeant le retrait abusif et exposant la régie à un risque de "refus de vente". Ces polémiques successives montrent la difficulté de MediaTransports à tracer une ligne claire, la plaçant malgré elle au cœur d'une bataille culturelle sur la visibilité des convictions et de l'héritage historique dans l'espace public français.