Le haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye rejette l'idée de généraliser le nouveau régime de retraites aux seuls nouveaux travailleurs et entend en préserver l'universalité. Jean-Paul Delevoye se justifie dans un entretien accordé au Parisien.
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"Ceux qui sont favorisés par le système actuel doivent accepter un effort deredistribution", a d'abord déclaré Jean-Paul Delevoye à propos de la réforme des retraites. Dans les colonnes du Parisien, à qui il accorde une longue interview, il a insisté sur sa volonté d'appliquer un système universel par points.

L'homme politique assure qu'il est "impossible" de généraliser le nouveau régime uniquement aux nouveaux entrants sur le marché de l'emploi. Selon lui, si cette "clause du grand-père" était appliquée de façon générale, cela reviendrait à créer un quarante-troisième régime... Ce qu'il juge "impossible".

D'autant plus que, si cette condition devient effective pour une seule profession, il faudra la rendre accessible à tous les corps de métier. Ce qui équivaut, explique-t-il, à renoncer à la réforme des retraites que les parlementaires doivent voter en juin 2020. C'est là l'objectif sur lequel il ne compte pas transiger : l'universalité du nouveau modèle de solidarités intergénérationnelles.

"Je porte un projet de société qui concerne les 30 à 40 prochaines années"

Le haut-commissaire l'a dit : il est cependant prêt à ménager du temps avant la mise en application de la réforme des retraites. Un retard ne constitue pas un problème, quand bien même il estime que certains changements auraient du être faits dès le début du quinquennat d'Emmanuel Macron.

"Pour une réforme classique de recul de l'âge de départ ou d'allongement de la durée de cotisation, j'aurais été le premier à dire qu'il fallait la faire tout de suite et en six mois", juge-t-il pour Le Parisien. Quand les journalistes du quotidien le questionnent sur le calendrier, il nuance : "Là, la logique politique consistant à dire je décide et vous obéissez car j'ai la majorité et donc la légitimité, n'est pas du tout adaptée à un tel projet de société".

Attention, cependant : à ses yeux, "un projet aussi ambitieux ne souffre aucune interrogation de contingences électorales"... Un message clair envoyé à l'exécutif qui craint une vaste contestation sociale.

"Nous devons aller vers un régime universel", explique Jean-Paul Delevoye

S'adressant aux syndicats des entreprises publiques (RATP, SNCF, EDF) dont les salariés bénéficient d'un régime spécial des retraites, il explique qu' "il est faux de dire que les retraites font partie du statut". 

Jean-Paul Delevoye ajoute aussi que dans un régime universel où les règles sont les mêmes pour tous, il n'est pas logique de garder des systèmes qui permettent à des personnes faisant le même métier de partir à la retraite, à des âges différents.

"Les cheminots et ceux qui bénéficient du système actuel savent qu'une évolution est nécessaire vis-à-vis des générations futures. Il ne s'agit pas de les agresser, mais de dire à ceux qui bénéficient de ces 42 régimes que nous devons aller vers un régime universel si nous voulons éviter que notre société se déchire", argumente-t-il.

"Je porte un projet d'espérance", assure le haut commissaire

Pour le haut-commissaire aux retraites, ce nouveau modèle de retraites est "un projet d'espérance". "Je note que l'opinion adhère au fait que nous proposons un système qui sera plus redistributif, plus favorable aux femmes, plus favorable aux carrières heurtées et courtes. Celles et ceux qui sont favorisés par le système actuel doivent accepter un effort de redistribution", indique-t-il au micro du Parisien.

Il évoque, à propos de la grève prévue pour le 5 décembre 2019, une "crispation catégorielle". "Si elle vise à s'opposer au régime universel, je ne l'entends pas. Cela voudrait dire que les intérêts corporatistes et la capacité de nuisance l'emportent sur l'intérêt supérieur du pays. C'est ma position personnelle. Après, c'est au Premier ministre d'arbitrer", s'agace-t-il, non estimer que la France pourrait devenir "une espèce d'archipel d'intérêts catégoriels.

"Les corporatismes sont aujourd'hui un facteur de fragmentation de la société française", déplore-t-il.