Remaniement : pourquoi le premier Conseil des ministres de l'année a-t-il été annulé ?

Publié par Pierre-Antoine Martel
le 02/01/2024
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L'Élysée a annoncé ce dimanche 31 décembre le report du Conseil des ministres prévu le 3 janvier à la semaine suivante. De quoi relancer à nouveau les rumeurs sur un possible remaniement en ce début d'année. Qu'en est-il ?

Les jours de la Première ministre à Matignon sont-ils réellement comptés ? Les signes avant-coureurs, ces derniers mois, laissent désormais peu de place au doute sur un départ programmé d'Elisabeth Borne.

Le dernier en date et pas des moindres : l'annulation du Conseil des ministres de ce mercredi 3 janvier sans raison apparente, ou en tout cas sans explication officielle, rapporte un article de La Dépêche du Midi.

Le chef d'Etat tenté d'accélérer le remaniement ?

D'autant que le Conseil des ministres de rentrée, est l'évènement de début d'année au cours duquel le gouvernement présente traditionnellement ses vœux au chef de l'Etat pour la nouvelle année.

Et depuis les spéculations vont bon train sur cette annulation surprise. Pourquoi le Conseil des ministres a-t-il donc été reporté à la semaine suivante ? Depuis la nouvelle, communiquée par l'Elysée ce dimanche 31 décembre, des rumeurs de remaniement sont reparties.

A en croire la position officielle du gouvernement : "rien à prévoir de ce côté là". Matignon et l'Elysée ne donnent en effet aucune raison à cette annulation et estiment qu'il ne faut pas la "surinterpréter", rapporte les Echos. 

Et les deux se plaisent ainsi à rappeler que la vraie rentrée aura lieu la semaine du 8 janvier. " En bon maître des horloges, comme il aime se décrire, Emmanuel Macron ménage le suspens.", analyse également La Dépêche du Midi. Ce qui vient, dans tous les cas, rajouter une pièce dans la machine à rumeurs de remaniement.

La vraie question est de savoir si Emmanuel Macron, qui a affiché sa "détermination" lors de ses voeux, peut continuer avec des ministres qui émettent des doutes sur une loi emblématique votée fin 2023, pointe Les Echos.

Depuis Brégançon, dans le Var, où il a passé la fin de l'année, Emmanuel Macron a réfléchi à cet " après" loi immigration. Sa réflexion inclut la composition de sa nouvelle équipe gouvernementale, avant une année 2024 chargée, avec, outre les élections européennes, les Jeux Olympiques de Paris où encore les célébrations du 80e anniversaire du débarquement en Normandie et la réouverture de Notre-Dame de Paris en décembre.

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Autant de sujets en suspens face auxquels, le chef de l'Etat pourrait être tenté d'accélérer le calendrier de ce remaniement. Qui ferait partie du futur casting, qui en serait exclu? 

Des remerciements à la Première ministre ont pu aussi sonner comme un "au revoir"

Pour commencer, quid de la Première ministre, Élisabeth Borne, dont un éventuel départ alimente les débats depuis des mois déjà? 

" On entre dans une sorte de zone grise ", note un conseiller pour les Echos. C'est-à-dire que le président de la République ne laisse rien entrevoir de ses intentions, à commencer par le sort qu'il entend réserver à sa Première ministre et le calendrier de son remaniement.

Si la cheffe du gouvernement a "appliqué la feuille de route" qui lui était fixée, elle apparaît "un peu à bout de souffle" après une "année lourde", marquée par la loi immigration ou la réforme des retraites, analyse Matthieu Croissandeau, éditorialiste politique pour BFMTV.

Emmanuel Macron l'a "tout particulièrement" remerciée lors de ses vœux aux Français. Mais, faut-il y voir un signe de soutien pour autant? Matthieu Croissandeau relève les "deux sens" du mot "remercier", qui peut également consister à congédier quelqu'un.

S'il n'a fait aucune allusion à la question lors de ses voeux, les remerciements appuyés adressés à Elisabeth Borne, qu'il n'a pas nommée, ont pu aussi sonner comme un "au revoir". "Cela me rappelle les remerciements adressés à Edouard Philippe après la crise du Covid", se remémore un témoin de l'époque.

"Les plus taquins rappelleront que les compliments d'un jour ne sont pas une assurance pour toujours", souligne-t-il ensuite. Exemple: ces propos du chef de l'État, le 2 juillet 2020, au sujet de son Premier ministre d'alors, Édouard Philippe: "Nous avons une relation de confiance qui est d'un certain point de vue unique à l'échelle de la Ve République." Le lendemain, l'actuel maire du Havre et patron d'Horizons quitte le gouvernement. Autre cas d'école, pour tenter de décrypter les jeux de langage présidentiel: Pap Ndiaye, soutenu par Emmanuel Macron en Conseil des ministres le 13 juillet 2023, avant de faire les frais du remaniement intervenu une semaine plus tard.

Mis à part Élisabeth Borne, voici les autres ministres sur la sellette.

Quels ministres pourraient quitter le gouvernement?

Mis à part Élisabeth Borne, les cas de certains ministres, comme Agnès Firmin-Le Bodo et Olivier Dussopt interrogent. La première a été nommée ministre de la Santé par intérim le 20 décembre après le départ d'Aurélien Rousseau en réaction à l'adoption de la loi immigration.

Hormis le ministre de la Santé plusieurs autres, comme Clément Beaune (Transports), Roland Lescure (Industrie), Patrice Vergriete (Logement) ou Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur), ont fait part de leurs doutes. Sylvie Retailleau a même présenté sa démission, mais elle a été refusée.

Mais cette membre d'Horizons est déjà fragilisée, après que Mediapart a révélé qu'elle est est visée par une enquête judiciaire pour avoir reçu, en tant que pharmacienne, des cadeaux "sans les déclarer" des laboratoires Urgo, pour une valeur estimée à 20.000 euros.

Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, fait quant à lui l'objet d'une enquête pour des faits de favoritisme du temps de ses fonctions de député-maire à Annonay (Ardèche). Son sort doit être tranché par la justice le 17 janvier, ce qui pourrait donner une fenêtre de tir au remaniement.

Enfin, il y a ces ministres qui ont menacé de démissionner en cas d'adoption de la loi immigration - largement durcie avec la droite en commission mixte paritaire - sans aller au bout de leur démarche. Parmi eux, on compte notamment Clément Beaune, ministre des Transports.

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