Un travailleur du sexe se confie sur ses clientes et son métierIstock
Sacha, prostitué de 48 ans, a partagé dans une longue interview au Monde des éléments de son quotidien, et défendu une vision du corps et du désir féminin. En voici quelques éléments éclairants.
Sommaire

“C’est le seul métier où les hommes gagnent moins que les femmes”, déclare Sacha. A 48 ans, ce prostitué qui témoigne de façon anonyme dans Le Monde, raconte le quotidien parfois banal, parfois beaucoup moins, d’un métier qui l’est beaucoup moins : celui de travailleur du sexe. 

A travers son témoignage transparaît surtout l’i nhibition des désirs féminins dans un système social qui bride encore pour nombre de femmes l’expression d’une sexualité libre et épanouie. Aussi c’est comme une “sorte d’assistante sociale” dont le travail est l’expression d’un “engagement social et militant”, qu’il se présente. 

Son parcours : “dans le catalogue, j’étais ‘Richard Gere’ 

Au cours de ce témoignage, Sacha raconte comment, las d’une carrière de “technicien supérieur en écologie” et après un burn out, il a progressivement utilisé son corps pour gagner sa vie. Déjà à l’aise avec la nudité, et adepte de pratiques sexuelles diverses telles que le bondage et le sadomasochisme, il est un jour invité par une amie à effectuer un strip-tease lors d’une soirée. Il se fait plus tard embaucher comme escort par une agence qui facture officiellement pour des prestations d’accompagnement au théâtre, au cinéma, en soirée.... Celle-ci a une particularité : elle donne à ses escorts des noms d’acteurs célèbres. “Dans le catalogue, j’étais ’Richard Gere’”, relate ainsi Sacha. 

Il raconte avoir subi le “syndrome de l’imposteur”: “comment me dire « Je mérite qu’on me paye pour ça » ? Et puis j’ai compris que mes pratiques sont variées, que ça me permet d’englober beaucoup de demandes. Je ne vends pas mon corps, je vends une prestation”, assure-t-il. 

Une “prestation” sexuelle tarifée

Sur cette fameuse “prestation”, celui qui se définit comme un “sexothérapute” livre aussi des détails. Contacté grâce à sa page Facebook, sa seule vitrine, Sacha commence par d iscuter avec ses clientes potentielles par messagerie afin d’en apprendre plus sur leurs désirs, leurs fantasmes, leurs craintes éventuelles. 

Avec les plus motivées (2o à 30% de ses interlocutrices ne vont pas plus loin que les échanges épistolaires), il organise ensuite la rencontre. Il emprunte alors les codes des adeptes BDSM (bondage, domination, sadomasochisme) : vérification systématique et régulière du consentement, choix d’un mot de passe permettant de mettre fin aux rapports (“safeword”), choix de codes couleur pour signaler ce qui plaît… ou ce qui dérange. 

Un Smic par mois

Il organise ainsi “un à quatre rendez-vous par semaine”, plutôt en soirée et parfois toute une nuit.  "Mes clientes prennent rendez-vous un mois à l'avance, glisse-t-il, et certaines auraient leurs jours de prédilection : “Les institutrices ont souvent leur mercredi !” 

Il assure pratiquer un “tarif dégressif en fonction du nombre d’heures”, le montant étant payé en liquide. Ses recettes ne lui rapporteraient que l’équivalent d’un Smic mensuel.  Non déclarées, elles ne seraient donc pas soumises à l’impôt ni aux cotisations et n’entrent donc pas dans le calcul de sa retraite. 

Le profil des clientes

Il livre en outre un profil type de sa clientèle, qu’il hésite à appeler “patientèle”, composé de de femmes âgées de plus de 45 ans pour la plupart et issues de milieux divers, et plutôt aisées : “elles travaillent dans la banque, l’assurance, et même la politique !”  sollicitent pour des raisons variées allant des difficultés sexuelles aux besoins de réappropriation de leur corps.

Certaines sont des “fidèles” qui le fréquentent plusieurs fois par mois ou qu’il a “accompagnées”, pendant plusieurs années. Ce sont elles qui prennent des risques sur le plan péna l. “Mais la loi étant faite par et pour les hommes, aucune de mes clientes n’a jamais été inquiétée”, assure-t-il. 

Un discours féministe

“La pression sociale e mprisonne encore beaucoup les femmes dans une approche de la sexualité où elles ne doivent être que désirables, donc passives”, pointe le témoin. Ce dernier dit chercher à ce qu’elles se confient, qu’elles expriment ainsi leurs “fantasmes les plus inavouables”, et s’épanouissent. Avec des limites bien sûr : il aurait ainsi refusé de reconstituer un viol à la demande d’une cliente.

Sacha vante surtout les effets bénéfiques du plaisir sexuel pour le moral, sans insister sur ses bienfaits physiologiques, par ailleurs avérés. Au-delà de ces considérations, il estime que son approche permet d’une certaine manière de réconcilier les femmes qu’il rencontre avec leur corps, leurs désirs, leur sensualité. “Elles ont sous les yeux un exercice de style de sexualité non toxique”, clame-t-il, arguant qu’à l’occasion d’un moment en sa compagnie “elles auront eu l’expérience d’un pénis bienveillant, pas phallocrate ni égoïste. “