Seconde guerre mondiale : obus, bombes, armes... ce que les traces archéologiques peuvent encore révélerIstock
Des armes et munitions de la Seconde guerre mondiale sont encore présentes en grande quantité dans les sols de France. Des témoignages du passé à prendre précaution et qui ont encore beaucoup à nous révéler, comme le détaille Vincent Carpentier, archéologue, interrogé par Planet.
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Hautes-Alpes, Charente-Maritime, Drôme… des obus, bombes et autres munitions datant de la Seconde guerre mondiale font régulièrement l’objet d’opérations de déminage, même huit décennies après l’Armistice de mai 1945. 

“Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Il reste encore 3 siècles de matériel de ce type selon les démineurs”, pointe Vincent Carpentier, archéologue à l’Institut national de recherche archéologique préventive (Inrap) et membre du centre Michel de Boüard (CNRS-université de Caen).

“Les millions de mines” du Mur de l’Atlantique

L’enseignant chercheur interrogé pour Planet.fr met en garde le public contre des trouvailles datant de cette époque. “C’est un héritage empoisonné, car nombre de ces obus mais aussi ces éléments d’artillerie, ces bombes, ces mines” datant de la Seconde mais aussi de la Première guerre mondiale, composés d’éléments chimiques, peuvent encore blesser ou tuer. 

“En Normandie, notamment près de Caen, les bombardements ont atteint des niveaux jamais atteints dans l’histoire de l’humanité”, rappelle-t-il. A cela s’ajoutent les “millions de mines posées” pour protéger le Mur de l’Atlantique, la fortification allemande renforcée par Edwin Rommel à la fin du conflit, qui de la Finlande à l’Espagne était censée protéger le Reich et ses territoires conquis. 

A cela s’ajoute le fait que les munitions produites à la fin de la guerre se révélaient souvent défectueux, faute de contrôle qualité; D’où les récits de soldats évoquant des bombes tombées sans exploser, et que l’on retrouve parfois à l’occasion d’un chantier de rénovation, ou bien en cas de fouilles préventives. 

Des précautions à prendre

“Il n’y a pas une année sans que l’on tombe sur des pièces d’artillerie, des munitions etc”, explique le chercheur qui exerce depuis une trentaine d’années. ““En tant qu’archéologues, nous sommes formés à les identifier, mais il y a toujours des mesures de sécurité qui s”imposent”, rappelle Vincent Carpentier. En cas de découverte dans votre jardin,un garage ou un grenier, il ne faut surtout pas toucher l’objet en question, et prévenir la police ou la gendarmerie qui se chargera de contacter les services de la préfecture chargés du déminage. 

Bombes et autres grenades ne sont pas les seuls vestiges de la guerre potentiellement dangereux. Sur l’une des plages du Débarquement, raconte l’archéologue, un monsieur a trouvé un bloc rose sur la plage, c’était un pain de phosphore qui servait à ‘coder’ les plages. Il en a mis dans ses poches et sur ces mains. Or, cela devient actif au contact de l’air, il a subi quelques brûlures”. Les situations peuvent se révéler bien plus tragiques, comme cette personne décédée après avoir jeté au feu un sac de munitions datant de la Seconde guerre mondiale.  

Le succès des “militaria”

Loin d’être rares, ce type de découverte attire aussi bon nombre d’amateurs d’histoire voire des collectionneurs, adeptes de trafics plus ou moins légaux. “Des gens croient savoir, mais ils sont plus ou moins bien informés en réalité”, souligne l’archéologue. Le déplacement d’objets historiques peut en outre perturber les travaux des chercheurs qui, pour dater ce qu’ils trouvent, ont besoin de connaître le contexte dans lequel ils ont été retrouvés. 

Et ce contexte n’a rien d’anodin. C’est ainsi qu’en étudiant les théâtre d’opérations de la Seconde guerre mondiale, Vincent Carpentier ainsi que ses confrères et consoeurs participent à démystifier une certaine “vision de la guerre”, héritée notamment des films hollywoodiens. De quoi mieux comprendre les comportements des soldats pendant la guerre pour les replacer dans leur contexte. 

Une archéologie des poubelles

C’est ainsi une “archéologie des poubelles” qui a permis de mieux appréhender les phénomènes d’alcoolisme chez les militaires. “Les Américains sortaient de la prohibition, ils supportaient moins bien l’alcool que les Britanniques ou les Belges. Aussi quand ils sont tombé sur le calvados, cela a été une catastrophe”, détaille le scientifique. Cette situation a contribué à expliquer les vagues de violences, notamment sexuelles, perpétrées en Normandie. “Nous ne refaisons pas l’histoire du conflit, elle est déjà écrite. Nous venons l’enrichir”, conclut l’archéologue.