Succession : gare aux donations effectuées dans la précipitation IllustrationIstock
INTERVIEW. Les donations peuvent être lourdes de conséquences. Pour Planet, Maître Hadrien-François Willaume, notaire à Paris, a décrypté les dangers d'une donation trop précipitée.
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Les donations ne doivent pas être prises à la légère. Étant irrévocables - ou presque - il est important de réfléchir aux conséquences avant de se lancer. Pour Planet, Maître Hadrien-François Willaume, notaire à Paris, a évalué les risques d'une donation effectuée dans la précipitation. Il apporte également ses conseils sur la manière de préparer et de faire une donation. En qualité de notaire, il est chargé de constater le consentement libre et éclairé des parties. Il a également un rôle de conseil juridique. Comme Maître Hadrien-François Willaume ne manquera pas de le rappeler, il est nécessaire de vous rapprocher de votre notaire avant de faire une donation. 

Succession : en quoi consiste une donation ? 

Planet. Qu'est-ce qu'une donation ?

Maître Hadrien-François Willaume. Le code civil définit la donation comme  un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte.  Cet acte entraine le transfert de propriété d'un bien et est caractérisé par l'appauvrissement de celui qui donne et un enrichissement de celui qui reçoit. Il a un caractère définitif et est irrévocable sauf cas très particuliers. La donation peut être faite en pleine propriété ou en nue-propriété et peut concerner la totalité d'un bien ou seulement une quote-part de ce dernier.

Planet. Quels sont les biens concernés ?

Maître Hadrien-François Willaume. Tout bien mobilier ou immobilier peut faire l'objet d'une donation. Si une donation de somme d'argent ou mobilière n'entraine pas obligatoirement l'intervention d'un notaire (une simple déclaration auprès des impôts peut suffire), elle doit obligatoirement être établie devant notaire dès lors qu'elle concerne un bien immobilier soumis à publicité foncière.

Maintenant que vous savez précisément ce que vous vous apprêtez à donner - ou à recevoir -, voici pourquoi vous devez prendre votre temps...

Succession : intérêts de chaque partie, inégalités au sein de la famille... Les risques d'une donation précipitée

Planet. Quels sont les risques d'une donation effectuée dans la précipitation ?

Maître Hadrien-François Willaume. Il convient de s'assurer de l'intérêt de chaque partie et du souhait réel du donateur. Il faut vérifier notamment que le donateur ne perd pas ses moyens de subsistance et qu'il ne se trouve pas ensuite démuni. Toute donation peut aussi avoir des effets d'un point de vue fiscal : impact au niveau de l'impôt sur la fortune immobilière, sur l'impôt sur le revenu...

Il est important de connaitre la fiscalité s'appliquant à la donation. Afin d'optimiser fiscalement la transmission, il est préférable de prendre conseil auprès de son notaire pour utiliser toutes les possibilités offertes par le législateur. Par exemple, l'article 790G du Code général des impôt offre un abattement supplémentaire de 31.865 € qui s'ajoute à l'abattement légal en cas de donation de somme d'argent consentie par toute personne âgée de moins de 80 ans à chacune des personnes suivantes à conditions qu'elle soit majeure : enfant,  petit enfant ou, à défaut d'une telle descendance, neveu et nièce, petit neveu et petite nièce...

Prévoir que les frais de la donation seront supportés par le donateur peut aussi être avantageux dans la mesure où, par tolérance, l'administration fiscale ne considère pas cette prise en charge comme une donation supplémentaire.

Le risque majeur d'une donation effectuée dans la précipitation est de créer des inégalités au sein d'une fratrie ou de la famille alors que tel n'était pas le souhait initial. Une attention toute particulière doit être apportée dans l'hypothèse d'une famille recomposée. Insuffisamment préparée, la donation peut aussi être remise en cause lors du décès du donateur. Il est nécessaire de privilégier les donations-partages en cas de pluralité d'enfants et de connaitre le risque de réévaluation/rapport des biens en cas de donations simples accordées un ou plusieurs héritiers.

Vous l'aurez compris : faire une donation n'est pas anodin. Il est extrêmement important de préciser que cet acte est irrévocable, à quelques exceptions près...

Succession : peut-on annuler une donation ? 

Planet. Peut-on annuler une donation ?

Maître Hadrien-François Willaume. Il extrêmement rare d'obtenir l'annulation d'une donation du vivant du donateur. Cela est encadré formellement par la loi, il s'agit des causes suivantes :

  • Ingratitude vis-à-vis du donateur (par exemple si le donataire attente à la vie du donateur)
  • Non-exécution des éventuelles conditions imposées au donataire dans l'acte
  • Survenance d'enfant (à condition que cette cause soit prévue dans l'acte)

Une donation peut être aussi remise en cause lors du décès du donateur mais seulement en cas d'atteinte à la réserve des héritiers. Il faut rappeler qu'en droit français, les enfants bénéficient d'une part irréductible du patrimoine de leur parents appelée réserve héréditaire. Dès lors, il convient aux héritiers lésés de prouver que la donation en question porte atteinte à leur réserve héréditaire  et de faire une demande d'action en réduction. S'il est fait droit à leur demande, le donataire devra dédommager les héritiers afin que ceux-ci obtiennent l'intégralité de leur part de réserve.

Planet. Quels conseils donneriez-vous à une personne avant qu'elle ne fasse une donation ?

Maître Hadrien-François Willaume. N'attendez pas pour consulter votre notaire ! Dès le projet de donation envisagé, il faut aller le rencontrer afin d'être informé de toutes les conséquences engendrées par cet acte dans un futur proche et au moment du décès.