Réforme des retraites : que prévoit le nouveau plan d’Emmanuel Macron ?AFP
Le projet de loi adopté en mars à l'Assemblée, puis écarté durant la crise sanitaire, va être fortement amendé. "La mère des réformes", qui promet de créer un régime universel, pourrait être mise en œuvre en 2022.
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Ecartée un laps de temps, mais pas enterrée. Laissée de côté durant le confinement, la réforme des retraites, adopté le 4 mars en première lecture à l’Assemblée grâce à l’article 49.3, après 3 mois de grève, est à nouveau en pourparlers. En cause notamment, le déficit colossal du système, qui a explosé en 6 mois (+25 milliards) sur les -29,4 milliards d'euros en fin d'année, toutes catégories confondues, attendus à la fin de l’année, selon la dernière estimation du Conseil d’orientation des retraites (COR). Emmanuel Macron doit donc agir vite, sans toutefois prendre le risque de provoquer une nouvelle fronde sociale.

"Il ne peut pas faire la même réforme, mal fichue, mal pensée, incomprise des Français. Il faut se donner du temps, augmenter l’âge légal de départ et expliquer pourquoi", estime Éric Woerth, président LR de la commission des finances dans les colonnes du Figaro.

Retraites : l’âge légal repoussé de deux ans ?

"Jamais, jusqu’ici, les pensions des Français n’ont été mises en péril, mais la question peut se poser aujourd’hui alors qu’il faut débourser chaque année plus de 300 milliards pour payer les retraites dans un État surendetté, avec des entreprises surendettées et une vague de chômage sans précédent", indique l’ancien ministre du Travail au quotidien économique. "Si on ne veut pas baisser les pensions, il va falloir relever l’âge légal, et très vite. Plus on attend, plus ce sera dur."

Or, lors de la campagne présidentielle de 2017, Emmanuel Macron, alors candidat, avait promis de ne pas relever l’âge légal. Si la mesure de l’âge permet de rapporter de l’argent à court terme, le chef de l’Etat devra alors tenir son engagement. De quelle manière va-t-il alors orienter son plan post-coronavirus ?

Réforme des retraites : des modalités plus souples ?

Selon Raymond Soubie, conseiller social de Nicolas Sarkozy, qui a fait partie de la réforme de 2010, il convient de "réenclencher le projet de loi en le focalisant sur le futur, en étant ferme sur l’objectif et souple sur les modalités. Il peut faire voter un texte fixant le cadre général et se donner de la flexibilité sur le chemin pour y parvenir, en renvoyant les sujets qui fâchent à des concertations. Comme au golf, il renvoie la balle plus loin".

 Comme nous l’indiquait récemment l’économiste Philippe Crevel, "la nouvelle stratégie pourrait se faire par étapes. Le régime unique ne sera probablement pas imposé à l’ensemble des caisses en 2024. Cela pourrait se faire plus progressivement. On pourrait dès lors imaginer que les salariés entreraient les premiers dans le régime universel. Les autres professions, dépendant des régimes spéciaux, suivraient, petit à petit".

Cela pourrait aussi passer par le retour de la "clause du grand-père", qui consiste à ne faire basculer dans le régime universel que les nouveaux entrants des régimes spéciaux.

Qu’en sera-t-il en revanche de la question du financement ?

Retraites : vers la création d’une grande Caisse nationale du système universel

Sur la question du financement, "le président peut, comme prévu, créer la grande Caisse nationale du système universel dotée de très larges pouvoirs et laisser à ses responsables le soin d’en débattre", déclare Raymond Soubie, président des cabinets de conseil Taddeo et Alixio.

Toutefois, la priorité d’Emmanuel Macron a changé : "il va se focaliser sur la réforme structurelle", nous a assuré Philippe Crevel. "Il doit essayer d’avancer dans la convergence des régimes de retraites et se focaliser sur les points qui étaient non conflictuels avant la pandémie de Covid-19. Je pense par exemple à la réversion, mais aussi à un certain nombre de mesures en faveur des petites retraites (mise en place d’un minimum contributif porté à 85 % du smic). En somme, les mesures de justice sociale qui pourraient satisfaire une partie des Français".

Comme le confirme un ministre au Figaro, "la dimension sociale du texte reste très attendue" : majoration des droits à la retraite dès le premier enfant, meilleure prise en compte de la pénibilité, revalorisation salariale des enseignants…

Les questions financières et d’équité, jugées difficiles seront, elles, repoussées à plus tard.