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A en croire les résultats des évaluations nationales dévoilées par Jean-Michel Blanquer, le niveau des élèves français n'est pas bon. Pour autant, l'école est-elle vraiment moins efficace ?
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L’école, c’était mieux avant ? Les mauvais résultats des élèves français

Pour évaluer les écoliers français, le ministre de l’éducation nationale avait décidé d’organiser des tests à échelle nationale. Ces derniers, qui ne concernaient que les 1,6 millions d’élèves entrant en CP et en CE1 cette année, portaient sur les mathématiques et le français. Et les résultats, dévoilés ce dimanche 14 octobre sont assez mauvais, rapporte Le Monde. En effet, 23% des élèves de CP éprouvent des difficultés à reconnaître les lettres et le son qu’elles produisent. Ils sont également 8% à avoir des difficultés à reconnaître les nombres dictés.

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Et les élèves de CE1 ne font pas vraiment mieux ! En effet : 30% des élèves quittant le CP ne sont pas en mesure de lire 30 mots par minutes, alors que "l’objectif national est de cinquante mots". "Un élève sur deux (49%) a des difficultés en calcul mental et 47% ont des soucis pour résoudre des problèmes", indique Jean-Michel Blanquer.

L’école, c’était mieux avant ? Des difficultés (très) récurrentes

"Il est très compliqué de comparer la qualité de l’enseignement à travers le temps puisqu’on n'évalue pas systématiquement les élèves. Toutefois, des précédentes enquêtes de ce genre, qui ont été menées à l’époque où Luc Ferry était ministre de l’Education nationale, font déjà état de difficultés similaires", analyse François Dubet, sociologue français et ancien directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

C’est également le constat de l’historien Patrick Cabanel, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et auteur de l’ouvrage La République du certificat d’études (éditions Belin, 2002). "Le discours qui établit que le niveau des élèves français baisse est récurrent. C’est une représentation très prégnante dans notre société", estime le directeur d’études. "Certes, le niveau des écoliers français chute dans certaines matières. C’est notamment le cas pour ce que l’on appelait les humanités : il n’existe plus d’élèves capables de parler ou d’écrire le latin aujourd’hui. Pour autant, dans d’autres matières, potentiellement plus utiles que le latin, le niveau a tendance à augmenter", juge l’historien pour qui "on ne demande plus aux élèves de faire preuve des mêmes qualités que par le passé." "Autrefois, on privilégiait une certaine rigueur et l’adhésion à des règles – ce que représentait bien la dictée – tandis qu’aujourd’hui on attend des élèves davantage d’inventivité, d’autonomie."

L’école, c’était vraiment mieux avant ? Les Français n’ont jamais maîtrisé l’orthographe

Parmi les constats "alarmants" des évaluations organisées par Jean-Michel Blanquer, il y a notamment le rapport de nos têtes blondes aux lettres et à l’orthographe. "La baisse de niveau en orthographe est avérée et a été testée à plusieurs reprises. Elle ne fait aucun doute", alerte Patrick Cabanel, qui la qualifie d’ailleurs de "particulièrement forte". "Cela étant dit, il est important de rappeler que les Français n’ont jamais maîtrisé l’orthographe. Cette bataille a toujours été perdue", tempère-t-il toutefois.

Pourtant, le niveau en dictée était plus élevé par le passé. "C’est indéniable, mais le niveau en dictée n’était absolument pas représentatif du niveau en orthographe des élèves de l’époque", balaie l’historien. "La dictée, c’est le triomphe d’une école de la rigueur, d’une adhésion à tout un ensemble de normes. Pendant l’exercice les élèves des années 30, par exemple, étaient spécialement attentifs et concentrés. Mais dès que la dictée était terminée, ils faisaient de nouveau de nombreuses fautes", relate le directeur d’étude de l’EPHE.

Les Français ne savent pas écrire correctement ? Un constat étonnant quand on sait l’importance de l’écrit aujourd’hui. "Nous n’avons jamais autant écrit qu’actuellement. Pour autant, cette écriture n’a rien de littéraire ou de créatif. C’est vrai aussi pour nos lectures qui sont surtout utilitaires", indique l’ancien enseignant à l’Université de Toulouse-Le Mirail.

L’école c’était vraiment mieux avant : des difficultés qui trouvent leurs racines dans l’époque ?

Les difficultés des élèves sont le résultat, d’après l’historien, d’une conjonction de facteurs multiples et indépendants. D’abord, il pointe la culture de la vitesse qu’il juge désormais au cœur de notre société. "Nous évoluons dorénavant dans une société de la rapidité, du plus efficace et donc, d’une certaine façon, du moindre effort. Mécaniquement, cela entraîne un recul dans certaines disciplines qui requièrent une certaine rigueur. C’est l’autre tranchant de la simplification induite par la technologie et notre usage de celle-ci", explique-t-il. Toutefois, il ne condamne pas la technologie pour autant : "Elle permet un bien meilleur accès à l’information. Les élèves d’aujourd’hui sont nettement plus curieux et plus ouverts sur le monde que ceux de l’entre-deux-guerres."

Autre problème à ses yeux : le rapport des parents à l’école. "Il existe indéniablement une responsabilité parentale, notamment parce que les parents ne font plus confiance à l’école publique. On a perdu cette forme de fidélité et de croyance qui existait à l’époque à l’égard de l’éducation nationale. Cela se traduit naturellement par une perte de respect pour les enseignants…", estime l’ancien professeur, pour qui ce rapport n’est pas prêt de changer. "Ce sont des positionnements collectifs qui mettent des siècles à évoluer, notamment parce qu’ils concernent des millions de gens. C’est un véritable phénomène de civilisation", rappelle-t-il non sans insister : "Attention ! Le paysage n’est pas unicolore. Il y a un recul indéniable sur certains points, aussi des progrès évidents sur d’autres."