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Une première mondiale. Le lundi 4 mars 2024, la "liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse" a été inscrite dans la Constitution française. Le texte a été adopté avec 780 voix pour et 72 contre par le Parlement réuni en Congrès à Versailles. Si ce scrutin représente une avancée historique pour les droits des femmes, il s'agit avant tout d'une victoire symbolique. Cette révision constitutionnelle a pour objectif de protéger la loi Veil du 17 janvier 1975 : désormais, aucune loi ne pourra explicitement interdire l'avortement sans changer la Constitution.
Dans les faits, les conditions d'accès à l'avortement restent limitées en France. Et pour cause : la première version du projet de loi prévoyait d'intégrer non pas "la liberté" de recourir à l'IVG, mais "le droit" à l'IVG. Suite à un barrage des sénateurs de droite, puis une réécriture du texte, voici ce qui est écrit dans le nouvel alinéa de l'article 34 de la Constitution : "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse". Cette terminologie n'est pas anodine.
Liberté ou droit : une terminologie qui fait la différence
Une "liberté fondamentale" désigne une autorisation de faire une action sans la moindre contrainte. Toutefois, elle n'engage pas l'État. En revanche, un "droit fondamental" rend l'État tributaire de la mise à disposition des moyens permettant aux citoyens et aux citoyennes d'exercer leur droit.
Si la première version du texte avait été adoptée, alors l'État aurait été dans l'obligation de garantir lui-même le recours à l'IVG sur l'ensemble du territoire. Cela implique, par exemple, le remboursement de l'avortement afin qu'il soit accessible à toutes et tous... Mais aussi le développement des infrastructures pour éviter que les personnes se trouvant dans des déserts médicaux ne soient désavantagées. En 2022, 17 % des femmes souhaitant interrompre leur grossesse ont été contraintes de changer de département pour le faire. Dans notre diaporama ci-dessous, découvrez la liste des territoires où le taux d'IVG réalisé hors du département de résidence des femmes est le plus élevé*.
Des conditions d'accès à l'IVG toujours limitées
D'après un rapport du Planning Familial, 130 centres IVG ont été fermés ces 15 dernières années. Le mouvement milite également pour la suppression de la double clause de conscience pour les professionnels de santé.
Aujourd’hui, en France, la clause de conscience des professionnel·le·s de santé leur reconnaît le droit de refuser tout acte médical autorisé par la loi hors cas d’urgence (article 47 du code de déontologie médicale). La double clause de conscience qui pèse sur l’IVG participe à une « moralisation » indue de l’avortement : celui-ci devrait être considéré comme n’importe quel acte médical faisant partie de la vie de milliers de femmes. - Le Planning Familial
Très peu de médecins pratiquent l'IVG en France
D'après un rapport publié en 2020 par les députées Marie-Noëlle Battistel et Céline Muschotti, seuls 2,9 % des médecins généralistes et gynécologues et 3,5 % des sages-femmes pratiquent l'IVG. "En France, la principale explication aux difficultés d’accès à l’IVG résulte essentiellement du désintérêt à l’égard d’un acte médical peu valorisé et considéré comme peu valorisant. La charge du maintien effectif de ce droit repose essentiellement sur une poignée de praticiens militants dont beaucoup se trouveront bientôt à la retraite", regrettent les élues.
En résumé, cette "liberté garantie" ne permet pas d'obtenir un droit opposable, qui aurait contraint l'État a assuré la mise en œuvre de ce droit. Cela signifie qu'un gouvernement qui ne serait pas en accord avec le principe de l'interruption volontaire de grossesse pourrait en compliquer l'accès : réduction du délai légal de recours, déremboursement... Plusieurs associations regrettent également l'exclusion des hommes transgenres de la loi, qui souligne uniquement la liberté garantie "à la femme" de recourir à une IVG.
*Les chiffres présentés se basent sur les données de la Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (Drees). Les départements sélectionnés sont ceux où ce taux s'élève à plus de 30 %.