ADN, fautes d’orthographe… Les mystères de l’affaire Omar RaddadOmar Raddad le 26 juin 1991, avant d'être placé en garde à vueAFP
Le 23 juin 1991, la mort de Ghislaine Marchal s'accompagne d'un message, écrit en lettres de sang : "Omar m'a tuer". 30 ans plus tard, alors que le mystère demeure, l'affaire pourrait connaître un nouveau rebondissement.
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Omar Raddad clame son innocence depuis 30 ans. Condamné en 1994 pour le meurtre de Ghislaine Marchal survenu trois ans plus tôt, il a été partiellement gracié par Jacques Chirac en 1996, puis est sorti de prison deux ans plus tard. Depuis, il demande la révision de sa condamnation, alors que de nombreuses zones d’ombres subsistent dans cette affaire.

En 1991, alors âgé de 29 ans, il est jardinier pour plusieurs propriétaires du sud de la France et notamment la riche veuve Marchal, qui partage son temps entre la Suisse et la Côte d’Azur. Le 23 juin, aux premiers jours de l’été, la sexagénaire a rendez-vous pour déjeuner avec un couple d’amis, qui s’étonne rapidement de ne pas la voir arriver. Elle confirme pourtant le rendez-vous à 11h48 à une autre de ses connaissances qu'elle a au téléphone, lui précisant qu’elle est déjà en retard.

Affaire Omar Raddad : un suspect vite désigné...

Le jour suivant, les amis de Ghislaine Marchal appellent à son domicile, sonnent à sa porte, font le tour du propriétaire… Mais tout semble calme. Aucune trace d’effraction n’est relevée par la société de gardiennage dépêchée sur place. Les clefs sont toujours sur la porte, l’alarme n’est pas activée et le lit est resté défait, avec quelques objets étalés dessus.

Finalement alertés, les gendarmes arrivent à la villa le soir du 24 juin et sont attirés par une annexe de la maison, dont ils ne parviennent pas à ouvrir la porte, verrouillée de l’intérieur et bloquée par différents objets. Après s’être acharnés longuement, ils parviennent à entrer dans cette pièce sombre, où ils découvrent alors le corps de Ghislaine Marchal, qui ne porte que son peignoir de bain.

Non loin du corps, une inscription en lettres de sang désigne l’assassin, puisqu’il est écrit : "OMAR M’A TUER"(sic). Il ne faut pas beaucoup de temps aux enquêteurs pour orienter leurs investigations vers Omar Raddad, qui conteste toute implication dans la mort de la sexagénaire. Commence alors une affaire qui, trois décennies plus tard, n’a toujours pas de point final. Ghislaine Marchal a-t-elle vraiment écrit cette accusation ?

Affaire Omar Raddad : qui a écrit en lettres de sang ?

Les analyses sont formelles, la phrase "OMAR M’A TUER" a bien été écrite avec le sang de la victime. Très vite, plusieurs questions se posent, notamment autour de l’orthographe, qui comprend une faute d’accord, inhabituelle chez cette femme cultivée, mais pas impossible, selon plusieurs documents signés de sa main, où figure un mauvais accord. Ghislaine Marchal avait-elle la force de désigner son assassin avant de mourir ?

Frappée à plusieurs reprises, la sexagénaire a connu une lente agonie, estimée entre 15 à 30 minutes. Un temps suffisant pour dénoncer son assassin ? C’est ce que prétend l’accusation, mais les différentes expertises de l’écriture, menées durant six ans, se contredisent ou ne peuvent pas conclure formellement qu’il s’agisse d’une seule et même personne. Blessée au foie et à la tête, aurait-elle eu la force de se hisser jusqu'à ce mur pour désigner son meurtrier ? La piste reste donc sans réponse, tout comme celle de l’ADN… Jusqu’à aujourd’hui ?

Affaire Omar Raddad : l'ADN va-t-il enfin parler ?

Le sang retrouvé sur le mur est bien celui de Ghislaine Marchal, mais il est mélangé à deux ADN masculins, dont aucun ne correspond à celui d’Omar Raddad. La piste de l’ADN de contamination – par le biais d’une "pollution" de la scène de crime – arrive sur la table. Analyses, ADN qui "matche", changement de procureur… Pendant vingt ans, les expertises ne livrent aucune conclusion et les investigations n’avancent pas. Pourtant, en 2020, l’ADN inconnu finit par parler et il correspond à celui d’une personne… Interrogée en 2018.

Le spécialiste en génétique Laurent Breniaux a publié un rapport, dévoilé par Le Monde, dans lequel il évoque la présence d’une trentaine de traces d’ADN complet et qui n’appartiennent pas à Omar Raddad. "Les hypothèses de pollution et contamination du scellé par un intervenant extérieur deviennent peu probables alors que les hypothèses de transfert primaire direct ou indirect au moment des faits le deviennent de plus en plus", ajoute ce rapport. Les traces découvertes dateraient donc du meurtre et non de la découverte du corps ou des expertises menées sur la scène de crime.

Se battant depuis plus de dix ans pour que son client soit innocenté, Me Sylvie Noachovitch doit déposer cette semaine une nouvelle requête en révision du procès, sur la base de ces analyses ADN. Omar Raddad, qu’elle a décrit auprès de RTL comme "dépressif" et "reclus sur lui-même", attend la révision de son procès depuis 23 ans.