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Si Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites a rappelé que l'âge de la retraite resterait inchangé, certains, comme la ministre de la Santé, ne sont pas hostiles à son recul. Une telle mesure serait-elle vraiment profitable au système ?
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Recul de l’âge de la retraite : un sujet à manier avec précaution

Remonter l’âge légal de la retraite. Le sujet continue de faire débat. D’ailleurs, Agnès Buzin, ministre des Solidarités et de la Santé, a annoncé ce week-end à titre personnel ne pas être fermée à cette éventualité. Et elle n’est pas la seule. Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France, évoquait vendredi 16 mars l’éventualité de repousser l’âge légal à 65 ans.

Bien que l’idée se répande, celle-ci demande réflexion. Si de nombreux gouvernements précédents l’ont envisagé, la mesure a été abandonnée. La dernière date de 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, où l’âge minimum a été repoussé de 60 à 62 ans, rappelle Capital.

Il est, depuis, resté inchangé. Dans le cadre de l’actuelle réforme des retraites, Emmanuel Macron s’est même engagé à ce que cet âge demeure fixe. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, l’a ainsi confirmé dans un récent tweet.

Comment expliquer alors un tel engouement sur le sujet ?

Recul de l’âge de la retraite : un moyen de rééquilibrer le régime ?

Une retraite au-delà de 62 ans. Pourquoi certains l’envisagent ? “Parce que c’est la seule qui peut permettre au régime d’être rééquilibré de manière pérenne. Pour preuve, beaucoup de pays autour de nous adoptent cette mesure”, assure Bruno Chrétien, président de l’Institut de la protection sociale (IPS).

Selon lui, pour assurer un équilibre pérenne du régime, il faudrait reporter de deux ans l’âge de la retraite de 62 ans à 64 ans. Et si l’on souhaite assurer un financement solide de la dépendance des personnes âgées, il faudrait même pousser jusqu’à 65 ans !

Il estime d’ailleurs que “le gain peut se chiffrer à une dizaine de milliards d’euros par an”. Les effets ne seraient toutefois pas immédiats…

Recul de l’âge de la retraite : des effets non immédiats

Une dizaine d’années en moyenne.

En raison de l’évolution progressive (souvent trimestre par trimestre), tel est le temps qu'il faudrait pour que les économies réalisées deviennet conséquentes.  

Le relèvement de l’âge d’ouverture des droits de 60 à 62 ans devrait permettre, en 2020, une réduction des dépenses de retraite dans le produit intérieur brut (PIB) de 0,61 point. Soit près de 14 milliards d’euros ! C’est ce que révélait une enquête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), publiée en décembre 2016.

Mais, d’après Vincent Touzé, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) “cette mesure n’a pas un effet durable”.

Selon les chiffres de la Drees, en 2030, l’économie serait inférieure à 10 milliards par an et effleurerait les 6 milliards dans les années 2040.

Recul de l’âge de la retraite : une donnée qui peut varier d’un actif à l’autre

A l’heure actuelle, le départ en retraite s’établit au moment où les actifs peuvent obtenir une retraite à taux plein. L’âge de départ minimum n’entre donc pas forcément en compte. “On l’a constaté par exemple avec la mise en place du malus de l’Agirc Arrco au 1er janvier 2019. Les salariés préfèrent travailler une année de plus plutôt que de voir leur pension réduite”, indique Marilyn Vilardebo, présidente d’Origami & Co, spécialiste des audits sur-mesure pour la retraite.

Idem pour les personnes entrant tardivement sur le marché du travail. Pour bénéficier d’une retraite à taux plein, ils préfèrent travailler quelques mois ou quelques années après 62 ans. “Le référentiel c’est plutôt l’âge auquel vous pourrez partir à la retraite à taux plein et cette donnée varie d’un actif à l’autre en fonction de son parcours professionnel”, précise Vincent Touzé.

Recul de l’âge de la retraite : les gains pourraient être moins conséquents qu’estimés

Reculer l’âge de la retraite, amène à devoir reporter des dépenses ailleurs. Car la réalité du monde du travail pour les seniors n’est pas simple. Les personnes de plus de 55 ans au chômage ont en effet de grandes difficultés à retrouver un emploi. “En repoussant l’âge de départ, entre 15 et 25% des dépenses de retraite pourraient se reporter vers l’assurance chômage”, évalue Bruno Chrétien.

C’est pourquoi “certaines sociétés mettent en place des départs en retraite progressifs pour leurs salariés”, spécifie Marilyn Vilardebo. Dans le cas d’un report de l’âge légal, “elles devront alors peut être financer ces dispositifs un peu plus longtemps”.

Conséquence, les économies espérés par une telle mesure pourraient être moins importantes qu’attendues.