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En début de semaine, François Hollande a visité Wallis-et-Futuna, petit archipel français du Pacifique. Cela faisait 37 ans qu'un président ne s'y était pas rendu. L'occasion de s'intéresser à tous ces territoires aux quatre coins du monde où flotte le drapeau français.

Les Français ne le savent peut-être pas, mais ils sont à la tête d’un véritable empire. La France est en effet le seul pays au monde à exercer à la fois sa souveraineté sur des territoires répartis sur trois océans (Atlantique, Pacifique et Indien) et sur deux continents (Europe et Amérique du Sud avec la Guyane).

La France possède le deuxième empire maritime mondial

Si les métropolitains n’ont pas toujours conscience de l’étendue immense du territoire français, c’est à cause de la particularité de ces terres. Mis-à-part une bande de l’Antarctique et la Guyane, toutes ces terres sont des îles plus ou moins grandes comme autant de "confettis" de notre empire colonial. Un chapelet d’îles qui permet toutefois à la France de détenir le deuxième plus grand espace maritime au monde, agrandi de 500 000 km2 en 2015 grâce à l’extension de zones économiques exclusives autour de ces espaces insulaires, et de faire de notre pays la première puissance maritime mondiale par sa diversité et sa biodiversité.

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Un atout non négligeable donc en matière de puissance maritime, de géopolitique et de biodiversité que l’historien Bruno Fuligni a rappelé dans son Tour du monde des terres françaises oubliées, paru en avril 2014 aux Éditions du Trésor, et dont une nouvelle édition mis à jour et augmentée paraîtra le 14 avril prochain.

Une île française un jour sur deux, une autre sous la mer…

Parmi les possessions françaises d’outre-mer, certaines sont insolites. L’une se trouve même tout près de nous, à la frontière franco-espagnole. Il s’agit de l’île des Faisans qui a l’originalité – outre de n’habiter aucun faisan et d’être interdite au public – d’être française… du 1 er août au 31 janvier. La seconde partie de l’année, cet îlot de 3 000 m2 passe sous administration espagnole. Il s’agit du seul exemple connu de souveraineté alternée sur un même territoire. Comment se passe la transition entre les deux pays, diriez-vous ? Par un simple courrier…

Un peu plus loin, près de la Sicile, l’île Julia mérite aussi le détour. Il s’agit d’un volcan sous-marin pour le moins capricieux qui, à la faveur d’une éruption, fait émerger un tas de cendres chaudes formant une île. En 1831, sous couvert d’expédition scientifique, les Français se sont emparés de ce territoire particulier en y plantant le drapeau tricolore. Mais quelques mois après, cette possession française est tombée à l’eau… au sens propre. Convoitée par les Italiens et les Anglais en son temps, l’île sommeille désormais à huit mètres sous le niveau de la mer. Il y a quelques années, le Canard enchaîné avait suggéré d’envoyer des hommes grenouilles pour y planter un drapeau français étanche pour que l’île ressorte française !

Mais la possession française qui passionne le plus Bruno Fuligni est l’île Floreana. Une miette de l’archipel des Galápagos, au large de l’Equateur, qui appartient – tenez-vous bien – à la France par la commune de Barcus, un village de 700 habitants dans les Pyrénées-Atlantiques. Pourquoi ? Parce qu’un certain Léon Urthuburu, originaire du village et vice-consul de France en Equateur, légua ses droits sur l’ile à sa commune en 1860 avant de mourir. Depuis un siècle et demi, la petite commune de Barcus est donc propriétaire d’une île dans le Pacifique, "alors qu’elle n’a aucun accès à la mer !", sourit Bruno Fuligni.

L’île Clipperton, "une colonie française retrouvée dans un carton du ministère"

C’est l’atoll le plus isolé du monde, situé à 1 280 km de la première côte continental, et, malgré son nom anglo-saxon, il est bien français. L’île Clipperton, aussi appelée "île de la Passion" par les explorateurs français, est la seule possession française du Pacifique nord, à l’ouest du Mexique. Mais ne vous y trompez pas, malgré son nom chaleureux, "il s’agit d’une île maudite", prévient Bruno Fuligni. "Une petite île à l’environnement hostile – des maigres cocotiers et des millions de crabes rouges peu ragoûtants – qui a pourtant fait l’objet de nombreux livres à cause de son histoire sombre", explique l’historien.

Pour comprendre la charge noire qui entoure l’île Clipperton, il faut revenir à sa prise de possession par le navigateur français Le Coat de Kerveguen en 1858, au grand dam des Mexicains qui ne reconnaissent pas les droits français sur l’île. Si bien qu’en 1905, le gouvernement mexicain envoie une garnison sur l’île… mais cesse de la ravitailler en 1910 à cause de la guerre civile dans le pays. Les insulaires se retrouvent donc sans ressources et très vite ne survit qu’un homme, le gardien du phare. Celui-ci se proclame alors "roi de Clipperton" et fait des femmes de l’île son harem. Mais quand des marins américains arrivent près de l’île en 1917, ils découvrent un macabre spectacle : le "roi" a été massacré par "ses" femmes, et commence à être dévoré par les crabes… A côté de lui, quatre femmes et sept enfants toujours vivants et bientôt évacués par le navire de la US Army.

Aujourd’hui, l’île – toujours inhospitalière – est bien française, enfin redevenue telle depuis 1931, lorsque la France a (re)découvert qu’elle possédait ce petit atoll grâce… aux Italiens. Comble de la singularité, Clipperton possède un code postal (98799). Mais n’essayez pas d’envoyer un courrier : il n’y a pas de facteur su l’île, ni même de boîte aux lettres…

La France possède sa plus longue frontière avec… l’Australie !

Incroyable mais vrai, la France possède sa plus longue frontière terrestre avec l’Australie. En effet, Jules Dumont d’Urville a découvert en 1840 une portion de l’Antarctique qu’il a rebaptisée Terre Adélie, du nom de sa femme. Aujourd’hui, cette gigantesque part de tarte de 431 888 km2 (plus grande que l'Allemagne), au milieu de deux bandes revendiquées par l’Australie, appartient toujours à la France  qui y a établi une base scientifique. Et sur place, les chercheurs ont inventé une sorte de "langue régionale", le taafien, qui ne dispose pas de grammaire mais de mots de vocabulaire. Dans son livre, Bruno Fuligni publie un lexique taafien, utile si vous désirez rejoindre ce territoire aux températures extrêmes. Ainsi, vous appellerez un bibou (infirmier) en cas de blessures, et irez chercher vos viennoiseries chez le pâteaux (boulanger).

Les petits bouts de terres françaises au quatre coins du monde

La République française possède aussi de nombreux confettis, cette fois-ci non plus sur l’eau, mais sur la terre ferme. Les plus connus sont les deux millions de kilomètres d’extraterritorialité symbolisés par les ambassades et consulats français à travers le monde, soit le deuxième réseau diplomatique au monde après les Etats-Unis. Mais le pays possède aussi 2 234 cimetières militaires à l’étranger, symbole de son engagement dans de nombreuses guerres mondiales. Mais à ces enclaves connues, s’ajoutent de plus insolites. Ainsi, la ville de Paris est propriétaire de Hauteville House, la maison d’exil de Victor Hugo sur l’île anglo-normande de Guernesey. Sur une autre île d’exil, Sainte-Hélène, la France détient la maison de Longwood, où Napoléon 1 er termina ses jours, la vallée du Tombeau et la ferme des Briars.

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La France possède aussi 45 km2 de terrain en Allemagne, dont la fôret de Mundat à la frontière franco-germanique et la stèle de La Tour d’Auvergne, "premier grenadier de l’Empire" mort au champ d’honneur. Au cœur de la République tchèque, sur le site de la bataille d’Austerlitz, un carré du mémorial forme une minuscule enclave française. Citons aussi des joyaux comme la Villa Médicis à Rome et sa pendante à Madrid, la Casa de Velázquez, ou encore les possessions ecclésiastiques de la République française : cinq églises romaines, une autre à Lorette et une douzaine de bâtiments divers. Dans l’autre ville sainte, à Jérusalem, la fille aînée de l’Eglise à la garde de trois sanctuaires, dont le fameux Tombeau des rois, ainsi que de l’église Saint-Anne.

Un important gisement de pétrole découvert près d’îles françaises

Ce tour du monde des territoires français n’est pas exhaustif, d’autres pépites restent à découvrir dans le livre de Bruno Fuligni, notamment l’éphémère île Saint-Zacharie dont l’historien a retrouvé l’existence en feuilletant un vieil article dans un atlas. Si très peu de Français ont connaissance de tous ces territoires en leur possession, c’est sans doute parce que l’Etat ne communique pas assez dessus. Qui plus est, "ces territoires n’ont pas d’habitants, ni donc d’élus pour les défendre", rappelle Bruno Fuligni. Ils ne font donc point parler d’eux.

"Durant mes recherches, seuls les marins et les scientifiques m’ont parlé avec fierté de toutes ces possessions françaises", révèle l’historien pour qui l’Etat français ne prend pas assez en considération ces îles lointaines. "Les eaux françaises autour de l’île de Clipperton sont par exemple pillées ainsi que les coquillages rares près de celles de Chesterfield (Nouvelle-Calédonie) faute de navires de surveillance de la marine française", regrette-t-il.

L’historien rappelle que ces îles aux quatre coins du monde, et qui font de la France le deuxième plus grand espace maritime au monde, sont une source potentielle de richesse dans l’avenir grâce aux zones économiques exclusives (ZEE) bordant les îles, riches en coraux, poissons voire hydrocarbure. Ainsi, un gisement de pétrole a été découvert autour des îles Eparses, possessions françaises au large de Madagascar, pouvant abriter des milliards de barils qui équivalent à dix années de consommation française !

Toutefois, Bruno Fuligni sent le vent tourner. La succès extraordinaire de son petit livre (vendu à 15 000 exemplaires, 4e réédition), lui redonne espoir. "On commence à assister à une prise de conscience de notre formidable patrimoine, en témoigne le certain intérêt que mon livre a rencontré auprès des Français", veut croire l’historien, qui a un argument imparable pour les convaincre de s’intéresser à ces extensions françaises : "Il est possible de faire le tour du monde sans quitter la France !"

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