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"C'est une manœuvre pitoyable, contraire au principe de base de l'élection présidentielle : tous les candidats doivent être sur un pied d'égalité." Voté en catimini, en présence d'une poignée d'élus, le projet de loi porté par Bruno Le Roux et le PS n'a pas encore terminé ses navettes entre Assemblée nationale et Sénat – et par conséquent n'est pas encore entré en vigueur – qu'il fait déjà bondir Nicolas Dupont-Aignan, ainsi que bon nombre de ses collègues. Si elle est la cible de tant de critiques, c'est que cette "modernisation" (selon le terme employé par ses défendeurs) de la réglementation audiovisuelle en période d'élection présidentielle tend à diminuer le temps de parole des « petits » candidats, au profit des favoris. "Derrière cette réforme, c'est la suppression du premier tour de l'élection, ajoute Nicolas Dupont-Aignan. Les débats à la télévision seront organisés uniquement entre les candidats du second tour supposé."
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En clair, la loi prévoit de limiter la période de stricte égalité de temps de parole entre tous les candidats aux deux semaines qui précèdent le jour de scrutin, contre cinq semaines auparavant. Le reste du temps, le principe dit "d'équité" s'appliquera. Selon la définition du CSA, il s'agit d'allouer aux candidats – ou à leurs soutiens – un temps d’antenne déterminé en fonction "de leur représentativité et de leur implication effective dans la campagne". Et pour en juger, le Conseil – chargé de contrôler le respect de ces règles – entend se baser sur des éléments tels que "les résultats du candidat ou de la formation politique aux plus récentes élections", ou encore "la capacité à manifester concrètement son implication dans la campagne, par l'organisation de réunions publiques, la participation à des débats, la désignation d'un mandataire financier". Des critères totalement subjectifs et donc parfaitement inapplicables, a fortiori pour des candidats qui se présenteraient hors partis politiques.
Sondages et temps d'antenne : le cercle vicieuxDans les faits, les candidats en tête dans les sondages (FN, LR, PS) occuperont donc la scène médiatique, quand ceux proposant des politiques alternatives seront relégués au simple rang de figurants. Alors que le groupe UDI à l'Assemblée s'insurge contre ces "propositions de loi scélérates", qui représentent "une modification inacceptable et dangereuse pour notre démocratie", l'ancienne ministre et députée Corinne Lepage pointe du doigt un cercle vicieux. "Chacun sait que plus un candidat est vu à la télévision, plus ses sondages sont bons. Aussi, fonder l'équité sur les intentions de vote est parfaitement malhonnête, puisque ce sont précisément les passages médias qui favorisent les intentions de vote." Un constat auquel adhère Mathias Reymond, maître de conférences en sciences économiques et spécialiste de la critique des médias, qui souligne par ailleurs que les "petits" candidats, une fois arrivés au micro et avant même d'évoquer la moindre proposition, "doivent d’abord faire face à une série de questions et remarques subalternes, consistant la plupart du temps à justifier leur existence". Pour s'en convaincre, il suffit de se remémorer quelques séquences irréalistes de la campagne de 2012 : Éva Joly sommée de justifier la légitimité de sa candidature face à David Pujadas, Jacques Cheminade "prototype du candidat inutile" pour Jean-Michel Aphatie, ou encore Nicolas Dupont-Aignan diffusé en noir et blanc au Grand Journal de Michel Denisot, qui moquait sa proposition de sortie de l'euro...
À l'heure où, selon un sondage de l'Institut Odoxa, 88% des Français espèrent un renouvellement politique lors des prochaines élections, CSA et élus majoritaires semblent pourtant s'accorder à prendre le virage inverse, enfermant ainsi par avance les campagnes à venir dans des débats sans alternatives.
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