CSG, taxes, hausse de prix… Comment Emmanuel Macron fait baisser votre pouvoir d’achatIllustrationIstock
Les nombreuses réformes engagées par le président ne profitent pas toutes à votre portefeuille. Plus d'une contribuent d'ailleurs à le rétrécir considérablement...
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Baisse de votre pouvoir d'achat : Emmanuel Macron est-il responsable ?

"La claque était attendue. Pas sa violence", assène sévèrement Alexandre Mirlicourtois, directeur de la prévision de Xerfi, un institut d’études privé spécialisé dans l’analyse économique. Il parle du pouvoir d’achat des Français, en chute depuis l’élection d’Emmanuel Macron. D’après Capital, l’enveloppe dont disposent les ménages pour vivre, consommer et investir a fondu de 0,5% au premier trimestre de 2018. Il n’y avait pas eu de baisse aussi prononcée depuis fin 2012, indique le site d’information. Au total, c’est près de 85 euros qui sont ponctionnés par foyer, estime l’analyste. La facture à échelle nationale est estimée à 2,5 milliards d’euros.

"C’est une question statistique difficile, souvent embrouillée", commente de son côté l’économiste Jacques Bichot, professeur des universités et membre honoraire du Conseil économique et social. "Toutefois, la baisse du pouvoir d’achat des Français est inscrite dans les chiffres", poursuit-il. "Ces chiffres ne sont pas surprenants", estime pour sa part Alexandre Delaigue, agrégé d’économie et de gestion, professeur à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr et à l’université de Lille 1. "De nombreux résultats déjà publiés par l’Insee ou l’OFCE allaient en ce sens. En outre, c’est la conséquence logique de la politique de consolidation budgétaire menée par le président. Mécaniquement, cela a un impact sur les budgets des ménages", juge-t-il.

Une analyse à laquelle souscrit Jacques Bichot, qui pointe du doigt la hausse des prélèvements. "Globalement, ce qui cause cette baisse du pouvoir d’achat en France, c’est la hausse de la CSG, qui n’a pas encore été compensée par la baisse des cotisations sociales. La hausse du coût de la vie est également à mentionner", indique-t-il. D’après Xerfi, ce qui rend cette baisse du pouvoir d’achat si douloureuse, c’est le fait qu’elle survienne après plusieurs hausses consécutives des charges qui pèsent sur les ménages. "Le poids des prélèvements fiscaux et sociaux atteint 22,3% des ressources des Français. C’est un record historique", rappelle l’institut.

A là politique gouvernementale s’ajoute également le "retour de l’inflation", souligne Alexandre Mirlicourtois. "La montée du pétrole s’est effectivement manifestée comme une ponction sur les revenus dont disposent les ménages", indique le professeur d’économie à Saint-Cyr. "Il ne faut pas non plus oublier les taxes sur les carburants décidées par le gouvernement. Les hausses des prix du tabac, qui ne comptent plus dans le calcul de l’inflation, viennent aussi réduire le pouvoir d’achat des Français", précise-t-il. D’après Xerfi, les prix à la consommation ont augmenté de 0,8 % au premier trimestre 2018.

Baisse de votre pouvoir d'achat : qui sont les Français les plus touchés ?

Tout aussi dure qu’elle puisse être, cette baisse du pouvoir d’achat ne touche pas les Français équitablement. "Clairement, les plus gros perdants sont les Français dont le revenu est moyen, qui fument beaucoup et qui sont amenés à rouler très souvent. En revanche, les Français plus aisés, qui disposent déjà d’un patrimoine considérable sont bénéficiaires de la situation", analyse Alexandre Delaigue. S’il refuse de présenter Emmanuel Macron comme le "président des riches", il n’hésite pas à parler de "président des siens". "La suppression de l’ISF ne concerne pas les plus grosses fortunes de France qui ne le payaient déjà plus. En le supprimant, Emmanuel Macron favorise la classe sociale dont sont issus les membres du gouvernement. À cet égard on peut le voir comme le président des siens, qui défend les intérêts de son groupe social."

"Les effets de cette baisse du pouvoir d’achat seront difficilement quantifiables et certainement pas uniforme", explique pour sa part Jacques Bichot. "N’oublions jamais que les ménages ne réagissent pas tous de la même façon. Tous les Français bénéficiant d’un peu d’épargne disposeront d’un matelas pour amortir la baisse du pouvoir d’achat. Ce ne serait pas une mauvaise chose qu’ils soient amenés à l’utiliser, dans la mesure où elle sert aujourd’hui à combler et financer le déficit public. Cela permettrait de l’assainir", explique-t-il. A ses yeux, cette baisse du pouvoir d’achat est d’autant moins grave qu’elle "ne devrait pas être brutale" et qu’elle ne sera, a priori, que temporaire. "Elle est liée à une différence de tempo. Un rééquilibrage est prévu, qui devrait permettre un allègement de la barque fiscal. Il arrive plus tardivement. Il faut reconnaître à Emmanuel Macron que c’est assez courageux – et aussi assez stratégique – de procéder dans cet ordre-là".

"Jusqu’ici, il est difficile d’assurer que le rééquilibrage dont parle Xerfi suffira à changer la situation", tempère Alexandre Delaigue. "Si Emmanuel Macron poursuit sur une politique de consolidation budgétaire, et ses annonces vont en ce sens, il est peu probable que les choses évoluent en faveur des ménages. Une forte croissance pourrait contrebalancer la baisse du pouvoir d’achat, mais compte-tenu de la politique menée, c’est illusoire", juge-t-il.

Baisse de votre pouvoir d'achat : Emmanuel Macron est-il le président des entreprises ?

En pratique, cette situation illustre bien les priorités – assumées – du chef de l’État. Lors de son récent discours au Congrès de Versailles, il l’a d’ailleurs dit à nouveau : il entend bien favoriser les entreprises plutôt que les contribuables. "Indéniablement, ce sont les ménages qui ont été le plus frappés au portefeuille", estime Jacques Bichot. "La logique du président le pousse à réduire la taille de l’appareil redistributeur. Nous faisons face à une classe politique qui est convaincue qu’il faut mener ces réformes, qui n’auraient pas été faites par lâcheté politique ou par manque de possibilité. Or, aujourd’hui, toutes les circonstances sont réunies pour un ajustement structurel pro-entreprise", conclut Alexandre Delaigue.