Lundi 2 décembre, Michel Barnier a déclenché le 49-3 pour faire passer en force le projet de loi sur le budget de la Sécurité sociale. Une décision suivie du vote des motions de censures déposées par le RN et...
Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU de Strasbourg. Infectiologue, hygiéniste, il travaille notamment sur les risques associés aux soins dans l'Unité d'éthique clinique.
La deuxième vague est nettement moins forte que l'on ne l'avait estimé et son importance a été exagérée
Retour sur le premier confinement
Le premier confinement avait duré 55 jours, du mardi 17 mars au lundi 11 mai. Les deux principaux indicateurs de morbidité (maladies) pertinents sont le nombre quotidien de personnes nouvellement hospitalisées (en violet) et le nombre quotidien de malades nouvellement admis en réanimation (en bleu turquoise). Cette deuxième courbe est amplifiée d'un facteur multiplicatif de 3,5, afin de la rendre bien visible sur le diagramme. Les véritables valeurs de cette deuxième courbe sont donc obtenues en divisant par 3,5 les valeurs lues.
Le délai moyen d'apparition de l'effet d'une mesure préventive est obtenu en additionnant la durée moyenne d'incubation (soit 5 à 6 jours) et la durée moyenne d'apparition des complications sévères (8 à 9 jours) à partir du début de la maladie.
C'est ainsi que l'on peut voir que la première vague a commencé à décliner très rapidement 14 jours après le début du confinement, soit le 31 mars (première flèche rouge). Il semble donc bien que le premier confinement ait été efficace sur le plan épidémiologique.
Le deuxième confinement a une utilité plus que discutable
Le deuxième confinement a commencé samedi 31 octobre. 14 jours après le début de ce deuxième confinement, nous étions samedi 14 novembre. On voit sur le diagramme que la deuxième vague a commencé son déclin mercredi 4 novembre, soit 10 jours avant le 14 novembre. Il apparaît donc que cette décroissance n'est probablement pas due au deuxième déconfinement. Par ailleurs, il est plus qu'incertain d'en attribuer l'effet au couvre-feu, mesure tout de même nettement moins efficace que le confinement généralisé et obligatoire.
À ces considérations, il faut ajouter trois clefs d'interprétation au sujet de la deuxième vague.
- La première est que, contrairement à la première vague, on a hospitalisé les résidants d'EHPAD atteints de la CoVid-19 quand leur état le justifiait (lors de la première vague, la tendance forte était de les "accompagner" sur place avec des anxiolytiques sédatifs de type benzodiazépine injectable). Ceci a contribué à faire augmenter le nombre d'hospitalisations. De plus, quand un transfert était opéré d'un hôpital à l'autre, il était fréquent que l'on compte deux hospitalisations pour la même personne.
- La deuxième est que l'indicateur "malades nouvellement admis en réanimation" a embrasé également les malades admis en soins intensifs ou soins continus. Ceci a contribué à faire augmenter l'indicateur.
- La troisième est que l'indicateur "personnes nouvellement décédées de la CoVid-19" a embrassé également les malades ayant eu un test RT-PCR CoVid-19 positif, mais décédées d'une autre cause. Ceci a encore une fois contribué à faire augmenter l'indicateur.
Dès lors, on comprend que l'intensité de cette deuxième vague a été artificiellement amplifiée par ces dispositions. Par ailleurs, dans les autres pays d'Europe de l'Ouest, on assiste également au déclin de la deuxième vague.
On devrait pouvoir fêter Noël cette année, mais pas comme en 2019
En tenant compte des différents éléments que nous venons de voir, la situation est donc plutôt rassurante. Ainsi, tout porte à croire que les conditions seront réunies pour qu'il soit possible de fêter Noël. Mais contrairement à ce qui s'est passé lundi 11 mai où on a eu l'impression que la France entière se sentait libérée d'un seul coup, avec la reprise brutale d'une vie de fourmilière, il n'y aura pas de réel déconfinement en décembre, mais simplement un assouplissement des mesures contraignantes. Le terme est important : pas de déconfinement, mais un assouplissement.
L'immunité collective est la protection sur laquelle on compte le plus
On sait que la CoVid-19 est une maladie immunisante et qu'a priori, cette immunité dure au moins six mois. Il faudrait 60 à 70 % de taux d'immunité dans la population française pour que l'épidémie régresse puis cesse. Mais on est incapable de la mesurer. On peut probablement tabler sur une immunité actuelle de l'ordre de 30 % à 40 %, peut-être même un peu plus. Les avis sont divergents à ce sujet ; il est difficile de la mesurer, car elle ne se résume pas aux anticorps, mais comprend aussi l'immunité cellulaire liée aux lymphocytes T.
Que risque-t-il d'arriver après Noël et après le Nouvel An ? Il serait étonnant que les adolescents (13 à 19 ans) et les adultes jeunes (19 à 25 ans) changent leurs habitudes ; il faut reconnaître que c'est dans cette tranche d'âges que les règles sanitaires sont les moins bien observées. C'est le comportement des 25 à 45 ans qui va sans doute être déterminant pour la suite de l'épidémie ; il est logique de penser que beaucoup vont faire des efforts pour respecter les mesures sanitaires, y compris en famille ; tout le monde souhaite que cette épidémie cesse et que l'on reprenne une vie normale.
Maintenant, si toute la France se relâche massivement lors des fêtes de fin d'année, le virus va continuer à circuler et l'immunité active sera vite atteinte, mais probablement au prix d'une reprise des hospitalisations. Cependant, on est devenu très prudent quand il s'agit de prévoir ce qui va arriver : on ne pensait pas qu'il y aurait d'épidémie, mais elle s'est produite en France ; on ne pensait pas qu'il y aurait de deuxième vague, mais elle a eu lieu. Donc, prudence.
Surviendra-t-il une troisième vague ?
À ce stade, on ne sait plus quoi dire. On s'est déjà trompés deux fois… La vérité est que nos méthodes de mesure de l'épidémie ne nous permettent pas de répondre à la question.Les fêtes de fin d'année et particulièrement celle de Noël sont chères au cœur des Françaises et des Français. Il règne une morosité, une anxiété maladive et chez certains une tendance dépressive. L'économie est profondément sinistrée. Le ministre de l'Économie et des Finances nous apprend que la France mettra 20 ans à rembourser ses emprunts. Dans ce contexte, empêcher les fêtes de fin d'année serait désastreux tant pour le moral de la population que pour l'économie. Il faut que ces fêtes se déroulent avec des contraintes vraiment allégées, il faut s'amuser, se retrouver, festoyer, pour se changer les idées et reprendre goût à la vie.
Sans donner une leçon de morale, on peut envisager d'améliorer la prévention par des mesures simples.
La communication du gouvernement est-elle dangereuse?
On l'a déjà dit, la communication du pouvoir exécutif au sujet de la CoVid-19 et des mesures préventives a été déficiente et contreproductive.
Il est temps d'expliquer au Français la réalité du risque, ce qu'est un virus et comment il se transmet. Car le masque est devenu une pièce d'uniforme : il semble que beaucoup de gens n'ont pas vraiment compris comment il fonctionnait et ce que l'on pouvait en attendre vraiment.
Il faut donner des informations précises, pour adultes, de façon à ce que tout un chacun s'approprie le risque et les mesures préventives qui lui soient le plus appropriées.
Porter un masque en air extérieur lorsque l'on se déplace est une mesure dépourvue de sens : les particules qui véhiculent les virions sont aussitôt emportées par le vent. On peut s'abstenir de porter un masque de temps en temps à l'intérieur des locaux à condition de ne pas parler ni tousser ni éternuer (pour de courtes périodes, afin de se libérer un peu).
Tousser derrière un masque n'est pas anodin : le masque n'aura jamais un pouvoir filtrant de 100 % ; c'est quelque chose à éviter au maximum, de même que crier derrière un masque.
Il ne sert à rien de se laver les mains à longueur de journée ; au contraire, ça les irrite et les dessèche. Ce qui compte, c'est d'éviter au maximum de toucher la nourriture et de se laver les mains avant de le faire. Il faut apprendre ou réapprendre à ne toucher la nourriture qu'avec des couverts ou des pinces, et ne jamais plonger dans un plat un couvert qui a été à sa bouche.
Attention aussi aux essuie-mains qui sont des vecteurs redoutables. Tout cela relève du bon sens, de la logique ; mais pour être en mesure de raisonner, il faut connaître les notions de base. Mais tout un chacun est capable de réfléchir et de déduire les mesures préventives efficaces.
De grâce, ne vivons pas au virtuel ; trop, c'est trop. Il faut se rencontrer vraiment, mais avec des précautions. Est-ce si difficile que cela ? Non, mais nous n'avons pas été instruits comme nous aurions dû l'être et beaucoup de personnes sont perdues, ne savent plus ce qu'elles doivent faire. Il faut réapprendre à vivre en chassant l'anxiété maladive et la phobie du virus ; ce n'est pas raisonnable, ce n'est pas une vie. Retrouvons la joie de vivre, c'est urgent, vraiment… tout en restant prudents et observants des mesures simples.