Les femmes âgées : les grandes oubliées de la journée internationale des droits des femmesIllustrationIstock
INTERVIEW. Alors que les femmes âgées en France représentent plus de 15 % de la population, ces dernières sont victimes d'inégalités rarement dénoncées dans la sphère médiatique. Avec Petits Frères des Pauvres, et à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, essayons de comprendre ce phénomène en donnant la parole aux principales concernées. Nous avons interrogé Catherine, une femme retraitée de 83 ans. Un entretien touchant, avec un message adressé à la nouvelle génération.
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Ce vendredi 8 mars 2024 est la journée internationale des droits des femmes. Lancée pour la première fois en 1975 par l'ONU, la date est devenue l'occasion chaque année de sensibiliser, de réveiller les esprits, mais également de revendiquer des avancées importantes en faveur des droits des femmes dans tous les domaines. C'est par ailleurs une manière de rappeler que les femmes âgées, sont, elles aussi, victimes d'inégalités que l'on oublie très souvent.

Quelles sont les inégalités de genre qui touchent nos ainées ? Quelles sont les solutions pour y remédier ? Qu'en pensent les femmes d'un certain âge, premières concernées ? En collaboration avec Petits Frères des Pauvres, essayons, dans cet article, de comprendre les inégalités dont sont victimes nos séniors féminins, comparés aux hommes. Nous avons interrogé Catherine, 83 ans, victime de violences conjugales par le passé. Une interview poignante. 

Les inégalités chez les femmes âgées, un problème souvent oublié

L'association Petits Frères des Pauvres a réalisé pour cette journée du 8 mars 2024 un dossier complet s'intitulant “Paroles de vieilles et (vieux) sur les droits des femmes - Petits Frères des Pauvres”. L'association, qui a accompagné 27 058 personnes (dont 61 % de femmes) en 2022, a donné la parole à 123 personnes âgées sur la question des droits des femmes. Parmi elles, Catherine, 83 ans, retraitée domiciliée en Ardèche, que nous avons interrogé. 

“J'ai tout supporté parce qu'à l’époque il ne fallait rien dire" 

La voix sereine, comme si rien de grave ne s'était passé, Catherine nous raconte son parcours, ponctué par des violences et discriminations. Elle commence à s'intégrer dans la vie active en étant secrétaire, puis démissionne alors que son patron lui exprime la phrase suivante : "Pour avoir une augmentation, il faut coucher avec moi".  Elle découvre par la suite le métier d'aide ménagère pour les personnes âgées, ou elle y trouve son bonheur : "J'étais leur rayon de soleil à ces gens-là". 

Son premier mari, avec qui elle est restée de longues années, a fini par l'étrangler, "comme je ne voulais pas m'en aller". Le second, dans les années 2000, poussait Catherine "dans les escaliers" et l'étranglait également. Un jour, alors que son mari était sous l'emprise de l'alcool, Catherine parvient à reprendre le contrôle.

"J'ai réussi à me lever, à prendre mon sac, et j'ai demandé à un voisin de m'emmener chez mon fils" - Catherine

N'ayant rien mis à son nom, Catherine a tout perdu et confie "avoir eu du mal à se relever, parce que j'étais toute seule". En 2023, le collectif #NousToutes évoquait 134 féminicides sur le territoire national. Le chiffre était de 130 victimes en 2017, 179 en 2007. "Elles se font tuer pour rien", commente Catherine. Cette dernière, a eu la chance de se sauver à temps : "C'est étonnant que je ne me sois pas cassée une jambe à l'époque d'ailleurs". 

Comment expliquer que plus de 6 personnes sur 10 aidées par l'association Petits Frères des Pauvres soient des femmes âgées ?

61 % des personnes accompagnées par Petits Frères des Pauvres sont des femmes 

À cette question que nous avons posée à Catherine, la réponse est claire : "Parce qu'on a beaucoup souffert" exprime-t-elle. "À l'époque, on s'est habituées à tout faire nous-mêmes en tant que femmes, pendant que notre mari regardait la télé". Sans oublier la rémunération inférieure chez les femmes, avec un décalage à deux chiffres (encore aujourd'hui) : "Je me suis retrouvée avec 400 francs par mois, alors que j'ai travaillé toute la vie". Cette différence de traitement, Catherine en est persuadée, conduit les femmes à avoir besoin davantage d'assistance une fois un certain âge passé. 

“On est abandonnés, les vieux, en tant que femmes”

Une fois la retraite bien méritée, comment sont considérées les femmes âgées en France ? Une fois de plus, Catherine évoque une situation "difficile en Ehpad, comme à la maison". Pour elle, une seule solution : "Il faut mettre de l'argent pour aider toutes les femmes".

Pour l'octogénaire, cela passerait également par une meilleure considération : "On attend des mots gentils" confie-t-elle. Depuis un certain temps maintenant, Catherine se fait accompagner par Petits Frères des Pauvres. "Ce n'est pas moi qui ai fait appel", mais une personne constatant la doyenne seule et éloignée de ses enfants, qui habitent plus loin. Il en revient ainsi au rôle de chaque citoyen, de contacter Petits Frères des Pauvres ou de prendre quelconque initiative pour prendre soins de nos ainés, et en particulier de nos femmes âgées. Catherine a par ailleurs un message à transmettre à la nouvelle génération de femmes qui aujourd'hui se battent pour dénoncer les discriminations et inégalités liées au sexe. 

"Mesdames, je vous aime toutes autant que vous êtes" 

Catherine parle aujourd'hui d'un combat, qu'elle souhaite transmettre à la nouvelle génération : 

"Mesdames, je vous aime toutes autant que vous êtes, je vous en supplie, il ne faut pas supporter ça, s'il vous fait du mal, vous pouvez trouver mieux ailleurs" - Catherine 

Catherine reconnait la mobilisation plus forte des femmes pour revendiquer leurs droits, mais constate néanmoins un retard qu'il faut rattraper à tout prix : "Ça commence à se développer, mais ce n'est pas suffisant". 

Vous l'aurez compris, si les femmes âgées sont les premières victimes de dévalorisation, d'isolement et de violence, ce sont tous les âges du genre féminin qui aujourd'hui sont concernées par un même combat. Cela devrait être en réalité le combat de toutes et tous, pas seulement la moitié de la population.