Viols, meurtres : ces faits divers glaçants qui ont eu lieu dans des EHPADsIstock
Depuis les révélations d'un journaliste sur la maltraitance dans les Ehpad du groupe Orpea, les témoignages s'enchaînent, et laissent entrevoir un système délétère, qui inquiète. Au-delà des négligences, les maisons de retraite n'échappent pas non plus aux crimes les plus violents, bien au contraire. Agressions et viols auraient lieu fréquemment derrière leurs murs, très souvent dans l'omerta la plus totale. Voici cinq faits divers glaçants qui sont produits dans les Ehpad de l'Hexagone.
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Et si les résidents de maisons de retraite étaient les grands oubliés de la justice française ?

Ce qui sûr, c’est que les résidents des Ehpads sont d’autant plus vulnérables, à la fois physiquement et mentalement, face aux violences et aux crimes. Cette vulnérabilité, selon Me Sabrina Hachouf, qui a travaillé sur plusieurs dossiers de violences sexuelles en Ehpad, attire les prédateurs. « Quand vous commettez un viol ou une agression physique sur une personne âgée malade qui n’a pas conscience des faits, vous êtes assurés que la victime ne vous dénoncera pas, ou que son témoignage ne sera pas jugé crédible », poursuit l’avocate.

Depuis sa création en 2008, le 3977, numéro national destiné à lutter contre la maltraitance des personnes âgées et handicapées a ainsi répertorié 84 dossiers ouverts pour violences sexuelles envers des personnes âgées en institution et autant à domicile.

Un chiffre qui ne tient pas compte de toutes les agressions qui sont tues.

Souvent encore, les résidents eux-mêmes taisent les violences qu’ils subissent. « Ces personnes ont la crainte de dire les choses, au risque de gêner tout simplement, elles sont parfois très sensibles, elles ont très peur de ne pas trouver leur place dans la famille », explique Me Sabrina Hachouf.

Une affaire dans chaque EHPAD

Elle assure que « dans chaque EHPAD il y a toujours eu une affaire » de violences ou de négligences. Mais ça n’est que très rarement que ces affaires se retrouvent devant les tribunaux. « Il y a une impunité des agresseurs jusqu’au bout, et de grandes zones d’ombre dans cette institution ou le droit ne semble pas avoir sa place.  C’est l’omerta, on ne dénonce pas les choses, on n’en parle pas aux familles. » poursuit l’avocate. Pour Me Hachouf en effet, de nombreux établissement sont au courant des violences que subissent leurs résidents, de la part du personnel ou d’autres résidents, mais les taisent aux familles, par crainte des poursuites.

Pire encore, dans certains cas, les victimes sont contraintes de rester dans l’établissement où elles ont été violées, ou agressées, faute de place ailleurs. « Leurs agresseurs sont parfois encore là aussi, car on n’a nulle part où les replacer », affirme Me Hachouf.

Certaines victimes ne survivent pas aux violences, aux agressions. Pourtant, dans un Ehpad, on pourrait penser qu’elles sont en sécurité, à l’abri.

Viols, morts suspectes, assassinats… Découvrez ces faits divers glaçants qui se sont produits à l’intérieur de ces maisons de retraite.

Violée par un inconnu

Un dimanche d’avril 2013, à Montrevel-en-Bresse, dans l’Ain, une pensionnaire actionne l’appel d’urgence de son Ehpad. Elle se trouve alors au rez-de-chaussée, et va raconter aux soignants qu’un homme d’une trentaine d’années l’aurait frappée au visage avant de lui faire subir une pénétration digitale. La vieille dame, âgée de 86 ans, a le nez fracturé, son dentier est cassé et son visage présente plusieurs hématomes.

Très vite, une enquête est ouverte pour retrouver le mystérieux violeur. Mais hélas, il ne sera jamais appréhendé. L’affaire sera classée sans suite. Mais la famille de la victime va porter plainte contre l’Ehpad, pour défaut de surveillance.

En novembre 2021, la cour d’appel de Lyon a confirmé la décision du tribunal administratif, qui avait reconnu dans cette affaire « une faute de nature à engager la responsabilité de l’Ehpad ».

La mort suspecte de Sylvaine

A l’Ehpad de Quingey, dans le Doubs, dans la nuit du 25 au 26 mai 2021, Sylvaine, 68 ans est découverte gisant dans son sang, le visage et le corps tuméfiés. Elle a trois dents arrachées, plusieurs plaies et une côte fendillée.

Traumatisée, affaiblie, elle décèdera dix jours plus tard à l’hôpital. Sa famille, sous le choc, cherche à savoir ce qu’il s’est passé. L’Ehpad va leur raconter que Sylvaine aurait été « bousculée » par un autre résident. « Quand le veilleur l’a trouvée dans son sang à 4h30, personne ne nous appelés et personne n’a appelé ni les pompiers, ni le SAMU, ni le médecin de garde, ni l’hôpital. On l’a simplement remise au lit. Il y a eu des dysfonctionnements et on veut que les choses soient dites. Ma mère mérite le respect », relate la fille de Sylvaine au journal L’Est Républicain.

Pour elle, sa mère a plutôt été tabassée violemment par cet homme. Ce dernier, qui souffrait de problèmes psychiatriques, aurait déjà agressé plusieurs de ses pairs par le passé, dont Sylvaine. Pour les proches de la victime, il n’avait rien à faire dans un Ehpad. Ils ont déposé plainte.

Une enquête a depuis été ouverte par la justice pour déterminer ce qui a pu se passer, en parallèle des investigations administratives ordonnées dans l’établissement. 

Le directeur qui violait ses employées

Dans cette affaire, les victimes ne sont pas résidents, mais des employées de l'Ehpad.

Entre juillet 2010 et juillet 2012, Bruno Didier, le directeur de la maison de retraite de Puttelange-aux-Lacs, en Moselle, va violer quatre de ses salariées, au sein même de l’établissement. Les victimes, des aides-soignantes et des femmes de ménage, racontent le harcèlement dont elles auraient été victimes de la part de cet homme brutal, grossier, aux mains baladeuses, qui exhibait son sexe devant elles et leur a fait subir du chantage à l’emploi pour qu’elles accèdent à toutes ses demandes obscènes. Toutes racontent avoir été violées par cet homme, au sein même de la maison de retraite, dans la morgue, et même, pour l’une d’entre elles, dans la chambre d’une résidente, à quelques mètres de la vieille-dame à peine consciente.

En mars 2019, Bruno Didier est jugé devant les assises de la Moselle pour quatre viols aggravés et trois agressions sexuelles. Pour lui, il est innocent, et il ne s’agit que « de relations sexuelles consenties entre deux portes ».

Me Hachouf défend lors de ce procès deux des plaignantes, à l’époque femmes de ménage dans l’établissement. « On s’est rendus compte pendant ces audiences de la façon dont les Ehpad fonctionnaient. Il y a un manque de respect pour les personnes, leur dignité est bafouée, et le système entier est sectaire », affirme l’avocate.

Au terme des débats, Bruno Didier est condamné à 10 ans de réclusion criminelle.

Yvette, tuée avec une madeleine

Le 13 mai 2019, dans un Ehpad de Tours, des infirmières découvrent le corps d’Yvette, une résidente de 92 ans atteinte d’Alzheimer, inanimé dans son lit. Dans sa bouche, on retrouve de gros morceaux de madeleine. La vieille-dame s’est vraisemblablement étouffée.

Le paquet de gâteaux entamé se trouve pourtant à plusieurs mètres de son lit, et Yvette ne se déplaçait pas sans aide. L’une des employées va alors raconter avoir croisé un homme étrange, qui s’est introduit dans la chambre de la vieille dame un peu plus tôt, alors que cette dernière, fille unique et sans enfants, ne recevait que très peu souvent de la visite. Surtout, le médecin légiste note une « infiltration hémorragique du muscle du cou éventuellement consécutive à une saisie cervicale ». Ce qui veut dire qu’ Yvette aurait pu être maintenue de force pendant qu’on l’obligeait à avaler le gâteau.

Les enquêteurs découvrent bientôt que l’étrange visiteur n’est autre qu'Alain, le propriétaire du viager vendu par Yvette en 1995.  Agé de 60 ans, il va reconnaître avoir apporté les madeleines à la vieille dame, mais nie toute intention d’homicide.

Il finira toutefois par admettre que la vieille dame « est morte au bon moment », car il cherchait à l’époque à vendre sa maison, ce qui était impossible sans l’accord d’Yvette. Mis en examen, Alain a comparu pour l'assassinat de la vieille dame devant la cour d'assises d'Indre-et-Loire, à Tours, du 9 au 14 mai 2022.

Au terme d'une semaine d'audience, le jury a décodé d'acquitter cet ancien pompier de Paris. Reste à savoir comment, exactement, est décédée Yvette...

L’aide-soignant pervers

Le 10 mai 2020, le commissariat du 12ème arrondissement de Paris débarque dans l’Ehpad « Les Arcades », près de Bercy, après avoir reçu l’appel d’une aide-soignante, paniquée. Cette dernière aurait surpris l’un de ses collègues en train de violer une résidente de 92 ans. Sur place, la vieille dame est en état de choc. Mais son agresseur a disparu. Heureusement, la police parvient à le retrouver, dans le jardin de l’établissement. Il est alors placé en garde à vue. Il a depuis été mis en examen, et l’enquête se poursuit, notamment pour savoir s’il aurait pu faire d’autres victimes…

Pour Me Hachouf, ce cas de figure d’un membre du personnel s’en prenant à un ou une résident.e reste, heureusement, très rare. « Dire que c’est courant ça serait mentir, mais effectivement il y a des brebis galeuses », précise l’avocate.

Petits meurtres entre résidents

Un résident qui s'en prend à un autre, parfois jusqu'à la mort... Hélas, de tels drames sont à déplorer assez régulièrement dans les maisons de retraite de l'Hexagone.

En mai 2019, dans un Ehpad de Chézy-sur-Marne, dans l’Aisne une résidente âgée de 102 ans se présente au personnel soignant, affolée, et leur raconte qu’elle vient de « tuer quelqu’un ». Peu de temps après, une résidente de 92 ans est en effet retrouvée sans vie, gisant dans son lit, le visage tuméfié. Elle a été battue et étranglée. Une enquête est immédiatement ouverte. La centenaire, dans un grand état de confusion, a été transférée dans une unité de soins psychiatriques. Un collège d’expert devrait prochainement se pencher sur sa responsabilité pénale.

A Limoges, en septembre 2021, un résident d’Ehpad de 86 ans aurait violemment frappé un de ces pairs, qui décèdera, quelques jours plus tard à l’hôpital. La aussi, la question de son discernement se pose : le résident était atteint de la maladie d’Alzheimer.

« Dans la plupart de ces affaires, les agresseurs ne seront pas jugés, car leur discernement est aboli au moment des faits », précise Me Sabrina Hachouf.

L'histoire tragique de Paulette

Dans la nuit du 25 au 26 novembre 2010, Paulette, 70 ans, est retrouvée en état de choc dans le couloir de son Ehpad. Elle a le visage marqué, rouge, les lèvres en sang, et le pantalon baissé. La vieille dame ne peut pas parler. Les aides-soignantes de garde notent dans leur carnet de liaison qu’elle aurait été agressée physiquement et sexuellement par un autre résident, âgé de 65 ans, déficient psychologique et mental, et connu pour "voler des baisers" et "essayer de caresser" les femmes de l’Ehpad . Les soignantes séparent alors les deux résidents, et vont recoucher Paulette, comme si de rien n’était.

Ni la famille, ni les autorités ne seront alertées de ce qu’il s’est passé. Pourtant, Paulette va conserver des séquelles de son agression. La vieille dame souffre d’irritations à l’anus, elle redoute l’heure du coucher et sera même aperçue en train de manger ses selles. Pendant tout ce temps, son agresseur restera hébergé au même étage qu’elle.

«  Savoir qu’un membre de sa famille se soit fait agresser, violer, sans qu’on puisse réagir »

Un an plus tard, le gendre de Paulette croise une infirmière dans la rue, qui finit par lui expliquer qu’il serait arrivé « quelque chose de grave » à la septuagénaire. La famille finit par consulter le dossier médical et s’aperçoit du drame. Sous le choc, ils décident de porter plainte contre l’établissement et sa directrice. Mais après des années d’une procédure complexe, la justice tranche et prononce la prescription de l’affaire en raison d’une erreur de procédure. Paulette, elle, est décédée en 2013.  

Me Sabrina Hachouf a défendu la famille de Paulette dans cette affaire. Elle dénonce, une fois de plus, l’omerta du milieu. « Personne n’a prévenu la famille, il y avait une forme de pression dans l’établissement. L’établissement ne voulait pas que ça s’ébruite car il y a une part de responsabilité de sa part ». En effet, pour elle, le résident agresseur « n’avait pas le profil pour se retrouver en liberté à côté de la mère de ma cliente, qui était handicapée, alitée, très vulnérable. »

« De savoir qu’un membre de sa famille se soit fait agresser, violer, sans qu’on puisse réagir, sans qu’on puisse faire quelque chose, c’est terrible », conclut Me Hachouf qui précise que face à ces drames, beaucoup de familles ressentent de la culpabilité.