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Sur le papier, la retraite à points voulue par Emmanuel Macron a pour but de réformer le système pour le rendre plus simple et plus égalitaire. La réalité est bien différente. 
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Les négociations ont démarré ce mardi 21 novembre et devraient sonner le glas des régimes spéciaux. A première vue, cette réforme a tout pour plaire puisqu’il est question de permettre à tout un chacun de cotiser de façon identique en vue d’obtenir les mêmes droits une fois la retraite venue. Ce, quel que soit le statut professionnel de la personne ayant cotisé (du salarié aux indépendants, en passant par les fonctionnaires et les professions libérales).

Seulement voilà, certes la transition devrait s’effectuer de manière progressive et certes l’âge légal de départ en retraite sera normalement maintenu (il est de 62 ans actuellement). Pour autant, cette réforme des retraites pourrait bien faire figure de grand chambardement tant elle risque de chambouler les fondements et l’organisation même des régimes spéciaux.

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Des trimestres + des points !

Concrètement, les différents régimes de retraite vont être contraints d’instaurer des règles communes visant à garantir les mêmes droits pour chaque euro cotisé. Un virage à 180 degrés auquel les personnes disposant de régimes spéciaux (SNCF, Banque de France, etc.) vont devoir s’habituer.

Le fait est que de nombreux régimes fonctionnent déjà sur ce modèle de points. Il s’agit principalement de régimes de retraite complémentaires tels que l’Agirc-Arrco pour les salariés du privé, de la Cipav pour les indépendants, ou bien encore de l’Ircantec pour celles et ceux qui œuvrent dans la fonction publique. Grâce à ces régimes, les actifs cotisent et obtiennent chaque année un certain nombre de points. Lesquels points sont, ensuite, convertis en euros lorsqu’ils prennent leur retraite.

A ce système de retraite complémentaire s’ajoute celui des régimes de bases comptabilisés, eux, en trimestres. Des points en plus des trimestres qu’il est déjà, dans l’absolu, difficile d’additionner.

Achat de points : un véritable casse-tête

Mais ce qui pose encore plus problème ce n’est pas tant l’acquisition de trimestres (les trois grands régimes - général, RSI et MSA - sont alignés), mais bien celle de ces fameux points. Autrement dit : chaque régime de retraite complémentaire fixe de lui-même le prix d’achat des points de retraite. Un procédé historique qui prend aussi bien en compte l’âge que le nombre de cotisants, le nombre de pensionnés, ainsi que leur espérance de vie et qui implique que le coût d’achat de points varie fortement en fonction des régimes et des professions.

A cela s’ajoute le fait que, pour pouvoir comparer ces points de retraite, il convient en réalité de prendre en compte le rendement des cotisations et non leur prix d’achat. Autant d’éléments qui ne facilitent aucunement le calcul des prix d’achat des points de retraite et qui continuent de semer le floue dans l’esprit de quantité de cotisants.

Des rendements en baisse

Petit calcul : si vous êtes salarié, le prix d’achat des points doit être multiplié par un taux d’appel de cotisations porté à 125 %. En 2017, le rendement réel des cotisations est de 6,18 %, mais en 2018 celui-ci devrait passer à 5,98 %. Quant au taux d’appel des cotisations, il devrait atteindre 127 % en 2019. Résultat : non seulement les calculs se révèlent complexes et différents selon chaque situation, mais les rendements pourraient baisser, peut-être même dès l’année prochaine.

Une volonté de simplifier le système de calculs des régimes de retraite en vue de le rendre plus équitable qui ne le rend pas plus clair, ni plus égalitaire pour autant. A titre d’exemple, en 2017 les personnes cotisant dans le cadre du régime de retraite complémentaire de la CNBF (soit celui destiné aux avocats salariés et non-salariés) sont celles qui profiteront du rendement le plus intéressant. Lequel est actuellement porté à 10,12 %.

Des négociations qui s’annoncent difficiles

Au final, la réforme des retraites et son système de calculs de points sont loin d’être évidents à appréhender, encore moins facile à harmoniser. Entre la diversité des prix d’achat, les prix de sortie, les rendements générés, les différences sont légion mais surtout significatives d’un régime à l’autre.

A cela s’ajoute le fait que seuls les partenaires sociaux (pour ce qui est de l’Agirc-Arrco) fixent les règles d’acquisition des droits à la retraite et de leurs cotisants. Ils peuvent ainsi décider de suivre ou non les évolutions réglementaires des régimes de base. Lorsque l’on sait que, rien que du côté des professions libérales, il n’existe pas moins de 10 régimes complémentaires. Lesquels sont tous gérés en totale autonomie (contrairement aux régimes de base soumis, eux, à la tutelle du Ministère des affaires sociales), la difficulté se corse d’autant plus.

Et pourquoi pas un compte virtuel ?

Pour pallier ces difficultés, le chef de l’Etat pourrait bien envisager une autre voix et privilégier un système de compte notionnel, variante du système de points. Dans ce cas, il serait question de mettre en place un compte virtuel sur lequel serait versée l’intégralité des cotisations retraites des actifs tout au long de leur carrière.

Une fois l’heure de la retraite arrivée, ces cotisations pourraient être converties en pension et être multipliées par un coefficient de conversion. Là encore le calcul est complexe, mais peut-être moins que celui actuellement mis en place. Il devrait, a priori, prendre en compte l’âge de départ en retraite, mais aussi l’espérance de vie de chaque génération et donner lieu à un montant annuel versé à chaque futur retraité.

Ne reste plus qu’à attendre la fin des concertations. Tout en sachant que 80 % des salariés du privé sont plus que favorables à la mise en place d’un régime universel. Actuellement, le régime s’appuie sur plus d’une trentaine de caisses de retraite.

En vidéo - Le Rendez-Vous des Éditorialistes: les discussions sur la réforme des retraites ont débuté